Au lever du soleil, vers 6 h, le mont Logan est tout illuminé de rose sous un ciel sans nuage. Aucune hésitation : dès que nous sommes prêts, Céline, Jean-Pierre et moi partons pour la montagne.
Les conditions sont fabuleuses. La neige récente offre une glisse parfaite, et le paysage est extraordinaire avec ses arbres momifiés sous le soleil éclatant. En plus, les terres plus basses sont sous le brouillard, les montagnes étant comme des îles émergeant d’une mer blanche et duveteuse.
De retour au refuge avec les yeux comblés, nous nous préparons pour une belle journée de ski… sous la neige, puisque le ciel s’est bouché rapidement. Nos amis partent donc vers le Logan sans pouvoir bénéficier de la vue.
Nous nous retrouvons tous en même temps au début du sentier des Lacs, que nous avions choisi pour revenir vers la Croisée. Dans la fabuleuse poudreuse, nous descendons vers le Deuxième Lac des Îles. Magique. Ensuite, c’est sans histoire que nous atteignons le Carouge.
Frédéric et Josée sont déjà partis sur les sentiers d’été à partir du Carouge. Ils avaient pensé les prendre pour se rendre au refuge à partir de la Croisée, mais ils sont très heureux de ne pas l’avoir fait : il n’y a aucune trace, aucune balise et de la neige profonde en abondance. Dans cette dernière sortie de la journée, ils n’ont pas beaucoup avancé mais se sont bien amusés.
La soirée est à nouveau parfaite. Nous profitons de chaque instant de cette belle rencontre… et de l’anniversaire de Josée.
Après une bonne nuit, malgré quelques rumeurs de ronflements, nous nous levons sous une neige légère qui a ajouté quelques centimètres de blancheur à un paysage déjà bien pourvu à ce point de vue. C’est magnifique !
Ce refuge offre aussi un service rare : une connexion au réseau cellulaire. Il y a donc pas mal d’appareils collés à la fenêtre…
Même si le paysage est bouché par la neige, certains vont jouer au mont Logan, mais plusieurs décident de ne pas aller très loin. En avant-midi, nous nous baladons tout simplement sur la colline autour du refuge.
Ça a beau être tout proche, c’est très dépaysant et carrément époustouflant : les arbres, plutôt clairsemés, sont totalement enveloppés de blanc et deviennent des sculptures fascinantes, surtout que le soleil perce à travers la neige.
En après-midi, plusieurs risquent le mont Logan malgré la neige qui se poursuit et les éclaircies qui se raréfient. C’est le bonheur !
En soirée, notre équipe bien unie partage une belle soirée très chaleureuse. En discutant, Josée et moi constatons que nous avons une connaissance commune : son oncle Gaétan, très proche d’elle et de sa mère, est pour moi un ancien collègue apprécié et maintenant retraité. Le monde est bien petit.
Comme toujours, nous nous couchons avant 22 h, Stéphane et moi étant les derniers à disparaître dans nos douillets sacs de couchage.
Nuit confortable pour nous, mais froide dehors : si mon thermomètre de voyage est à sa limite inférieure, celui du refuge indique -28°. On va s’habiller…
À 8 h 45, nous sommes sur nos skis, alors que le temps est à nouveau radieux. Notre journée commence par la traversée du lac Thibault, bien calme aujourd’hui, puis nous suivons des chemins forestiers assez larges et faciles jusqu’à l’intersection vers le Carouge, tout en saluant au passage Yohann, l’employé qui s’occupe du transport des bagages et que je retrouve avec plaisir.
Nous sommes sur un sentier étroit qui serpente en forêt, monte, traverse de petits lacs, monte encore et encore. Les peaux d’ascension sont appréciées. Plus nous montons, plus les arbres sont chargés d’une neige épaisse et abondante. C’est magnifique !
Après le col et une petite descente un peu abrupte, nous progressons dans une vallée jusqu’à La Croisée. Bonne surprise : la vieille roulotte décrépite qui s’y détériorait depuis des décennies n’est plus là, remplacée par un petit relais confortable et facile à chauffer. Les quatre randonneurs croisés quelques minutes plus tôt avaient allumé le feu, nous en profitons. C’est le temps d’une bonne pause bouffe, alors que nos amis d’hier soir y passent en même temps que nous.
