Vent de rencontres

> Bullards Beach State Park (Bandon) – 65 km
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Mardi. Comme prévu, nuit calme à part quelques bruits de route. Levé vers 7 h 45, je fais un peu de lavage avant de rédiger le journal d’hier. Le ciel est d’un bleu sans partage et la température très confortable pour le moment. Je salue Anthony et je pars par l’ancienne 101 devenue sentier.

Ce trajet est un ravissement. La route étroite, assez détériorée mais facile à vélo, monte dans les bois avant d’ouvrir sur une série de très beaux points de vue.

De retour à la 101, je longe la mer jusqu’à Port Orford. Je fais l’essentiel de mon épicerie puis le combat commence. Le vent est de face, très fort, et j’avance souvent à moins de 10 km/h. En plus, je suis loin de la mer et je vais de bois en villages décrépits. Excitant…

Je croise quelques cyclistes. Je ne sais pourquoi, nous commençons à parler avec un jeune homme : anglophone, Colin vient de Montréal. Sa copine Prudence vient du Saguenay. Nous jasons un bon bout de temps au bord de la route. Ils complètent un voyage entamé l’été dernier.

Nous reprenons la route. Grâce aux arbres, ça avance un peu mieux. Plus loin, deux jeunes femmes sont arrêtées sur le gazon. Katia et Anne, deux enseignantes québécoises, en sont à leur premier long voyage à vélo. Nous jasons longuement, regardons des cartes, échangeons trucs et commentaires. Je leur donne un petit coup de main avec leur appareil photo, et nous finissons en photos de famille. Une autre belle rencontre.

Vaille que vaille, les kilomètres s’accumulent lentement, malgré le vent. En arrivant à Bandon, une affiche signale une route panoramique. Ça m’intéresse, bien sur. En arrivant aux points de vue sur la mer, je constate que le vent apporte de gros nuages. Pluie en vue ? En tout cas, c’est glacial.

En ville, je complète mon épicerie puis arrête à la boutique de vélo. J’y achète un coupe-vent jaune fluo – sécurité oblige – et une bonne carte vélo de la côte de l’Oregon. Une jeune ado me dit que sa mère parle français, et celle-ci, propriétaire de la boutique avec son mari, arrive sur les entrefaites. Originaire du Manitoba, Linda a vécu quatre ans à Montréal, s’y est impliquée dans le vélo, a même fait le Tour de l’Île. Elle retrouve son passé et le français avec ravissement.

Je suis presque à destination. Il suffit de traverser la large rivière Coquille, et ça y est. Il y a un peu d’attente pour entrer au camping, puisque un couple a des mélanges de réservation. Trois dames avec des chevaux dans une remorque viennent me parler, puis une autre dont le français est excellent. Originaire d’ici, elle a appris la langue à Paris et l’a enseigné aussi.

Le site pour randonneurs est tout neuf, avec des casiers pour la nourriture offrant aussi la recharge USB par panneau solaire. Il y a des tentes un peu partout, mais un seul jeune homme. Nick en est à son deuxième long voyage à vélo – vers le sud, évidemment – et me donne des cartes du nord de Washington. Il transporte avec lui une minuscule basse électrique aux cordes en caoutchouc. Il en joue très bien.

Nous nous séparons car il commence à y avoir un léger crachin. J’écris tant que la lumière est suffisante, puis passe à la douche. J’arrête au site de Matt et Susan, l’enseignante de français, qui m’avaient invité. C’est presque dodo, alors nous prenons rendez-vous pour demain matin. Il est près de 23 h, alors dodo au lointain son des vagues.

km jour : 64,7
km total : 932
départ / arrivée : 10 h 15 / 18 h 40
temps de trajet : 4 : 29
vitesse moyenne : 14,4
vitesse maximale : 49,5
camping : 5 $


64,7 932,0 10 : 15 > 18 : 40
14,4 49,5 4 : 29 5,00 $

À perte de vue

> Humbug Mountain State Park (Port Orford) – 85 km
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Lundi. Malgré quelques bruits industriels, j’ai très bien dormi. En revanche, mes collègues cyclistes sont peu loquaces ici. Levé vers 7 h 30, je me prépare et je prends la route vers 9 h 30 dans le brouillard.

