Les métamorphoses de la CV-10

> Artana (Castellò) – 120 km
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Jeudi. Encore une nuit calme et confortable. Levé quand même tôt, j’ai de belles conversations avec plusieurs voisins. En plus de Nicolas et Nathalie, je rencontre Bruno et Corine, venus d’un village près de l’Isle-Adam, dans l’Oise. Ils ont trois filles de 10 à 3 ans : Manon, Télia et Cassy. Comme Télia aura 7 ans dimanche, je lui chante « C’est à ton tour » à la guitare. Agréable, mémorable.

Je prends donc la route vers 11 h, ayant envoyé au camping La Fresnada les photos de Ian, puisque je n’ai pas son courriel.

Je pars dans la mauvaise direction, vers la mer. Hier, j’étais arrivé de nuit sans veiller aux détails de l’itinéraire. Ça me vaut un joli détour de quelques kilomètres.

Revenu rapidement sur la bonne voie, je vais d’abord vers Cervera, en haut d’une solide montée, et offrant de belles vues. La route poursuit en hauteur avant de traverser un long pont au dessus d’une large rivière… complètement asséchée. La région est franchement aride.

Après Sant Mateu, je roule sur la CV-10 dans une large vallée où les herbes sèches alternent avec les cultures irriguées et les villages. J’y entre régulièrement pour faire le plein d’eau et prendre des pauses à l’ombre.

En arrivant à Cabanes, ma route devient autoroute, ce que ma carte ancienne n’indique pas. Je n’ai d’autre choix que d’entrer en ville. Il y a une épicerie – Yé ! – qui vend de la soie dentaire, denrée rare ici – re-yé ! La mienne était disparue à la gare de Lyon.

En sortant de Cabanes, il y a une piste cyclable aménagée le long de l’autoroute. Parfois un peu difficile à suivre, avec trois petites descentes à 17 % que je n’aurais pas montées sur deux roues, mais en général très fonctionnelle, elle me mène jusqu’à l’intersection vers Eslida et le camping suggéré.

Il est déjà passé 21 h, la nuit tombe, et le camping est à 10 km. Je me choisis donc une orangeraie paisible pour y passer la nuit.


km jour : 119,2
km total : 2959
départ / arrivée : 11 h 15 / 21 h 15
temps déplacement : 7 : 29
vitesse moyenne : 15,9
vitesse maximale : 53,0

La Via Verda

> Càlig (Castellò) – 140 km
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Mercredi. Il a plu légèrement pendant une partie de la nuit. Ça a très bien dormi. Au matin, ma tente est presque sèche, mais le ciel reste gris pour la journée. C’est aussi relativement frais, un avantage certain et apprécié.

En discutant itinéraire avec le propriétaire du camping, il me donne une carte usagée couvrant de la France jusqu’à Valence, un cadeau inestimable. Il me fournit également un dépliant illustrant la Via Verda, mon itinéraire d’aujourd’hui. Évidemment, je salue mes amis avant le départ, un peu tardif puisqu’il est plus de 11 h.

Pour accéder à l’ancienne voie ferrée convertie en piste cyclable, il faut passer par le village de Torre del Compte, avec quelques montées et descentes. La piste est pavée – qualité assez variable – et très bien signalée.

Au début, c’est très tranquille et ça monte doucement jusqu’à Vall-de-Roures, point le plus élevé du trajet. Pendant une brève pause repas, deux couples s’y font déposer par des camionnettes afin de descendre sans avoir eu à monter.

Et ça descend longtemps, puisque je roule sur cette piste pour plus de 60 km. Les paysages de plus en plus spectaculaires se succèdent en s’approchant des montagnes. C’est un peu étrange de descendre vers ce mur de pierre en sachant que je n’aurai pas à le remonter, mais que je passerai au travers.

La traversée se fait par quelques dizaines de tunnels – habituellement éclairés, mais pas toujours – et de viaducs, essentiellement par les gorges de la rivière Canaletes. C’est l’un des plus beaux passages du voyage, et il y a foule dans les sections les plus impressionnantes. Vers la fin des gorges, je rattrape Ian et sa famille, très heureux de leur balade.

La fin du trajet sur piste se fait le long de l’Ebre, jusqu’à Tortosa. Là, j’y fais une épicerie alors que le soleil sort. Mais il est tard, près de 18 h, avec plus de 50 km à parcourir. Je choisis de jolies petites routes, les plus directes, et il est près de 22 h quand j’arrive enfin au camping, à la fin d’une journée de plus de 140 km.