C’est reparti pour la longue montée vers la Chouette. Ça grimpe solide. Chaque fois que l’on s’imagine être arrivé à une section plus facile, on découvre une nouvelle côte. Les bons côtés : le fabuleux paysage qui s’ouvre vers l’arrière, et l’inimaginable blancheur qui nous entoure. Que c’est beau !
J’arrive au refuge vers 15 h 30, alors que le ciel se bouche tranquillement à l’ouest. Nous tentons une petite balade vers le mont Logan, mais c’est glacial et il se fait tard, alors nous rentrons sagement au refuge pour une très agréable soirée à huit.
La neige commence doucement. Bien sûr, nous nous couchons relativement tôt, c’est comme ça en montagne, mais demain rien ne pressera.
Après les toujours longs préparatifs, nous prenons enfin la route. Céline passe chez moi, puis nous prenons Jean-Pierre chez lui. Côté bagages, la voiture de Céline est très remplie ; côté batterie, nous devons évidemment arrêter quelques fois en route pour recharger, mais ça se fait très bien puisqu’il fait assez froid pour empêcher la batterie de chauffer.
En arrivant à l’hôtel, c’est très simple de s’installer car une porte patio donne sur le stationnement. En revanche, la borne de recharge est à quelques minutes de marche, et non sur place. Pas grave. Nous sommes bien contents de nous installer pour une bonne nuit.
Ce matin, après le petit déjeuner à l’hôtel, la journée commence par une messe à la grande église de la ville. Ensuite, nous remettons tout le bagage à bord de la voiture et reprenons la route, sans histoire puisque les conditions sont excellentes. Il fait nuit depuis peu lorsque nous arrivons à destination.
La soirée se passe essentiellement dans notre chambre, à mettre la dernière main aux préparatifs. Jean-Pierre est un peu inquiet : il avait décidé de faire transporter son gros sac, mais ne savait pas qu’il devait réserver. À voir demain.
Nuit excellente, suivie d’une douche pour chacun puisque la prochaine devra attendre notre retour. Céline avait pensé apporter du yogourt pour ses déjeuners, mais à cause du poids et de fuites elle décide sagement de le laisser dans la voiture.
Jean-Pierre, lui, va vérifier avec le service de livraison de bagages s’il peut y ajouter le sien, et à sa grande joie c’est accepté. Son sac est donc réorganisé à toute vitesse afin de soulager tout le monde.
Autre défi : l’auberge n’a pas de borne de recharge ni de prise disponible. Après moult palabres, nous pouvons débrancher le chasse-neige qui, selon la rumeur, ne démarrerait jamais sans son chauffe-moteur. Comme rien de significatif n’est en vue côté météo, ça devrait aller. Il est donc près de 10 h 30 quand nous prenons la piste.
Au départ, c’est un itinéraire très fréquenté par les motoneiges, clairement reines des lieux. Heureusement, celles-ci sont déjà en arrière-pays et nous pouvons éviter leurs effluves nauséabondes.
Il fait un temps magnifique, nous profitons donc des paysages pendant la longue descente qui nous amène à l’entrée officielle du Parc. Comme il n’a pas neigé récemment, la piste est un peu glacée, alors nous avançons bien prudemment.
Après le dîner, nous amorçons les montées, puis attaquons la grande côte qui aboutit près du lac Thibault. Ensuite, c’est un jeu d’enfant de rejoindre le refuge, où nous arrivons peu après 15 h 30.
Ce soir, nous serons dix. Si Charles et Malie repartent demain vers d’autres cieux, un groupe de cinq sera avec nous pour les prochains jours. Comme ils sont très sympathiques, c’est une excellente nouvelle. Il y a Josée, enseignante, qui fêtera ses 60 ans ce jeudi, et sa fille Maya, mi-vingtaine, qui s’implique dans un projet communautaire en Gaspésie ; il y a Stéphane, même âge que Josée, journaliste pigiste, cycliste, coureur, etc. ; il y a aussi Frédéric et Josée, un peu plus jeunes, amis d’enfance, lui col bleu à Longueuil, elle thérapeute en milieu hospitalier.
Au souper, nos nouveaux amis ont un problème : personne n’a de tire-bouchon pour la bouteille de vin. Je fais le tour du refuge et trouve une vieille vis à patio un peu croche ; avec des pinces, tout est réglé sans difficulté. Je les laisse partager dans la joie cette boisson sans intérêt pour moi.