Je passe à côté d’une solide collision entre deux voitures. Il ne devrait pas y avoir de blessés, au moins. Rapidement, il n’y a plus aucune construction et dès 10 h le brouillard s’effiloche et disparaît, dévoilant les paysages magnifiques. En Oregon, toute la côte est considérée comme parc et aménagée en conséquence. Il y a donc de nombreux belvédères et plages publics. Je ne quitte pas la route pour les points de vue : c’est déjà un bon travail d’être continuellement dans les côtes et j’ai déjà de quoi me remplir les yeux.

Après une section dans les hauteurs, je redescends vers Pistol River avant de remonter vers Cape Sebastian. Ici, pas de points de vue, que de la forêt, jusqu’à la longue plage de Gold Beach. Ici, il vente à tempête : j’avance à peine, j’ai des difficultés à garder mon équilibre et je me fais saler par les embruns. Arrivé au village, je dîne, lave mon pantalon puisqu’il devrait bien sécher, fais mon épicerie et cherche une bonne carte, sans succès sur ce point. C’est le seul village de la journée.

Ensuite, je n’ai plus de problème avec le vent : il fait tout simplement très chaud. Les points de vue sont de retour, surtout à partir de la plage d’Ophir. Pour un bout de temps, il n’y a plus d’arbres et je vois que je m’approche tranquillement de Humbug Mountain, ma destination du jour. Je retourne en forêt, et même dans l’étroite vallée d’un petit ruisseau. C’est très joli, et c’est le camping.

C’est très bien, les sites sont très beaux et c’est calme, à part le bruit de la route. Je fais mes routines. Il n’y a qu’un seul cycliste, un peu vagabond, qui se prépare à partir car il dit aimer rouler de nuit… Alors qu’il quitte, un autre arrive. Anthony est assez fatigué après une grosse étape, mais très gentil. Nous jasons un peu avant de disparaître pour la nuit. À 22 h, je suis couché.

km jour : 84,3
km total : 867,0
départ / arrivée : 9 h 30 / 18 h 30
temps de trajet : 5 : 56
vitesse moyenne : 14,2
vitesse maximale : 58,0
camping : 5 $

Les extrêmes

> Harris Beach State Park (Brookings) – 105 km
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Dimanche. Levé vers 7 h 15, j’apprécie mon site sous les pins : il y a du brouillard et tout est humide autour. Comme prévu, je rédige mon journal avant de ranger et de sortir. Mes voisins John et Mary sont presque prêts et partent les premiers, Jenny est prête quelques minutes avant moi. Tous, nous nous saluons avec émotion, heureux de cette belle rencontre.

Sur la route, les séquoias et le brouillard sont maîtres du paysage pour 15 kilomètres magiques. En ce dimanche matin, j’ai l’impression d’être dans une cathédrale. Après une bonne descente, c’est le retour à la 101. Heureusement, l’accotement est bon, mais ça continue à descendre rapidement et ce n’est vraiment pas chaud.

La route traverse puis longe la rivière Klamath avant de remonter longtemps. Un temps, le soleil semble percer, mais alors que je retrouve la forêt de séquoias, c’est le brouillard qui revient en force.

Quand la vraie descente commence, une petite pluie glaciale s’ajoute au portrait. Le brouillard est si dense que l’on ne voit qu’à quelques mètres, mais je roule assez vite car je suis au milieu de la route et à peine visible. C’est à la fois pénible et assez inquiétant. Heureusement, aucune voiture ne me rattrape et je survis jusqu’à un belvédère. Je devrais voir la ville et la baie de Crescent City, mais je ne vois que le brouillard. Je prends quand même un bon repas, j’ai faim.

La pluie cesse. En ville, je fais halte à l’épicerie, un rituel. Ensuite, des panneaux me guident sur des routes de campagne dans la plaine. C’est assez morne mais facile. Une jolie invention : en approchant d’un pont étroit, un détecteur de vélos avertit les automobilistes de ma présence. Alors que je rejoins à nouveau la 101, un jeune joggeur me suit et me dépasse même, à 20 km/h. Il est rapide !

