Traversée houleuse

La mer grossit… l’estomac faiblit.

> quai Port-Menier (Anticosti)
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La nuit a été courte mais bonne. Nous sommes sur l’eau à l’heure prévue, sous un ciel gris et au moteur, puisque le vent n’est pas encore levé. Nous longeons la côte de la Gaspésie, superbe, bien différente de ce que nous en voyons de la route.

Le vent est pas mal de dos et se lève tranquillement, comme les nuages et, bientôt, les voiles. Que c’est beau ! Grâce au portant, nous avançons de plus en plus rapidement, ce qui nous fait espérer une arrivée à une heure plus confortable que le deux heures du matin prévu.

Le vent forcit pour devenir régulier autour de 20 nœuds. La mer grossit pour former des creux impressionnants de plus de deux mètres. Le bateau danse dans tous les sens, et quelques estomacs sont mis à rude épreuve malgré des mesures préventives qui s’avèrent franchement inefficaces. Alice et moi devenons de moins en moins fonctionnels, larguant nos récents repas par dessus bord, suivis par Adélaîde.

Cette dernière se remet plutôt bien, mais ce n’est pas le cas pour Alice et moi : nous restons prostrés dans le cockpit, elle assise et blême, moi couché les yeux fermés. Étrange manière de faire connaissance…

Nous ne souvenons pas avoir été aussi malades de notre vie, expérimentant un vieux dicton marin sur le mal de mer : « Au début, nous avons peur de mourir; plus tard, nous avons peur de ne pas mourir. » C’est assez dommage, car tout semble superbe autour, même si j’en vois peu de choses. Nous apprenons que Sahaza aussi est bien malade sur son bateau, mais seulement en fin de journée.

À l’approche d’Anticosti, le vent et la la mer se calment enfin, et les malades reviennent progressivement à la vie. Ouf ! C’est juste à temps pour réaliser que le soleil se couche sur l’horizon de mer. Nous nous guidons avec les balises pour entrer dans la baie Gamache. Nous accostons vers 21h, suivis une heure plus tard par Passetougrain.

Nous ne sommes pas dans un port de plaisance avec quais flottants, mais au pied d’échelles sur un quai commercial fixe. Des planches protègent donc les défenses contre l’abrasion, alors que de longues amarres à la proue et à la poupe permettent de stabiliser les bateaux le long du quai tout en suivant la marée; une autre amarre permet de rapprocher le bateau de l’échelle au besoin. Le tout est exécuté efficacement sous la gouverne de nos capitaines.

La journée achève. Nous mangeons selon l’appétit de chacun – restreint dans quelques cas – et nous préparons pour la nuit. Demain, il faut se lever…