L’Orangeraie est un petit bout de France en Espagne. Les propriétaires et la majorité de la clientèle sont issus de l’Hexagone et je peux ressortir la langue de Vignault qui rencontre celle de Molière.

Mes voisins de site, Nicolas et Nathalie, m’accueillent très chaleureusement et m’offrent de leur excellent riz pour souper. Et, surprise, Nathalie connaît bien mon ami Jean-Marie, le papa de Catherine, rencontré début juillet. Le monde est petit. Et la nuit fera grand bien.


km jour : 140,1
km total : 2839
départ / arrivée : 10 h 40 / 21 h 50
temps déplacement : 8 : 35
vitesse moyenne : 16,3
vitesse maximale : 47,6
camping : 15,00 €

De la pluie dans le désert

> La Fresneda (Teruel) – 100 km
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Mardi. Finalement, la nuit a été confortable, pas trop chaude. Je me lève tôt afin de rouler avant la grande chaleur. Au moment où je remplis mes bouteilles, un campeur m’indique que l’eau du camping est non-potable. Je la bois depuis hier. En tout cas, dès 8 h 30 je suis en ville. L’épicerie ouvre à 9 h… Je me mets en quête d’une fontaine, toutes sont hors service, mais j’en trouve finalement une dans un parc. Je change mon eau, puis je me dirige à l’épicerie pour m’assurer de provisions suffisantes.

Il est 9 h 30 quand je pars pour vrai. Il fait déjà chaud, et ça ne fait que commencer.

Je longe brièvement les cours d’eau – ici, le Segre se jette dans l’Ebre – au pied d’un château impressionnant. C’est très sec, la végétation basse est jaunie, seuls les arbres ont maintenu un peu de vert.

J’approche d’un grand barrage sur l’Ebre. La route commence à monter, pour 10 km, redescend pour cinq autres, puis petites montées et descentes se succèdent avec un bon vent de face. Je roule dans une région très aride, où l’eau est visiblement rare. C’est splendide. À part la route, excellente, les seules traces humaines sont des ruines de bâtiments et quelques cultures et chemins.

J’arrive à Caspe. J’ai besoin d’eau, et un parc à l’entrée de la ville offre fontaine et ombre, dont je profite avant de reprendre la route sous un ciel qui se couvre tranquillement.

C’est à nouveau le quasi désert jusqu’à Alcaňiz, où Google indique un camping. Mais l’histoire se répète : il est fermé, l’alternative la plus rapprochée est à 25 km. Surtout, la pluie semble s’approcher.

Je pars rapidement et je pousse fort sur les pédales. Une grande route, une plus petite, le village, encore deux kilomètres, une affiche indiquant le camping comme complet, 600 m de gravier et j’y suis.

La dame, très chaleureuse, me dit avoir toujours de la place pour les cyclistes. Le temps de m’inscrire pour le plus bas tarif du voyage – pour l’un des meilleurs campings – et la pluie arrive en force.

Je mets mon vélo à l’abri dans l’espace vaisselle et y monte ma tente pendant un moment où il n’y a personne avant d’aller l’installer. Ici, tous se parlent – en anglais – et les rencontres se multiplient. Bas, un hollandais ayant déjà voyagé à vélo, me prête des cartes afin que je les photographie et me conseille des itinéraires.

Comme la pluie se poursuit, je cuisine dans l’espace vaisselle. Ian, anglais et triathlète, me donne une banane et des barres d’énergie ; j’ai aussi d’excellentes conversations avec d’autres campeurs. Quand je me couche, la pluie a diminué mais se poursuit. Ça va bien dormir.


km jour : 102,0
km total : 2699
départ / arrivée : 8 h 20 / 19 h 20
temps déplacement : 7 : 20
vitesse moyenne : 13,8
vitesse maximale : 59,4
camping : 5,50 €

Congé mécanique cuisant

> Mequinenza (Aragón) – 35 km
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Lundi. Levé à 8 h, je constate que le sol est resté chaud sous la tente. Je ne prévois plus avoir froid… Ce matin, je prends mon temps. Je profite de l’électricité pour charger autant que possible mes appareils, et il est 11 h quand je pars, en quête de carte, de camping et de ravitaillement.

