Ce matin, toujours sous le smog, Passetougrain appareille tôt pour nous rejoindre vers 10 h ; Atua se réveille lentement pour profiter de la superbe Anse-Saint-Pancrace. Alice, Adélaïde et moi nous dirigeons vers la chute, déjà animée par un groupe d’enfants venus en canot rabaska.
Première étape : se baigner dans la baie, même si l’eau est fraîche. Nous traversons jusqu’à une plage, puis revenons dans les bassins d’eau douce de la chute. C’est bienfaisant mais rafraîchissant – frissons garantis.
Avec Javier, nous profitons du kayak gonflable d’Yvan pour aller voir la deuxième chute. Sur place, nous conversons avec Claude et Hélène, deux sympathiques navigateurs ayant eu la même idée.
Après le repas, nous partons grimper le long des chutes et des bassins. C’est un peu acrobatique, car de bonnes sections du sentier sont plutôt des échelles et des cordes. C’est très amusant. Des enfants font des pirouettes en plongeant dans un bassin, sous l’œil d’un moniteur zen.
Nous revenons sur le quai pour la messe entre les bateaux, puis appareillons vers Baie-Comeau. Le soleil s’est caché, il n’y a aucun vent, la pluie ne semble pas bien loin mais ne tombe pas. Nous nous amarrons après une petite heure de navigation facile.
En soirée, Anne, une amie de longue date, se joint à nous. Si elle n’est pas très à l’aise sur les quais et les embarcations, elle retrouve d’autres vieilles connaissances, soit Javier et Yvan. Le monde est encore petit… et les conversations abondantes. Une autre belle soirée.
Ce matin, il fait grand soleil, chaud, et c’est dimanche. Nous faisons quelques navettes avec le youyou pour regrouper les deux équipages sur les dalles de pierre, et Alain préside la messe avec la générosité et la simplicité que nous apprécions tant. Pour la première fois depuis le début de la pandémie, nous faisons un échange de la paix avec contact. Que ça fait du bien !
Nous appareillons vers 10 h, quittant à regret ce coin de paradis. C’est toujours beau et chaud, avec ce ciel voilé qui est la norme ces jours-ci.
Comme il n’y aucun vent pour un bout avant que celui-ci s’établisse de face, nous naviguons pour toute la journée au moteur. Nous traversons une cafétéria de baleines, celles-ci évoluant tout autour de Atua. Magique.
C’est bien beau de naviguer, mais il faut aussi développer quelques compétences. Benoît forme Adélaïde pour opérer radio VHF et nous offre, à Alice et moi, un atelier de nœuds marins. On s’amuse bien à se mêler et démêler dans nos cordages.
Passatougrain est loin derrière, nous ne les avons pas vus depuis longtemps. À nouveau, la garde côtière nous contacte : ils sont à voile, le moteur ayant décidé de les laisser en plan. Décidément…
Nous ne pouvons rien pour eux, nous poursuivons notre trajet pour entrer à l’Anse-Saint-Pancrace alors que la nuit tombe. Passetougrain réussit à se rendre à Godbout et à accoster sans problème, le moteur étant revenu à de meilleurs sentiments. Le moral des troupes est aussi excellent.
Nos amis étant en sécurité, nous nous installons pour une excellente nuit agrémentée par le bruit des cascades qui nous entourent, mais plongés dans cet étrange brouillard de fin du monde : bien loin, en Ontario, les forêts brûlent.
Ce matin, c’est très relaxe sur Atua, alors que l’équipage de Passetougrain est en pleine action. Les courses et les préparatifs prennent l’avant-midi, et nous appareillons peu après midi. Encore aujourd’hui, nos avons un léger vent de face et beau temps sous un ciel voilé.
La distance à parcourir est plus courte que lors des étapes précédentes, mais encore significative. Il y a un peu de mer, alors Alice et moi sommes fidèles à nos rendez-vous Gravol. La navigation est sans histoire et nos arrivons en début de soirée au mouillage de Grand Caoui.
C’est paradisiaque : cette île déserte – il y a qu’un chalet, inoccupé – à la végétation nordique est en forme de fer à cheval, bordé de grandes dalles rocheuses usées par l’érosion. Atua s’installe au milieu du havre, et Passetougrain à l’entrée. C’est le youyou d’Atua qui sert de navette entre les bateaux.