Désormais, ce sera la grand route. Peu après 17 h, je quitte la Californie pour l’Oregon. Si le moderne et écolo centre d’information touristique est déjà fermé, j’y trouve un dépliant indiquant les campings d’état le long de la côte. C’est déjà ça. Il y en a un tout de suite après Brookings : je m’y dirige alors que le soleil sort.

La traversée de la ville est plutôt facile, même si un commerce n’attend pas l’autre. Il fait très beau et c’est très splendide côté mer. Un petit bout de piste cyclable me mène au camping.

Il est complet, mais je l’ai appris : il y a toujours de la place pour les cyclistes et randonneurs – sites « hike and bike ». C’est bien le cas. Je m’installe et je mange rapidement, car des sentiers vont vers la mer et j’ai le goût d’en profiter.

À quelques minutes de marche, un belvédère avec vue sur les plages, les gros blocs dispersés, les îles, les falaises, le soleil couchant. Magnifique ! Les vagues s’infiltrent par une ouverture dans un gros bloc – un genre de Rocher Percé – et s’étalent en éventail en arrière.

Je descends jusqu’à la plage, puis je remonte pour attendre le coucher du soleil. Il n’est pas spectaculaire, mais le site l’est.

De retour au camping, un abri offre bancs, lumière et prise électrique. Je m’y installe pour écrire le journal, devisant avec un cycliste plutôt réservé. À 23 h, douche, puis dodo… mais après une rencontre avec deux jeunes élans en revenant à ma tente !

km jour : 104,7
km total : 783,0
départ / arrivée : 9 h 30 / 18 h 30
temps de trajet : 6 : 39
vitesse moyenne : 15,7
vitesse maximale : 56,3
camping : 5 $

Petits détours

> Elk Prairies Campground – 85 km
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Samedi. Deux premières cette nuit. Tout d’abord, j’ai assassiné la demi-douzaine de moustiques infiltrés dans ma tente ; ensuite, j’ai dormi avec mes bouchons d’oreilles à cause du bruit de la route.

Levé un peu après 8 h, je suis en route vers 10 h. Ici, route veut dire 101 et autoroute. Quelques sorties plus loin, à Arcota, je peux prendre une route parallèle. Pour un petit bout, je suis en ville sur des bandes cyclables, puis en rase campagne. Je longe la « Mad River », célèbre pour ses fabricants de canots. Une petite erreur d’aiguillage me mène à une plage, mais en revenant sur mes pas je peux prendre un ancien pont de chemin de fer converti en piste cyclable.

La « Hammond Coastal Trail » est facile, agréable et jolie. Elle mène à de belles vues sur la plage, un bon endroit pour dîner. Une route longe la « Little River SB » pour revenir… à la 101.

Une sortie plus loin, je quitte pour la route « Scenic », très bien nommée. Très étroite – parfois, les voitures ne peuvent se croiser –, elle serpente le long de la montagne et offre de magnifiques vues sur la côte de « Trinidad SB ». Après la pause épicerie, une route plus normale passe près du Camping de « Patrick’s Point », qui annonce complet. Ce n’est pas grave, il est trop tôt pour arrêter, quoique…

Je retrouve la 101 – toujours aussi accueillante pour les voitures –, et je croise sur une heure une dizaine de cyclistes, en ordre dispersé, les seuls de la journée. Un camping potentiel n’en est pas un et la 101 perd son statut d’autoroute pour devenir une grand route étroite, tortueuse et très fréquentée. Danger !

Un kiosque d’information me confirme qu’il y a un camping pas trop loin. Je prends une autre route parallèle – Old State Hwy – qui s’avère être un véritable délice. Bon, elle est tortueuse, étroite et défoncée, mais il n’y a aucun trafic – une seule voiture –, les charmes d’une petite route sous les arbres et de magnifiques points de vue.

Retour à la 101 à Orick, petit village à moitié abandonné, puis suite sur la 101, un peu plus calme et remontant « Redwoods Creek ». Une intersection pour la route du parc, et j’y suis. Une affiche demande d’être prudents avec les « wilds elks » : qu’est-ce que c’est ? La réponse vient sur des panneaux : ce sont des élans aux bois spectaculaires. Juste avant le camping, quelques-uns broutent allègrement tout près de la route, impassibles sous les lentilles des nombreuses caméras.