Il fait déjà très chaud et le soleil brille sans partage. Je descends l’abrupte côte vers Fraga sur les freins. La ville ancienne, alanguie sous la chaleur, est vraiment belle. J’y trouve des fruits et une affiche indiquant un camping à Mequinenza, 25 km plus au sud. Parfait : le congé prévu hier sera pour aujourd’hui.

J’ai le choix entre deux routes : je choisis la plus petite, sur la rive est de El Cinca, celle où il n’y a pratiquement aucune circulation. Très bon choix.

C’est splendide. Si la vallée et les zones irriguées sont vertes, tout le reste est jauni. Par moments, je passe au pied de falaises ocres ; ailleurs, ce sont des vergers à perte de vue. La vallée est cernée de montagnes désertiques. Parfois, de petits chemins de terre s’élèvent vers les hauteurs. Et moi qui craignais d’en avoir fini avec les montagnes…

Je traverse deux villages. Au premier, je complète mes courses ; au deuxième, je mange à l’ombre et remplis mes gourdes. Entre-temps, El Cinca a rejoint El Segre, maintenant bien loin du torrent de ses débuts. Tout au long du trajet, je prends de nombreuses photos.

Peu après 14 h 30, j’arrive au camping. Il fait 37° à l’ombre, c’est pire au soleil. Oh là là ! Je m’installe, mais ne me repose pas : mon vélo a besoin d’entretien. Plus précisément, je dois changer les plaquettes de mes freins à disque, une opération nouvelle pour moi. J’y mets le temps – à l’ombre – et tout se passe bien. Je termine avec le vélo par une virée en ville à la recherche d’une carte. Rien.

De retour, je prends une douche et je me mets au journal tout en chargeant l’ordinateur, qui réclame sa dose d’électricité. Il fait vraiment très chaud partout. Je peux ainsi compléter le journal, préparer une sélection de photos et tout mettre en ligne, car la connexion Internet est excellente.

Je mange donc tard, après le coucher du soleil, mais avec une vue splendide sur le lac, la vallée et le coucher de la lune. Même si une certaine fraîcheur commence à se faire sentir, je prends une nouvelle douche avant le dodo.


km jour : 35,2
km total : 2597
départ / arrivée : 11 h 000 / 14 h 45
temps déplacement : 2 : 36
vitesse moyenne : 13,5
vitesse maximale : 26,7
camping : 15,00 €

Où est le camping ?

> Fraga (Zaragoza) – 115 km
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Dimanche. Nuit fraîche et humide pour le double toit, qui séchera ce soir. Je suis debout à 7 h et je termine la mise à jour du journal, arrêtée hier faute de lumière. Je n’ai qu’un seul visiteur, un homme gentil qui me raconte une histoire en espagnol que je ne comprends pas. À 9 h 15, je prends la route.

Je reviens au village de Ponts afin de consulter Internet, reconnecté ce matin. En plus des courriels, je découvre une information précieuse : Google annonce un camping à Lleida, ce qui me ferait une journée de 70 km, un vrai congé. C’est parfait pour moi : j’y vais.

Je profite aussi de la boulangerie pour le pain et de la fontaine pour refaire le plein d’eau – ici, je n’en ai jamais trop. Malheureusement, comme c’est dimanche, l’épicerie est fermée. Elle ouvre au moment où je me prépare à partir, alors je peux commencer mon trajet avec l’essentiel pour la journée.

Il n’y a toujours qu’une seule route, facile et large, avec de longues montées et descentes. Les villages perchés se succèdent, spectaculaires, mais la route les contourne : il faut faire un détour pour y entrer. Je fais ce détour à Artesa de Segre.

À côté de Foradada, un groupe de cyclistes lycra est en balade et nous échangeons dans un français minimal, mais chaleureusement. À Cubells, il y a enfin une option à la route principale : un petit chemin tortueux descend vers Montgai. Le trajet est vraiment joli, et je profite de l’ombre d’un mur pour manger un peu : le soleil est vraiment violent.

 Vers Balager, une ville plus importante autour de laquelle les industries sont nombreuses, et plus loin, la route n’a presque plus de relief. Je vois s’éloigner les montagnes avec nostalgie.