Dans le ciel sans nuage, un croissant de lune et deux planètes : Jupiter et Vénus sont au rendez-vous pour ajouter un peu de magie à un lieu qui n’en manque pas. Nous ne nous couchons pas très tard, car une longue journée nous attend demain.
Après quelques années plus confinées, nous étions très heureux de retrouver les Monts Chic-Chocs, ces montagnes enneigées et splendides au cœur de la Gaspésie. C’est d’une beauté inoubliable, mais tout ça se mérite.
Nous avons pris la piste à trois, réactivant la fabrique à souvenirs trente ans après notre première visite ensemble. En prime, de belles rencontres. Inoubliable séjour !
Rapidement, le vent est tombé ; tranquillement, la nuit s’est rafraîchie, j’ai même fini par sortir mon sac de couchage qui avait peu servi ces derniers jours. Levé à 6 h 45, je pars 45 minutes plus tard sans avoir encore déjeuné ni revu mes hôtes d’un soir.
Il fait encore très beau et encore frais, mais la grosse chaleur revient rapidement. Le long de la route, il y a des maisons cossues côté rivière, et des maisons plus modestes côté terre.
Après quelques kilomètres, la Route Verte entre dans un camping qu’elle traverse, une bonne occasion pour refaire ma provision d’eau – chez mes hôtes, elle n’était pas potable.
Au sortir du camping, il y une tour d’observation et une halte bien aménagée, c’est parfait pour déjeuner. Il y a ensuite plusieurs kilomètres de piste cyclable ombragée et en excellente condition, ce qui permet de rouler vite et confortablement.
J’en émerge à Carillon, village historique mais qui a bien changé au fil du temps. Il était en aval d’une série de rapides importants sur la rivière, près desquels il y avait des canaux pour que les navires puissent quand même remonter, des chemins, des habitations. Tout ceci est sous l’eau depuis la mise en service du barrage hydroélectrique en 1962.
Il y a une bonne montée en quittant Carillon, puis une série de belles demeures anciennes, souvent en pierre. Trajet très plaisant, calme et ombragé.
La route s’éloigne un temps de la rivière des Outaouais pour passer par Saint-André-Est et suivre un peu la rivière du Nord avant qu’elle se termine. J’avais déjà longé cette rivière au nord de Saint-Jérôme au début du voyage.
Je roule maintenant en territoire agricole pour un bout. En arrivant à la communauté mohawk de Kanesatake, changement d’atmosphère, et pas pour le mieux. Ces dernières années, sous l’impulsion d’une gestion un peu mafieuse, ce sont les cigarettes de contrebande, l’alcool et l’essence partiellement détaxée qui avaient été la marque de commerce du lieu ; toujours présents, ces produits ont été détrônés par le cannabis qui s’affiche, triomphant. Je ne suis client pour aucun de ces produits. C’est triste de voir cette culture millénaire aussi mal en point.
La sortie de la réserve est marquée par une forte pente heureusement à descendre. En quelques instants, je suis à bord du traversier entre Oka et Hudson. Comme prévu, il est près de 11 h, la traversée se fait sous un ciel superbe et cuisant.
Je suis ici en terrain connu, car j’ai souvent parcouru cette petite route à vélo. Entre fermes et lac, c’est un endroit prisé ces cyclistes et des bernaches, alors que les voiliers sont nombreux à profiter du vent.
Plus loin, il faut réussir à entrer dans Vaudreuil, un parcours du combattant en vélo. Ici, l’automobile occupe le même rang que le cannabis sur la réserve. Je rejoins la piste cyclable qui me mène chez mes amis Jacinthe et Roger. Il est midi.
Comme Jacinthe a été en contact avec une amie qui vient d’être déclarée positive à la Covid, nous ne nous voyons qu’à l’extérieur, à l’ombre dans le jardin qui a fourni une partie du délicieux repas. C’est très agréable d’être ensemble, je ne repars que passé 13 h 30 puisque rien ne presse et que les orages anticipés ne sont plus au programme.