L’équipage de Passetougrain m’invite à passer un bout de soirée à leur bord, ce que j’accepte avec joie après leur avoir fait faire un tour de zodiac dans la baie. Ils n’ont pas terminé leur repas quand j’arrive, mais ensuite je participe avec eux à un bel échange spirituel avant de sortir la guitare et les carnets de chants.
Malgré la fatigue des derniers jours, nous sommes très heureux de partager musiques et souvenirs. Que c’est bon d’être ensemble ! Je dois quand même rentrer à mon bord avant que la lune rouge disparaisse à l’horizon.
À 2h, nous avons de la visite : deux policiers viennent vérifier si nous sommes bien à quai. Avec tous les imprévus d’hier, nous avions oublié d’aviser la garde côtière de notre arrivée et ils auraient lancé les recherches au besoin. Nous nous recouchons, rassurés par ce précieux filet de sécurité.
Au matin, la pluie est toujours là avec ses solides averses qui nettoient le bateau, mais nous attendons toujours nos amis qui ont passé la nuit en mer, incapables d’accoster ou de jeter l’ancre, se débattant avec la pluie et le vent. C’est finalement la garde côtière qui les récupère et les amène à quai. Le capitaine et l’équipage sont épuisés. Nous accueillons quelques rescapés pour le petit déjeuner, et ceux-ci nous racontent leurs péripéties en s’endormant entre les phrases. Repos requis, de toute évidence.
Il passe encore quelques averses, mais le dégagement s’annonce. Nous en profitons pour faire un bon ménage du bateau, remplir les réservoirs d’eau et de carburant et planifier les achats de bouffe.
En après-midi, alors que l’équipage de Passetougrain émerge tranquillement, nous partons à trois – Alice, Adélaïde et moi – à pied vers l’épicerie, visitant le joli front de mer de la ville. Nous en revenons en taxi, après une bonne crème glacée car il fait vraiment chaud.
Pendant ce temps, un combat titanesque se livre à bord de Passetougrain afin de ressusciter le moteur. Les combattants Yvan, Alain et Benoît sont mis à rude épreuve et le moteur résiste à tous leurs efforts pendant des heures. Quand arrive l’heure du souper, nous nous rabattons sur un camion de bouffe-minute, car les restos dignes de ce nom sont tous complets. Nous nous initions aux joies de la guédille et en ramenons aux combattants, qui ont besoin de toutes leurs forces pour vaincre l’ennemi. En soirée, enfin, le moteur démarre. Bravo! Nous pouvons nous endormir en paix.
À nouveau, nous nous levons tôt après une nuit bercée par la houle… qui, heureusement, ne frappe plus les bateaux sur le quai. Vers 6 h 15, nous appareillons dans le brouillard. C’est de toute beauté.
Marqués par le difficile voyage vers Anticosti, Alice et moi prenons religieusement nos Gravols aux quatre heures. Être somnolents est un moindre mal… Au début de la journée, elle et moi tenons la barre chacun notre tour, tout d’abord en visant les bouées qui nous guident dans le chenal, puis en gardant de notre mieux le cap dans une mer aux longues vagues. Pas évident… Comme le vent est de face et léger, nous avançons au moteur pour tout le trajet. Avec le brouillard, seuls au monde au milieu de la mer, c’est magnifique et hypnotique. De toute la journée, nous ne voyons passer qu’un seul cargo, à bonne distance.
En mi-journée, nous laissons la barre à P.A., le sixième membre de l’équipage. On le connaît aussi sous le nom de pilote automatique. Le brouillard devient moins intense, permettant d’apprécier le ballet des fous de Bassan venus pêcher dans le Golfe.
Nous tentions parfois de parler à Passetougrain, sans succès, et sans être capables de le voir. La Garde côtière nous appelle pour nous informer de la situation : leur moteur est en panne. Pas une bonne nouvelle. Ils vont tenter de rejoindre Sept-Îles à la voile, s’engageant dans une équipée considérable. Leur moteur repart, nous en sommes informés, mais pour s’arrêter définitivement sans que nous le sachions.