J’arrive à Lleida vers 16 h 30, après une journée bien raisonnable d’à peine 75 km, et je me mets à la recherche du camping. En pure perte : il n’y en a pas, il n’y a à l’adresse indiquée qu’un bureau – fermé, évidemment – fédérant les hébergements de la région. Que faire ? Les batteries de mes appareils sont en baisse, une douche serait plus qu’appréciée et je sens la fatigue.

Deux jeunes cyclistes de Barcelone font le plein d’eau tout près. Ils prévoient se rendre à Fraga, 25 km plus loin, où il y a un camping. C’est reparti.

À la sortie de la ville, une flèche indique un itinéraire cyclable vers un village où je dois passer. La route qui serpente entre les arbres fruitiers est jolie, tranquille et rapide… mais se détériore pour devenir mauvais gravier. Je m’informe, et je reviens sur mes pas pour reprendre la route principale.

Là, nouvel obstacle : selon la carte, je devrais passer sur une autoroute, ce qui est interdit et assez dangereux. On verra.

Pour un bout, je roule sur une voie de service. Quand elle se termine, une affiche indique un itinéraire vélo/rando par une petite route goudronnée. Le goudron ne dure qu’un temps, et une solide montée sur un gravier rond qui fait déraper mon vélo se révèle être la seule option. En haut, le goudron est de retour pour la descente vers la voie de service.

Et ça remonte pour passer en haut d’une colline par un petit tunnel et redescendre vers un paysage de western. Une série de flèches indiquent le camping. Après une cour d’usine, le chemin passe à flanc de montagne pour aboutir sur un petit plateau avec vue sur la vallée.

Je m’installe et je fais le minimum requis – repas, douche, lavage et archivage des photos – avant de me coucher dans une tente encore chaude.


km jour : 118,2
km total : 2562
départ / arrivée : 9 h 15 / 20 h 45
temps déplacement : 7 : 27
vitesse moyenne : 15,8
vitesse maximale : 45,8
camping : 13,65 €

Les gorges du Segre

> Ponts (Segarra) – 100 km
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Samedi. Nuit fraîche, bien calme, mais le double toit de la tente est légèrement humide. Le soleil qui brille de tous ses rayons a tôt fait de faire fuir l’humidité et la fraîcheur. Je prends la route vers 10 h.

Pas de risque de se perdre : il n’y a qu’une seule route, assez achalandée, qui suit le cours du Segre. Incidemment, elle traverse le parc naturel Cadi-Moixeró, qui vaut le détour à lui tout seul. Heureusement, l’accotement est suffisant et les conducteurs courtois. Les cyclistes lycra y sont nombreux.

Surtout, les paysages sont superbes. En avant-midi, je descends – littéralement : il y a une pente assez constante, qui se fait sans freins – dans une vallée cernée de hauts murs de pierre spectaculaires. Parfois, de petits villages sont perchés sur des pitons rocheux. Et quand il y a des tunnels, l’ancienne route a été préservée comme voie de contournement pour les vélos.

Je prends quantité de photos, au point où ça affecte sérieusement ma moyenne. C’est parfait ainsi, c’est un émerveillement constant.

À La Seu d’Urgell, seule ville d’importance de la journée, je refais mes provisions, qui étaient au plus bas.

Il fait maintenant chaud, autour de 33°, et j’ai un bon vent de face pour le reste de la journée. Pour quelques kilomètres, je traverse une zone urbaine en plaine, puis la vallée se resserre à nouveau autour du Segre.

C’est encore plus spectaculaire que ce matin. La route serpente au pied de murs de pierre verticaux, offrant à chaque virage un nouveau point de vue époustouflant. Petite pause entre Organya – avec un plein d’eau – et Coll de Nargó, et c’est reparti de plus belle.

La route principale traverse une série de tunnels alors que l’ancienne route, où je suis seul, longe le spectaculaire lac émeraude entre les falaises immenses. Quelle journée fantastique !

Après Oliana, fin de la récréation. Vent de face et chaleur restent au rendez-vous, mais la route a été refaite, longue et droite, avec de longues montées, pour éviter une zone inondable créée par un nouveau barrage.