À 18 h 30, je suis au site de camping, discutant avec mes charmants voisins John et Mary. Partis de Victoria, ce père qui voyage avec sa fille de 16 ans va à San Francisco. Je m’installe, range tout ce qui ressemble à de la nourriture dans une armoire en métal contre les ours, prépare mon repas. Jenny, de Seattle, vient nous rejoindre. C’est très agréable.

Jenny a un problème de réglage sur ses vitesses. Je répare de mon mieux, ce qu’elle apprécie grandement, et plusieurs profitent de mon manomètre pour gonfler les pneus à la bonne pression.

Il est tard. Je passe à la douche, puis je me couche. Le journal attendra à demain matin, à la lumière.

km jour : 82,6
km total : 678,0
départ / arrivée : 10 h 00 / 18 h 20
temps de trajet : 5 : 34
vitesse moyenne : 14,8
vitesse maximale : 54,1
camping : 5 $

Séquoias et vaches 101

> KOA Campground (Eureka) – 105 km
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Vendredi. Une autre excellente nuit. C’était frais sans être froid, sec, confortable. Décidément, l’ombre des séquoias me fait du bien. Je m’étais couché tard, je me lève vers 9 h. J’anticipe une journée facile…

Après les routines, je m’offre un grand plaisir : une marche en forêt, au milieu des fabuleux séquoias. Ces arbres anciens et solennels ont un côté apaisant qui rend leur fréquentation presque mystique.

Il est donc 11 h 40 quand je prends la route. Pendant plus de 30 km, je roule au milieu des séquoias sous un soleil rayonnant qui perce à peine le dôme des arbres. Je mange avant de quitter la forêt.

Ensuite, le décor change : je me retrouve à nouveau sur l’autoroute. Que c’est pénible ! Heureusement, trois jeunes hommes à vélo ont une carte et me confirment que c’est le bon chemin.

Je les rejoins plus loin, à l’épicerie, et nous faisons plus ample connaissance : Nicolas, d’origine française, Jeff et Ron se sont connus à Hong-Kong et prennent de petites vacances à vélo. Ils voyagent léger : sac de couchage et hamac… C’est bon pour ici, mais mon chemin ira plus loin.

Je prends leur carte en photo, afin de mieux me retrouver sur l’itinéraire assez complexe qui mène à Eureka. Nous nous suivons un temps dans les côtes, puis ils me devancent dans la plaine alors que je lutte pour la première fois contre un vrai vent de face.

C’est plat et agricole, avec une dominante vache : leurs rassemblements font penser aux foules du métro.

Je consulte régulièrement mon appareil photo afin de retrouver ma route, mais je n’y échappe pas : c’est sur l’autoroute 101 que j’entre dans Eureka.

J’avais un mauvais pressentiment, qui se vérifie : le camping annoncé n’existe pas. C’est un site historique à visiter le jour. Il est tard, j’ai près de 100 km dans les jambes et je ne sais pas où dormir.

Le centre d’information touristique est fermé, mais un dépliant m’indique un camping à la sortie de la ville. Go ! En prime, un itinéraire cyclable m’éloigne du gros trafic pour un temps.

Je retrouve donc la route 101, mais le camping se fait attendre. Finalement, il est un peu plus loin que je l’imaginais. À 20 h 30, j’arrive sur mon site. J’expédie les routines puis je me branche sur Internet. Les messages sont nombreux, et je prépare un courriel collectif avant d’écrire rapidement le journal. Il est 1 h 30, urgence dodo !

km jour : 103,2
km total : 596,0
départ / arrivée : 11 h 40 / 20 h 20
temps de trajet : 6 : 35
vitesse moyenne : 15,6
vitesse maximale : 51,4
camping : 13 $

La vallée des arbres géants

> Humbolt Redwoods State Park (Weott) – 115 km
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Jeudi. La nuit a été parfaite, bercée par le chant des vagues. Ce matin, la tente est légèrement humide, c’est frais, comme d’habitude, mais il y a des coins de ciel bleu et de soleil. Nous nous levons vers 8 h. En plus des préparatifs ordinaires, j’ajuste quelques éléments du chargement de Scott afin que tout soit efficace et sécuritaire. Il en est très satisfait.