Nous poursuivons la navigation très facile, malgré les bonnes vagues et le vent de face, profitant du bon temps, relaxant, devisant ou nous taisant, mais toujours avec un soupçon d’inquiétude pour nos amis. Le ciel est dégagé même s’il reste un fond de brouillard.
En fin de journée, nous découvrons la côte et les îles qui ont nommé notre destination, mais la nuit tombe totalement bien avant l’accostage. Nous cherchons l’entrée du port et manœuvrons prudemment pour nous amarrer vers 22h. Notre grosse journée s’est bien passée, personne n’a été malade, mais nous apprenons que nos amis sans moteur seront sur l’eau pour de nombreuses heures encore. En prime, le vent et la pluie se mettent de la partie.
Ayant réglé la question de l’alimentation électrique – ici, le connecteur n’est pas standard –, nous nous installons pour la nuit, inquiets, certains restant habillés pour aider à l’accostage éventuel de Passetougrain.
Si nous nous levons bien tôt, nous quittons vers 6h45, soit plus tard que prévu. Ce matin, il fait encore très beau, même si des averses sont attendues en après-midi.
En sortant du village, petite pause pour changer certains passagers de siège : Gaëlle et Alice réalisent le fantasme de voyager dans la caisse d’un « pick-up », affichant des sourires rayonnants et poussiéreux.
Les distances sont importantes sur l’île, la route de terre est praticable, mais avec des passages plus difficiles. Avec mon précieux chargement, je conduis prudemment, surtout que le vieux camion pas mal abîmé a une tenue de route approximative et des commandes erratiques. Enfin, il roule. Heureusement, le véhicule conduit par Javier est en meilleure condition.
Premier arrêt, après 115 km : le camp Macdonald, poste d’accueil de la Sépaq et site magnifique à l’embouchure d’une rivière.
Changement de garde dans la boîte du camion : c’est maintenant Sahaza qui y accompagne l’infatigable Gaëlle, alors que Alice, dont les cheveux sont passés du brun profond au gris poussière, nous rejoint à l’intérieur. Tout de suite après, petite pause au magnifique phare Macdonald avant de poursuivre le marathon.
Nous arrêtons plusieurs minutes à la chute de la rivière Observation. Cette petite rivière plonge dans un impressionnant canyon qu’elle a elle-même creusé dans les friables roches sédimentaires. Que c’est beau !
Après plus de 150 km de route, nous atteignons notre destination : Vauréal. Ici, nous marchons. Le sentier descend au bord de la célèbre rivière afin de remonter son cours au fond du canyon. Les hautes murailles de calcaire deviennent de plus en plus verticales au fil de notre progression. Nous ouvrons grand les yeux, émerveillés à chaque pas. Au bout du canyon, la chute Vauréal dévale dans un profond bassin en bruyantes et fascinantes éclaboussures.
Nous ne nous contentons pas de regarder et de photographier : nous plongeons dans le sujet, puisque nous avons nos maillots de bain. Nous gardons une certaine distance, mais pataugeons, grimpons et plongeons au pied de la chute. Bonheur !
Après le pique-nique, nous revenons sur nos pas, enchantés. Nous arrivons aux véhicules en même temps que les premières gouttes, puisque le ciel s’est couvert. Tout près, il y a un spectaculaire belvédère qui permet d’admirer la chute sous un autre angle. Malgré notre forte envie de poursuivre l’exploration, nous écoutons la voix de la raison – une fois n’est pas coutume – et prenons la route du retour.
En arrivant à l’intersection vers la grotte de la Patate, notre groupe se scinde. Avec la pluie, le vent a forci et notre amarrage au quai n’est plus vraiment sécuritaire. Alain, Yvan, Benoît et Adélaïde prennent la plus petite voiture, plus agile, afin de rentrer au plus vite. Le reste du groupe poursuit l’aventure avec le camion.
À partir du stationnement, il y a environ 1,5 km à marcher. Une équipe de castors vient de construire un solide barrage sur la rivière, tout un travail et tout un bouleversement pour le secteur.