Une montée de quelques kilomètres, une crête et une descente, et je suis à Ponts. Je refais le plein d’eau et m’informe pour un camping. Ils sont tous vers le nord, d’où je viens…

À la sortie de la ville, une affiche indique le Canal d’Urgell. Je vais vérifier, à tout hasard. Route d’asphalte, route de terre, le canal se révèle ne pas être navigable ni cyclable, s’engouffrant dans un tunnel. Il s’agit visiblement d’un réseau d’irrigation, non de navigation. En route, j’avais repéré un petit chemin s’enfonçant dans les cultures. Au bout du chemin, le Segre et un emplacement tranquille pour ma tente. À 22 h, je suis couché.


km jour : 101,9
km total : 2444
départ / arrivée : 10 h 10 / 19 h 50
temps déplacement : 6 : 13
vitesse moyenne : 16,3
vitesse maximale : 59,3

Un col vers l’Espagne

> Bellver de Cerdanya (Cerdanya) – 70 km
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Vendredi. Comme prévu, il a plu une bonne partie de la nuit, parfois assez fort. Dehors, tout est trempé ; dans ma tente, tout est sec. Merci, tente. Bien programmé, je m’éveille à l’heure habituelle, mais comme j’avais décidé de me lever plus tard, je me rendors jusqu’à 9 h. Il est donc 10 h 45 quand je prends la route sous un ciel encore nuageux mais dans lequel quelques percées bleues indiquent le programme. Effectivement, ça se dégage rapidement.

Il fait frais, environ 15°, et il vente dans mon dos, deux conditions favorables pour la montée du col de Puymorens, la première étape de la journée. Après les cols suisses, je m’étais préparé à une dure montée, mais il n’en est rien : c’est doux et facile, en y mettant le temps.

Jusqu’à l’Hospitalet-prés-l’Andorre – oui, c’est le nom du village –, la circulation sur la route étroite est dense, mais au village deux choix s’offrent pour monter, et cette portion est remarquablement calme. Les paysages s’ouvrent, c’est vraiment beau, mais ce n’est pas l’éblouissement suisse. C’est vrai que l’altitude est moindre.

Plus haut, au-dessus de l’entrée du tunnel, les deux routes se rejoignent et ça redevient dense, puis je passe l’intersection vers Andorre et le calme est de retour sur une route plus large. J’atteins le sommet, à 1915 m, sans aucune difficulté notable.

Un couple en VR se prépare à pique-niquer. Nous échangeons quelques mots, et ils m’invitent à manger mon lunch à leur table. Serge et Lydie habitent près de l’Atlantique et voyagent au hasard des cartes. Conversation chaleureuse malgré le vent frais qui souffle fort, avec un panorama à la hauteur.

Je repars avec un manteau, car ça descend solide. Autant la montée avait été plus discrète, autant la descente est spectaculaire. Ce n’est pas très abrupt, mais la route et le paysage sont mémorables, car la paroi de la montagne est à pic. J’apprécie à nouveau les excellents freins du vélo.

Après Porté-Puymorens, la route s’engage dans le canyon de la rivière Carol. Avec la pente et le vent de dos, ça descend tout seul. La vallée s’élargit tranquillement. À Latour-de-Carol, je prends une toute petite route. Grâce à deux cyclistes, j’apprends que je suis à 100 m de l’Espagne. Sans eux, je n’aurais jamais réalisé qu’il y avait une frontière.

J’entre à Puigcerda sous un soleil brûlant et je me mets à la recherche d’une carte, un défi qui prend du temps et un peu de créativité, puisque je ne parle pas l’espagnol. J’en déniche une, pas parfaite mais utilisable.

Comme je préfère les petites routes, j’en repère une qui traverse petits villages et champs dans la vallée du Segre, que j’ai choisi de suivre. C’est de toute beauté avec les hautes montagnes qui cernent la vallée.

Un cycliste qui connait quelques mots de français m’indique un camping à la sortie de Bellver de Cherdanya, très joli village perché sur une colline à côté de la rivière. Je m’y rends et m’installe, désolé de ne pouvoir communiquer avec les gens qui m’entourent. Avec la nuit, la température baisse rapidement. C’est assez normal : la vallée est à plus de 1000 m d’altitude. La nuit sera appréciée.


km jour : 67,5
km total : 2342
départ / arrivée : 7 h 45 / 19 h 10
temps déplacement : 5 : 50
vitesse moyenne : 11,6
vitesse maximale : 57,9
camping : 13,00 €

La route des Corniches

> Mérens les Vals (Ariège) – 55 km
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Jeudi. En début de nuit, le camping était plutôt bruyant, mais le calme s’est installé avec la fraîcheur, permettant un excellent sommeil. Au matin, tous ceux qui avaient fait connaissance au camping se saluent avant d’entamer la journée.