Un pont, la traversée de l’Île Perrot, puis un dernier pont : j’avance plus lentement, c’est vraiment chaud. En arrivant à Sainte-Anne-de-Bellevue, je croise l’ontarien Matt, un cyclotouriste sérieux : parti de Saint-Jean, Terre-Neuve, il traverse le Canada vent de face. Il ne parle qu’anglais, mais le langage du vélo est assez universel.
À Senneville, hameau très cossu, il y a une montée abrupte, la dernière de ce voyage. Ici, pour un temps, Montréal est franchement bucolique, campagnarde, avec des champs et des bois. Tranquillement, l’urbanité reprend ses droits alors que j’approche de chez moi. Presque arrivé, je passe devant la maison de mon ami Patrick. Je me prépare à le texter – leur petite n’a que quelques mois –, il me hèle du balcon où il s’active au barbecue. Nous prenons quelques minutes pour nous donner des nouvelles.
Je pédale les derniers mètres. J’avais l’odomètre à l’œil : il atteint le chiffre symbolique de 1500 kilomètres une minute avant que j’arrive chez moi.
Ici, tout est comme je l’ai laissé. Une petite visite à l’ordinateur, une bonne douche, un passage à l’épicerie, le déballage du matériel, la mise à jour du journal : la soirée est calme mais bien remplie. La nuit sera confortable dans ma maison climatisée, mais surtout je suis très heureux de cette nouvelle aventure… en attendant la suivante !
km jour : 90,2 km total : 1500 départ / arrivée : 7 : 30 / 16 : 30 temps déplacement : 5 : 20 vitesse moyenne : 17,3 vitesse maximale : 54
Finalement, la nuit a été excellente, puisque la température a atteint un confortable 19°. Levé vers 6 h 30, je range tout et me prépare. Le petit déjeuner est plus copieux que d’habitude, puisque j’y ajoute de délicieuses framboises fraîches.
Aujourd’hui, il fait très beau, et le vent souffle de l’ouest. Ça va bien rouler.
Pendant près de deux heures, la piste suit le Sentier des Voyageurs, fréquenté par plusieurs cyclistes et quelques marcheurs. Parfait, quoi. Souvent, il est directement sur les berges de la rivière et offre de superbes vues sur Ottawa.
La section du vieux Hull, toute neuve, est particulièrement réussie : je roule directement sur la rive, avec de beaux aménagements et un panorama totalement ouvert. Magnifique !
Après un bref mais moins agréable passage le long du bruyant boulevard Maloney, retour sur piste cyclable puis, comme il le faut, sur la 148. Il reste que l’accotement est large, propre et en bon état. Nous en profitons. Je dis « nous » car depuis un moment je croise régulièrement quatre voyageurs légers qui vont loger deux soirs au Château Montebello.
Entre la route et la rivière, il y a une plaine qui est également une réserve écologique. C’est bien beau. Et j’avance bien plus vite que d’habitude grâce à un bon vent de dos.
À Thurso, il y a une belle halte vélo où je croise pour une dernière fois le quatuor de ce matin, mais aussi un couple avec une drôle de remorque à vélo qui ressemble à un diable de déménagement. Eux ne vont pas loin : ils vont camper à Plaisance.
Ici, la Route Verte quitte la 148 pour suivre une digue entre les marais et les étangs, d’une part, et la rivière, d’autre part. C’est un pur enchantement, sauf une courte section infestée par les mouches.
L’appareil photo n’a pas beaucoup de pauses entre les poses. Salah et Jaime, deux cyclistes, ont la gentillesse de prendre des photos quand je roule sur mon vélo.
Je mange et fais le plein d’eau au poste d’accueil du Parc, puis retour sur la 148 jusqu’à Montebello. J’y ai rendez-vous avec mon neveu Nicola, qui est rapidement devenu un des responsables au Château Montebello, un hôtel de grand luxe en bois rond. Je dois l’attendre un peu à l’entrée, car l’endroit n’est accessible que si on y travaille ou si on est client.
Il se libère quelques minutes après mon arrivée et j’ai droit à une rapide mais très sympathique visite des lieux. Visiblement, Nicola y est heureux et apprécié – aucune surprise.
Après cette pause luxe, je passe à côté de la célèbre borne de recharge du village. Une dame très joyeuse charge sa voiture toute neuve – elle l’a depuis trois heures ! –, alors qu’une famille attends pour faire de même avec sa voiture de six ans.