Nous remontons le lit de la rivière, une marche lente et prudente dans les cailloux. Il y a plusieurs passages à gué, facilités par un petit débit. Après un bon bout, je vois des rubans oranges sur de arbres. Vérification faite, il y a un sentier qui n’existait pas lors de ma visite d’il y a 31 ans et qui mène directement à notre objectif. Il y a aussi des panneaux d’interprétation présentant l’histoire et la cartographie du lieu. Nous n’avons pas de casques et peu de lampes, mais nous entrons quand même.
La caverne de la Patate a été découverte en 1980. Pourtant, l’entrée est très visible, spectaculaire avec son ouverture de 7 m de haut. La première salle, nommée la Cathédrale, est haute et large. C’est splendide.
Plus loin, des affiches interdisent le passage en prévention de la Covid. Comme nous sommes tout fins seuls et formons une seule bulle, nous passons quand même alors que la lumière extérieure n’est qu’un souvenir. Il faut se pencher un peu pour atteindre la deuxième salle, rien de compliqué.
Au milieu de celle-ci, un bassin héberge deux grenouilles. Nous nous installons pour une photo de famille, puis nous éteignons toutes les lampes. L’obscurité est totale, nos prenons un long moment de silenceque personne ne souhaite interrompre. Il faut malgré tout revenir à la lumière, n’ayant visité qu’une petite partie de la vaste caverne. Quelle splendeur !
Bien au sec, nous laissons passer une petite averse avant de revenir par le sentier facile et agréable.
Dernière visite de la journée: l’épave du Wilcox. Ce dragueur de mines converti en caboteur s’est échoué en 1954 et n’a pu être renfloué. Depuis, le temps et les forces de la mer ont fait leur œuvre: le bateau est en ruine, mais la visite est fascinante.
Tout un contraste avec ma première visite à cet endroit en 1990, alors que le même bateau était pas mal moins amoché. Oui, c’est moi sur cette photo, avec mon amie Jacinthe. Nous admirons le paysage à partir de la proue, prouesse maintenant impossible.
Il est déjà tard, nous reprenons la route pour rentrer. C’est long longtemps, le camion se transforme en dortoir et il est près de 20 h quand nous revenons aux bateaux. Ces derniers ont été déplacés pour être moins exposés, mais Atua a subi de légers dommages, heureusement sans impact sur la navigation. La soirée est courte, car nous appareillons demain vers Sept-îles. Nous aurions aimé aller en Minganie, mais ce serait trop incertain comme voyage. De toute façon, nos yeux et nos cœurs sont déjà comblés par Anticosti.
Excellente nuit de camping, et ce matin il fait grand beau. Nous nous préparons tranquillement, laissant les tentes sécher la rosée au soleil, puis le reste de l’équipage se joint à nous pour une belle messe en pleine nature. C’est l’occasion d’un temps de partage bienvenu et intéressant.
L’avant-midi est déjà bien avancé quand nous quittons le camping. Certains retournent aux bateaux, d’autres partent vers la pointe ouest à pieds, tout en sachant qu’elle est trop loin pour tout marcher.
Ils se rendent à l’Anse-aux-Fraises pour une douche improvisée sous la Vache qui pisse. L’aller et retour se fait à pieds pour Alice, Gaëlle et Favier, alors que Anne-Marie, Sahaza et Adélaïde font une partie du trajet en voiture.
De mon côté, j’ai décidé de ménager mon genou, alors je pars en VR avec Normand pour une baignade au lac Plantain. C’est un agréable compagnon de route, même si celle-ci n’est pas très longue. Comme plusieurs de nos amis, nous croisons la vache, en route vers sa maison sous l’étroite surveillance de Simon et Diane.
Le lac est bien joli, pas très profond et accessible par un quai flottant. Il y a un comité d’accueil assez sympathique : Janie et ses filles Camille, 11 ans, et Laurence, 8 ans. Si cette dernière est très intéressée par les grenouilles, l’aînée est volubile et curieuse. La famille vit à Havre-Saint-Pierre mais a un chalet ici. Belle rencontre.
Nous nous baignons, ce qui est très agréable, et au retour nous discutons un brin avec un quatuor de cyclistes issus du monde de l’éducation. Sur la route, nous nous arrêtons à la jolie cascade de la rivière Plantain. La journée a bien passé.