Nous prenons la route vers 9 h 30, chacun son tour. Ici, il n’a presque pas de circulation. Tant mieux ; la journée s’annonce exigeante, car il y aura au moins deux bonnes montées. La première est à quelques kilomètres seulement.

La route quitte la berge pour entrer dans les montagnes et grimpe sérieusement jusqu’à 220 m. Une affaire d’une demi-heure à monter, de moins de 10 minutes à descendre. Bonne nouvelle : les ajustements sur mon vélo fonctionnent parfaitement. Pour ce genre de journée, j’apprécie que toutes mes vitesses passent bien.

En bas, je croise un groupe de cyclistes : ils sont 14, des jeunes avec quelques encadreurs. Après une demi-heure plus facile, les choses sérieuses commencent. La première partie demande 45 minutes en première vitesse. Ensuite, plateaux et montées s’enchaînent et le sommet, à 580 m, demande deux bonnes heures de travail assez intense.

La route monte essentiellement en forêt. Au début, elle longe un ruisseau serti dans les fougères, et tout se passe en forêt. C’est frais, donc assez agréable. En chemin, je croise quatre cyclistes du Maine qui me fournissent de précieuses indications. Je prends aussi mon repas – ensuite, je n’ai plus de réserves… – et je profite de délicieuses mûres bien juteuses. Vers le sommet, le soleil sort pour de bon, faisant grimper sérieusement la température. Ce n’est pas grave, je vais descendre maintenant.

Je rejoins rapidement la vallée de la rivière Eel, que je suivrai le reste de la journée. De ce côté, il y a des panoramas ouverts, ce qui est bien joli. Au premier pont de la Eel, un homme est assis, son vélo est un peu plus loin. John va voir son fils à Seattle. Il s’est mis au vélo à la retraite, il a maintenant 70 ans. Pour s’aider un peu, il a converti son vélo pour avoir une assistance électrique, mais son système est en panne : bien des kilos peu utiles… En tout cas, sa jasette, elle, fonctionne très bien.

Je vois une affiche étrange : il y a, juste ici, un arbre à travers lequel on peut passer en voiture. Je suis au pays des séquoias, ces géants millénaires et splendides. Je ne fais pas le détour pour celui-ci, il y en aura d’autres en chemin.

Je rejoins la route 101. Ça, c’est moins drôle : il y a beaucoup de circulation. Je retrouve brièvement Scott, très satisfait de nos travaux sur son vélo. Après un passage plus étroit, la route devient une autoroute. Ouache ! C’est le seul chemin, pour trois kilomètres. Je peux prendre pour un petit bout la route 271, plus adaptée. J’y croise Gary, de Calgary. Nous nous confirmons mutuellement nos chemins, avant de prendre chacun le notre.

Plus loin, retour à l’autoroute pour un bon bout. J’essaie une route parallèle : c’est un cul-de-sac. Je sors à Garberville – il y a une épicerie pour refaire mes réserves – et peu après Redway je reviens encore sur l’autoroute. C’est la dernière fois, heureusement.

Je sors pour prendre l’Avenue des Géants. C’est une route calme qui longe la rivière et souvent serpente au milieu des séquoias. C’est une magie pure que de côtoyer ces arbres. De l’un d’eux, il est écrit qu’il mesure 75 m, pour un diamètre de 7 m et une circonférence de 17 m. Il serait âgé de 1800 ans. Respectable.

En plus de la magie, il y a aussi un parc et des campings. Le premier, Hiddeen Spring campground, sera le bon. J’arrive sur mon site à 20 h 15. La routine est à point ; je monte la tente et mange à la brunante, puis je fais un petit lavage, prends une douche rapide et m’occupe de charger mes appareils tout en écrivant le journal, debout dans les toilettes puisque c’est là qu’il y a de l’électricité. À minuit et demi, j’ai enfin terminé et je me couche avec joie : c’était une bonne journée.

km jour : 115,9
km total : 492,0
départ / arrivée : 9 h 30 / 20 h 00
temps de trajet : 7 : 40
vitesse moyenne : 15,1
vitesse maximale : 53,1
camping : 5 $

Les dunes et le compteur

> Westport State Beach (Wesport) – 50 km
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Mercredi. Ce matin, il a plu un peu. Je me lève donc plus tard, vers 9 h 30, et je me prépare tranquillement. Il est près de 11 h quand je prends enfin la route.