Retour sur la route pour un bout de temps. Avec les conditions et le paysage, c’est vraiment agréable, même si je contenterais de quelques degrés de moins.
En passant à Fasset, l’église n’a plus de clocher : il est parti au vent lors d’une tempête fin mai. La section entre Pointe-au-Chêne et Calumet est plus sauvage, alors que les collines vont jusqu’à la rivière.
En arrivant à Grenville avec plus de 120 km dans les jambes, je sens que la journée doit tirer à sa fin. Sur leur balcon, Yves et Line prennent le frais – relatif, il fait 30° – et acceptent sans hésiter que je plante ma tente sur leur terrain. Nous jasons un brin, puis je m’installe. C’est parfait pour ce soir.
Je mange rapidement, range tout bien soigneusement puis m’installe bien au chaud dans ma tente pour écrire. À 20 h, c’est déjà complété. Bonne nuit en perspective, malgré le vent qui ne faiblit pas encore. Demain, j’espère arriver chez moi en évitant les orages dispersés qui pourraient arriver en après-midi. D’ici là, repos !
km jour : 126,0 km total : 1408 départ / arrivée : 7 : 45 / 17 : 45 temps déplacement : 6 : 41 vitesse moyenne : 18,9 vitesse maximale : 39
Ceux qui lisent ce récit vont être surpris : j’ai mal dormi cette nuit. En plus de la chaleur étouffante, les bouts des arceaux raclent bruyamment le béton alors que le vent secoue la tente. Vers 1 h, les orages arrivent en force. La pluie et le vent se déchaînent, ma tente bouge dans tous les sens – moins costaude, elle se serait peut-être effondrée. En plus du tonnerre, le bruit de la pluie sur le toit de métal est assourdissant. En revanche, tout mon matériel reste bien sec, tente incluse. Et après les orages le vent tombe, me laissant un répit pour sommeiller dans la chaleur : au petit matin, il fait encore 24°.
Je me lève un peu avant 5 h 30, je démonte et range facilement car tout est sec. Il y a de l’eau sur la dalle de béton, mais elle s’est arrêtée à 15 cm de ma tente. Bien joué.
C’est donc un peu après 6 h 30 que je prends la route. Dans le lever du jour, Campbells Bay est superbe, et il y a plusieurs solides côtes à monter et à descendre. Je reste sur la 148, le surcroît de vigilance requis étant compensé par l’absence quasi totale des voraces mouches.
Je quitte brièvement la 148 pour un bucolique détour par Quyon, puis je reviens sur la grande route à l’accotement inconstant. Pour sauver ma peau quand de gros véhicules se croisent, vivent le miroir et le gravier.
Le paysage est agréable, plaine agricole d’un côté, escarpement d’Eardley – Parc de la Gatineau – de l’autre. Bien sûr, il fait trop chaud, mais le vent forcit pour m’aider à avancer. Après la courte nuit, ce n’est pas de refus…
Selon ma carte, la Route Verte quitte la 148 un peu avant Aylmer. Je suis cet embranchement. Tout d’abord, c’est une rue bordée de maisons récentes et très luxueuses, puis c’est un étroit sentier dans la brousse, pas assez large pour que deux vélos s’y croisent. Mais deux jeunes adolescentes à vélo acceptent de me guider jusqu’à la « vraie » piste cyclable, vraiment belle.
Le Sentier des Voyageurs mène d’abord à la plage et à la marina d’Aylmer, un endroit que je connais pour y être venu il y a quelques semaines avec l’AVEQ. J’en profite pour enfin manger et faire le plein d’eau.
Après quelques tours de roues dans des rues résidentielles, la piste retourne en nature et longe, souvent de très près, la rivière des Outaouais.
Tout de suite après le Pont Champlain, je monte vers le Plateau et arrive chez Céline à 14 h 30 précises. Si la porte principale est verrouillée, une autre entrée est ouverte. Céline n’est pas chez elle, ni d’ailleurs mes autres amis de Gatineau, mais elle m’a proposé de quand même dormir chez elle, tout comme ses trois discrets chambreurs.