Toute la troupe a rendez-vous pour un souper au resto chez Mario, réputé pour sa pizza aux fruits de mer. Plusieurs s’y rendent en marchant, mais d’autres profitent de la voiture prêtée par Antoine, une vieille Jetta manuelle complètement décrépite avec un seul siège, celui du conducteur. Les passagers s’installent tant bien que mal sur un vieux matelas de mousse au travers des caisses d’outils. C’est vraiment amusant. Nous mangeons sur la terrasse, avec le beau temps et les chevreuils. C’est délicieux, et nous y ajoutons quelques desserts en plus – en trop? C’est fête. Nous revenons sur le quai pour plusieurs rendez-vous en plus des rencontres impromptues.
Javier et moi attendons nos véhicules de location, alors que mon ami Franck est de passage à bord du Bella-Desgagné. Il prévoit revenir à Montréal en vélo à partir de Kégaska. Tout se passe comme prévu.
Les retrouvailles avec Franck sont un pur bonheur, même si je dois le laisser aux bons soins de l’équipage du Passetougrain le temps de régler les formalités de location. Bonne route, ami.
Nous nous couchons relativement tôt car demain matin le départ est prévu à 6h. Nous voulons bien profiter de cette journée d’exploration.
Ce matin, il fait très beau, et pour au moins deux jours. En avant-midi, deux activités principales : une visite guidée du musée de l’île, aménagé à même l’église et très intéressant, puis une autre à la ferme de Simon et Diane, seuls producteurs locaux de légumes en serre; lui est un conteur hors pair. Au-delà des cultures des végétaux, c’est la culture des gens qui est à l’honneur.
En après-midi, nous nous organisons pour une nuit exotique au… camping municipal. Après les réservations, c’est la logistique qui occupe le temps. Nous sommes sept volontaires. La plupart se rendent à pied au site, magnifique, près d’un étang fréquenté par la faune et avec vue sur la baie.
Quand les tentes sont installées et quelques douches sont prises – les filles avaient pu procéder au couvent, mais pas les gars –, nous nous retrouvons près du site de feu pour le repas.
À nouveau, c’est compliqué pour l’allumer car il n’y a ni papier ni petit bois, mais nous réussissons, comme toujours. Nous y cuisons des saucisses à manger dans des pains mais sans condiments. Les végétariennes font l’unanimité : c’est vraiment pas bon, sauf pour alimenter le feu, et encore.
Ensuite, nous sortons guitare et carnets de chants pour une autre belle soirée, tout en admirant le coucher du soleil et la nuit qui tombe. Nous avons quand même droit à une surprise de taille : une vache passe sur la berge. Il semble d’ailleurs que ce soit celle de Simon et Diane, seule de son espèce sur l’île. Il est déjà tard quand nous rejoignons nos tentes, très heureux de la journée. En prime, nous avons droit à une autre exotique visite de la vache.
La nuit a été calme, fraîche et confortable, tous sont remis de la journée d’hier. À 9 h, je pars pour le village avec ma guitare : j’y retrouve Alain à l’église pour préparer la messe. Jeanne et Francine, les deux religieuses responsables de la paroisse, nous y accueillent. Pour elles, la messe est un bonheur et une exception, car il n’y a pas de prêtre résident et aucun n’y est venu depuis belle lurette. Elles nous laissent le champ libre pour l’animation.
Bientôt, notre petite communauté se joint à celle de l’île pour une célébration assez intime – nous sommes 17 personnes – et très belle. Laurent, un touriste de Laval, vient nous rencontrer. Surprise : il a sur son téléphone une vidéo prise dans sa paroisse, avec un certain Réal à la guitare. Le monde est petit.
Une partie de la journée est utilisée pour explorer les environs, mais aussi pour envahir le kiosque d’information touristique et partir à la chasse aux voitures de location. Quatre entreprises offrent le service, et, miracle, nous trouvons deux voitures libres pour ce mercredi, les dernières chez deux entreprises différentes. Après caucus, nous réservons. Tout se conclura en après-midi sur le quai, puisque le passage du Bella-Desgagné est un rendez-vous incontournable.