Suivant le conseil de mon voisin mycologue, je choisis la route des Corniches, parallèle à la route principale, mais en hauteur. Pour y accéder, je reviens sur mes pas pour quatre kilomètres. Le départ est facile : jusqu’à Arnave, la route suit une jolie vallée agricole.

Ensuite, comme il fallait s’y attendre, ça monte dur le long d’un petit ruisseau. En haut, le petit village de Cazenave, puis des montées et descentes faciles, beaucoup de points de vue, diversifiés, souvent spectaculaires, puisque la route serpente de village en village à flanc de montagne. Bien sûr, je prends quantité de photos.

Le ciel, dégagé au matin, se couvre tranquillement ; de plus, c’est relativement frais, c’est brumeux et il y a apparence de pluie. À considérer.

Après Caussou, la route devient encore plus étroite et recommence à monter, heureusement assez doucement, jusqu’à plus de 1050 m. D’en haut, la vue sur la vallée de l’Ariège et la ville de Luzenac est imprenable.

Des panneaux présentent le point de vue et l’immense usine qui le marque. En montagne, une mine de talc produit 10 % de la consommation mondiale ; un téléphérique achemine le minerai dans la vallée et produit de l’électricité par gravité.

Cette même gravité me porte vers Ax-les-Thermes, mais prudemment car la route reste très étroite et sinueuse. Les touristes ont envahi la ville, alors je ne m’éternise pas. Les embouteillages sont impressionnants : les voitures venues du col descendent en ville plus lentement que je ne monte la côte…

L’Ariège coule maintenant dans une gorge étroite et spectaculaire. Après cette journée loin de voitures, je redécouvre une route étroite à la circulation dense. Je redouble de prudence.

J’arrive au village alors qu’il reste de bonnes percées de soleil. Le dernier bout avant le camping se fait sur une petite route tranquille, je m’installe sans problème pour un tarif très raisonnable.

Près des sanitaires, je croise une jeune femme qui marche les Pyrénées en solitaire. Nous convenons de manger ensemble. Finalement, nous partageons la table à quatre : Agnieszka et moi y rejoignons Florian et Jean-Noël, deux randonneurs. Le repas est agréable et animé, mais est abrégé par l’arrivée de la pluie. Nous nous retrouvons à trois pour chanter – un peu – et échanger – beaucoup – dans la salle communautaire jusqu’à la fermeture. La forte pluie est devenue fin crachin, donnant le rythme d’une nuit humide. Je m’installe dans les sanitaires pour écrire tout en gardant la charge de l’ordinateur. Je rechargerai mes propres batteries un peu plus tard, en profitant de la musique de la pluie.


km jour : 59,9
km total : 2275
départ / arrivée : 9 h 45 / 17 h 30
temps déplacement : 4 : 51
vitesse moyenne : 11,3
vitesse maximale : 45,3
camping : 7,55 €

Remonter l’Ariège

> Tarascon s/ Ariège – 90 km
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Mercredi. Aujourd’hui sera une autre journée de beau temps : dès son lever, le soleil est intense. Avant de partir pour de bon, je pédale un peu le long du lac de Thésauque. Il est 9 h 45 quand je prends la route.

Je choisis d’abord une petite route vers Montgéard, avec de bonnes côtes, mais la suite en vaut la peine : je roule pour un bon bout de temps sur une crête qui domine la région. En prime, c’est facile. Quand j’arrive dans l’Ariège, un joli belvédère au-dessus de Mazères ouvre sur les Pyrénées, de plus en plus imposantes à mesure que je m’en approche.

Sur la colline de Montaut , je visite les ruines d’un ancien château plus que millénaire ; à Villeneuve-du-Paréage, je mange à l’ombre et refais le plein d’eau – il fait plus de 30°, ça chauffe !

À Pamiers, je traverse une zone industrielle où tout est fermé le midi ; il en est de même pour l’information touristique, alors je m’installe à l’ombre pour écrire en attendant 14 h et l’ouverture.

Les informations sont précises et courtoises. J’achète un nouveau cuissard pour remplacer celui qui est disparu. Il ne reste que le modèle à bretelles, mais le besoin est réel. Un essai me confirme que les bretelles sont de trop : elles sont rapidement mises à leur place, à la taille.