C’est un bon moment pour loger dans une maison car des orages rôdent. L’un d’entre eux éclate peu après mon arrivée. À mon programme : douche, lavage, journal, épicerie, mais surtout repos, malgré la canicule – dans la chambre, il fait 29°, c’est beaucoup et même si j’ai tout ouvert ça ne baisse pas vite…
Ce soir, je sens la fatigue, alors mon programme est assez léger : écrire lentement, puis commencer le tri des photos des derniers jours. Un peu plus tard, j’ai la très agréable visite de Blaise, un des chambreurs et chef de leur petite équipe. Leur travail est assez exigeant : chaque poteau pour le transport de l’électricité et les autres services associés doit être inspecté aux dix ans pour assurer la fiabilité des réseaux. Certains sont faciles d’accès, d’autres pas du tout. Blaise est vraiment très agréable, la conversation est très intéressante.
Je me couche vers 22 h, espérant une bonne nuit.
km jour : 107,9 km total : 1281 départ / arrivée : 6 : 35 / 14 : 30 temps déplacement : 6 : 29 vitesse moyenne : 16,7 vitesse maximale : 63
Toute la nuit, de petites averses se sont succédé, et il pleut encore quand je me lève vers 7 h. Il fait 24° dans la tente, une nuit exceptionnellement chaude. Je profite de l’occasion et de la lumière pour travailler à mon journal. Selon la météo, la pluie devrait cesser pour revenir en soirée.
Un peu plus tard, comme prévu, il y a même un peu de soleil. À la suite de l’orage d’hier soir, la tente est pleine de sable, un ennemi mortel pour elle. Je la nettoie le mieux possible, mais il en reste quand je la range, et le double toit est bien mouillé.
Après une bonne montée et la traversée de la base militaire, je retrouve la route 17 pour quelques kilomètres un peu stressants. Une petite route vers la gauche, bien plus agréable, me mène vers Pembroke et sa rue commerciale assez encombrée.
Intersection : il y a une piste cyclable toute neuve, que je prends sans hésiter. L’Algonquin Trail longe la rivière en toute quiétude jusqu’au pont interprovincial. Bonheur !
Il est un peu passé midi quand je reviens au Québec, plus précisément à l’Île aux Allumettes. Mais la Route Verte quitte la 148 assez rapidement.
Une jeune femme à vélo s’y engage en même temps que moi. Nous pédalons ensemble sur près de 20 km. Bien sûr, Sarah est sans bagages, mais ça ne paraît que lors des montées. Ingénieure habitant près d’Ottawa, elle connaît bien la région car sa famille en est originaire. C’est très beau malgré le temps lourd et chaud.
Après Waltham, je suis de nouveau seul, car Sarah est de retour à sa maison de vacances, dans ce village sans Internet ni réseau cellulaire. Je tente de prendre la piste cyclable. J’y croise deux membres d’une espèce rare : des cyclotouristes. Réjean est venu de Saint-Jean-d’Iberville ; Donald s’en va au Mexique en passant par l’ouest canadien. Ils se sont croisés par hasard et font un bout de chemin ensemble. Nous ne discutons pas longtemps, la faune locale étant portée à profiter de la situation. Même si c’est toujours beau, je ne suis pas assez rapide pour échapper aux mouches à chevreuil, alors dès que possible je me réfugie sur la 148.
À Fort-Coulonges, je prolonge une pause pour laisser passer quelques gouttes de pluie tout en admirant le splendide pont couvert. Après une épicerie, je tente à nouveau la piste cyclable, et les mouches sont encore plus nombreuses et voraces. C’est concluant : je prends un abonnement pour la 148.
À Litchfield, il y a une halte routière hors normes mais bien intéressante pour moi : non seulement le camping n’y est pas interdit, mais il y a des toilettes, de l’eau potable, des jeux d’eau pour enfants et un abri assez grand pour quatre tables à pique-nique. C’est le pactole : je m’installe.
Il vente et c’est chaud, donc je fais sécher ma tente bien attachée avant de la ranger propre et sans l’humidité restante de la nuit dernière. Les jeux d’eau me servent comme douche, j’en ressors trempé et ragaillardi.
Évidemment, des gens sont de passage. Quand j’arrive, j’y rencontre Dany et ses fils Manny, 8 ans, et Matis, 5 ans. Après une belle conversation, ils repartent en voiture électrique. Plus tard, Steve vient manger son repas-minute. Retraité de l’industrie nucléaire, il est très insatisfait de sa voiture hybride toute récente et lorgne vers l’électrique lui aussi. Je peux lui faire part de ma très positive expérience avec cette technologie.