Nous assistons à l’arrivée du mastodonte, tout près de nos petits bateaux, puis au ballet des containers qui sont déchargés et chargés avec toutes les denrées nécessaires, tout comme de nombreux véhicules et deux remorques de 45 pieds. Tout un spectacle !
Il est déjà temps de préparer le repas. J’avais prévu un menu camping à cuire sur braise, mais la pluie est au rendez-vous. Il y a un coin pique-nique avec foyer sur la digue, à environ 500 m des bateaux. Après quelques préparatifs à bord, c’est là que l’équipe se rend pour partir un feu sous la pluie, puis cuire les papillotes de papier d’aluminium tant bien que mal. Alors qu’une partie du repas est de retour sur le bateau, nous voyons se dessiner une barre dorée à l’ouest.
Tous reviennent au coin pique-nique pour le plat principal, saumon d’épicerie et truites de Benoît avec nouilles au beurre à l’ail. Malgré la cuisson erratique, c’est délicieux.
Pour le dessert, je prépare un délice avec Alice : ma classique sauce chaude aux fruits sur gâteau. C’est presque prêt quand ma cartouche de gaz s’éteint, faute de carburant, mais le résultat est comme prévu très apprécié, au point qu’il n’en reste rien. Ma réputation de cuisinier est faite.
Entre temps, le ciel s’est dégagé et nous offre un superbe coucher de soleil sur la baie. Nous nous rassemblons autour du feu avec guitare et carnets de chants jusqu’au dodo. Soirée fraîche mais parfaite pour nous, qui formons déjà une belle communauté.
La nuit a été courte mais bonne. Nous sommes sur l’eau à l’heure prévue, sous un ciel gris et au moteur, puisque le vent n’est pas encore levé. Nous longeons la côte de la Gaspésie, superbe, bien différente de ce que nous en voyons de la route.
Le vent est pas mal de dos et se lève tranquillement, comme les nuages et, bientôt, les voiles. Que c’est beau ! Grâce au portant, nous avançons de plus en plus rapidement, ce qui nous fait espérer une arrivée à une heure plus confortable que le deux heures du matin prévu.
Le vent forcit pour devenir régulier autour de 20 nœuds. La mer grossit pour former des creux impressionnants de plus de deux mètres. Le bateau danse dans tous les sens, et quelques estomacs sont mis à rude épreuve malgré des mesures préventives qui s’avèrent franchement inefficaces. Alice et moi devenons de moins en moins fonctionnels, larguant nos récents repas par dessus bord, suivis par Adélaîde.
Cette dernière se remet plutôt bien, mais ce n’est pas le cas pour Alice et moi : nous restons prostrés dans le cockpit, elle assise et blême, moi couché les yeux fermés. Étrange manière de faire connaissance…
Nous ne souvenons pas avoir été aussi malades de notre vie, expérimentant un vieux dicton marin sur le mal de mer : « Au début, nous avons peur de mourir; plus tard, nous avons peur de ne pas mourir. » C’est assez dommage, car tout semble superbe autour, même si j’en vois peu de choses. Nous apprenons que Sahaza aussi est bien malade sur son bateau, mais seulement en fin de journée.
À l’approche d’Anticosti, le vent et la la mer se calment enfin, et les malades reviennent progressivement à la vie. Ouf ! C’est juste à temps pour réaliser que le soleil se couche sur l’horizon de mer. Nous nous guidons avec les balises pour entrer dans la baie Gamache. Nous accostons vers 21h, suivis une heure plus tard par Passetougrain.
Nous ne sommes pas dans un port de plaisance avec quais flottants, mais au pied d’échelles sur un quai commercial fixe. Des planches protègent donc les défenses contre l’abrasion, alors que de longues amarres à la proue et à la poupe permettent de stabiliser les bateaux le long du quai tout en suivant la marée; une autre amarre permet de rapprocher le bateau de l’échelle au besoin. Le tout est exécuté efficacement sous la gouverne de nos capitaines.
La journée achève. Nous mangeons selon l’appétit de chacun – restreint dans quelques cas – et nous préparons pour la nuit. Demain, il faut se lever…