Sous un soleil cuisant – mon thermomètre indique 37° –, je me rends à Foix où je trouve enfin un panneau solaire, peu performant selon le vendeur. On verra.

Encore quelques kilomètres et j’arrive à Tarascon s/ Ariège. C’est très joli avec un château dominant la ville et les rivières, mais le camping est bondé. Il reste une toute petite place pour moi entre une table à pique-nique, une rareté dans les campings d’ici, et un immense motorisé.

J’arrive en même temps qu’une famille québécoise, une autre rareté. Je les invite à profiter de « ma » table, ce qui nous vaut une très agréable soirée. Jean-Yves et Nancy habitent en banlieue sud de Montréal avec leurs enfants Laurence, 15 ans, et Jean-Christophe, 12 ans. Ils sont errance VR et ont grand plaisir à vivre ensemble cette aventure. Le monde est petit : Laurence a été deux ans dans la classe de Jean-Carlo, fils de mes amis Jean-Pierre et Diane.

J’ai aussi de bons échanges avec d’autres voisins. Un est le président du club de mycologie de Dijon, basé ici pour un mois ; Jean-François conduit le VR voisin ; sa fille Ophélie prévoit étudier au Québec. Je le lui souhaite. Le camping est très animé et bruyant, les fumeurs nombreux, nous avons tous hâte que tout se calme, mais ça reste de belles rencontres qui donnent plus de sens au voyage.


km jour : 89,9
km total : 2220
départ / arrivée : 9 h 45 / 20 h 10
temps déplacement : 5 : 52
vitesse moyenne : 15,3
vitesse maximale : 55,1
camping : 8,00 €

Le canal des deux mers

> Nailloux (Haute-Garonne) – 120 km
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Mardi. Après une – autre – bonne nuit, je me lève en pleine forme. Je me prépare sans écrire le journal, et je pars vers 9 h 30, rejoignant facilement la piste du canal.

C’est un trajet facile : c’est pratiquement plat, à part une petite montée à chaque écluse, et je profite d’un léger mais apprécié vent de dos. En prime, il fait à nouveau très beau.

Je quitte la piste pour quelques achats, même si je ne trouve pas tout, puis c’est reparti.

Comme d’habitude sur ces véloroutes, je croise plusieurs cyclistes chargés. C’est joli, bucolique, souvent ombragé. Il y a quelques curiosités. La plus remarquables est la pente d’eau de Montech, un système permettant de pousser un « lac » portant un bateau dans une gouttière géante en pente pour contourner cinq écluses rapprochées.

En approchant de Toulouse, j’espère trouver une carte plus détaillée, car la ville est vaste et pourrait être complexe côté orientation. Pas de chance, pas de carte. Et en entrant en ville, plus de piste ni de flèches. Un plan du réseau de transport dans un abribus me dépanne, puis je glane quelques informations pour retrouver la Garonne puis le centre-ville.

Là, une consigne : par là, tout droit. Je passe sur des rues envahies de touristes, roulant au pas les mains sur les freins. Mais la consigne est bonne : soulagé, je retrouve le canal.

Ici aussi, il fait quelques acrobaties : il surplombe les rues et passe au-dessus d’une autoroute. Les constructeurs ne manquaient ni d’audace ni de détermination.

À la sortie de la ville, des péniches colorées occupent toutes les rives. Plus loin, je complète mes achats de nourriture, puis je quitte le canal pour monter au camping. En chemin, je découvre un horizon de montagnes au sud : les Pyrénées ! Jean-Michel, qui me reçoit, est particulièrement généreux et disponible. Alors que je m’installe, deux jeunes dans la vingtaine viennent me saluer, intrigués par ma tente.

Après le repas, je les retrouve, alors qu’ils sont maintenant trois. Pauline et Axel travaillent au bar voisin, Victor est sauveteur pour les jeux d’eau voisins, ils habitent le camping pour l’été. Nous discutons un temps, nous grattons quelques notes sur la guitare, puis ils quittent retrouver des amis à Toulouse. Ils m’invitent à les accompagner, mais ce ne serait pas une bonne idée de rentrer si tard. Belle rencontre à la fin d’une belle journée, sous un ciel constellé d’étoiles.


km jour : 121,9
km total : 2130
départ / arrivée : 9 h 30 / 20 h 15
temps déplacement : 7 : 17
vitesse moyenne : 16,7
vitesse maximale : 45,6
camping : 19,44 €