À la brunante, je monte ma tente très solidement, sur la dalle de béton entre des boulons fixant les tables et un poteau soutenant le toit. Le vent est vraiment fort et des orages violents se préparent pour cette nuit. Avantage inestimable : en plus de la toile et du moustiquaire, il y a un toit de tôle au-dessus de moi. Je range tout bien soigneusement et je disparais pour la nuit. Elle sera chaude : il fait 27° sous mon petit abri de toile.
km jour : 96,9 km total : 1173 départ / arrivée : 10 : 00 / 17 : 45 temps déplacement : 5 : 31 vitesse moyenne : 17,6 vitesse maximale : 48
Ce matin, je me lève tôt car je sais que la grosse chaleur sera à nouveau de la partie. Quittant le camping un peu avant 7 h 30, je constate avec joie que l’épicerie est déjà ouverte. C’est donc bien chargé de bouffe et d’eau que j’amorce la première longue montée d’une journée qui n’en manque pas.
Le ciel est parfaitement dégagé et le soleil chauffe déjà. Le vent est de dos et les mouches sont heureusement rares, ce qui facilite les choses. La route 17, que je prévois suivre jusqu’au retour au Québec, est large et facile, mais sans accotements dignes de ce nom.
Heureusement, la circulation est faible ce matin, ce qui laisse suffisamment de place pour tout le monde. Une particularité : il y a des bandes rugueuses au centre de la route, et parfois sur l’accotement, ce qui rend les véhicules très bruyants quand ils s’écartent pour me dépasser et me rend plus complexe de leur laisser de la place.
C’est quand même monotone, car il y a peu à voir à part les montées, les descentes et des arbres. Une belle descente très rapide – 67 km/h – permet d’entrevoir l’Outaouais, superbe, à Deux-Rivières. Une jeune femme me fait un premier plein d’eau, j’ai décidé de ne pas laisser mes réserves trop baisser.
C’est reparti dans les hauteurs. Je dîne près du terrain de sport de Stonecliffe, bien assis, bien à l’ombre. Même là, mon thermomètre refuse de descendre plus bas que 32°, c’est vraiment chaud. Avec des températures de 40° à 47°, l’Europe doit souffrir. Je peux faire un autre plein d’eau à l’édifice municipal avant de repartir.
Plus la journée avance, plus c’est chaud. Vers la fin de Laurentian Hills, un couple m’interpelle pour m’offrir de l’eau, avec glaçons en prime. Rodney et Darla sont très accueillants et sympathiques.
À partir de Deep River, la circulation devient assez intense, ce qui implique une bonne vigilance. Pour laisser la chaussée aux gros véhicules, je fais de régulières visites préventives de l’accotement. Celui-ci étant très mou, je dois anticiper en freinant sur la chaussée pour arriver lentement dans le gravier qui m’arrête, le tout sans tomber. Succès.
Après Chalk River, la route traverse une base militaire pendant bien des kilomètres. C’est un endroit peu approprié pour le camping sauvage. J’arrive enfin à Petawawa, bien plus loin que mon objectif initial.
Il y a un camping, mais aussi des travaux qui obligent à un détour un peu exotique par la base militaire. Une jeune femme qui promène son chien complète les informations dans un excellent français – elle vient de Tracadie, en Acadie. Je finis par arriver après plus de 145 km. C’est assez pour aujourd’hui.
À la guérite du camping, personne. Il faut appeler un homme qui me donne les indications requises et m’offre le demi tarif pour cyclistes, une idée appréciée. Je me dirige vers mon site, juste à côté d’une magnifique plage sur la rivière Outaouais. J’échange donc la douche pour une brève baignade, car l’orage menace. J’ai juste le temps de cuire mon souper avant qu’un déluge accompagné d’éclairs et de gros vents déferle sur le camping. Je mange donc dans mon précieux vestibule, et la soirée se passe sous la tente, toujours bien étanche quand elle est bien montée. Malgré la pluie, la nuit s’annonce chaude.
km jour : 145,7 km total : 1076 départ / arrivée : 7 : 20 / 18 : 45 temps déplacement : 8 : 25 vitesse moyenne : 17,3 vitesse maximale : 67 camping : 20$