Ce n’est pas une surprise : mon cyclomètre ne fonctionne plus. Il redémarre après quelques kilomètres, mais sa carrière achève.

La route et la météo ressemblent à hier : des vallons, du gris. En revanche, il y a beaucoup de circulation, de plus en plus en approchant de Port Bragg, la première ville d’importance depuis San Francisco. Il y a une bonne boutique de vélo : j’y fais ajuster mon jeu de direction, légèrement desserré, et j’y achète un nouveau cyclomètre – sans fil – que j’installe tranquillement.

Le temps a passé vite : il n’est plus question de monter jusqu’à Legett aujourd’hui. Je prends donc mon temps.

En sortant de Port Bragg, une affiche propose un itinéraire panoramique. C’est une ancienne route, promue piste cyclable, piétonnière et équine, qui suit de magnifiques dunes. Un vrai régal ! Après quelques kilomètres, il faut bien revenir à la CA1, mais elle est ici plus étroite et beaucoup moins fréquentée. En revanche, il n’y a plus d’épicerie ou autres services et ma bouffe diminue. On verra bien.

Après une section vallonnée, la route commence à avoir de plus sérieux reliefs. Ça grimpe fort, puis ça descend sérieusement à plusieurs reprises. C’est évidemment magnifique.

En chemin, je retrouve Scott, et nous nous suivons plus ou moins pour le reste du trajet. Au village de Westport, il y a un minuscule dépanneur. J’y trouve à fort prix de quoi compléter mon repas, Scott peut s’acheter deux bières et une petite dose de pot, chacun a ce qui lui convient.

Le camping, que nous prenons ensemble, est magnifique : c’est une lande en haut d’une falaise, séparée du précipice par une ancienne route en partie effondrée, on entend les vagues briser sur la côte. Pour 3 $ par personne, il y a un robinet, des toilettes sèches, une table à pique-nique… et le paysage. Pas d’électricité, mais un horizon fantastique. C’est parfait.

Après le repas, je fais quelques ajustements au vélo de Scott : ses porte-bagages avant avaient été montés à l’envers et les sacoches tenaient de peur. Petit bricolage facile, mais apprécié. Sur mon vélo, certaines vitesses changeaient mal. Je verrai demain si tout est OK. Je l’espère, car une sérieuse montée nous attend.

Nous prenons aussi te temps d’échanger. Scott a perdu conjointe et emploi, et son voyage est aussi une quête de sens. Mais la nuit tombe bientôt et chacun rentre chez soi, dans ce petit lieu de stabilité qu’est la tente pour le voyageur. À 21 h 45, le journal est écrit et je me couche, bercé par le doux et puissant souffle de la mer.

km jour : 16,9 + 33,9
km total : 376,0
départ / arrivée : 11 h 00 / 17 h 30
temps de trajet : 2 : 15 ?
vitesse moyenne : 15,0
vitesse maximale : 49,1
camping : 3 $

Dans le brouillard

> Van Damme SP (Mendocino) – 120 km
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Mardi. Je me lève vers 7 h 30 après une nuit très calme, même si je colle un peu dans mon sac à cause de l’absence de douche. Ce matin, il y a un bon brouillard et c’est frais – 15° dans la tente –, alors je prends une heure pour compléter mon journal avant de me préparer. Je prends donc la route vers 9 h 15, bien satisfait de mon site de camping.

Le brouillard reste bien présent, et ce n’est pas très chaud, un peu plus de 15°. En revanche, le paysage a changé… vers le vert. Il y a maintenant des arbres et la première partie du trajet se fait en forêt, plus précisément une pinède. Ça reste plutôt vallonné, rarement plat mais sans gros relief.

Je découvre un problème technique : mon cyclomètre s’arrête. Après vérification, le fil est brisé près du support de guidon. Je réussis à le replacer, mais il faudra y voir.

Entre Stewart point et Gualala, les nombreuses maisons observent toutes le même devis : mêmes types de volumes, mêmes matériaux, mêmes pentes de toit… C’est un projet qui se nomme Sea Ranch. En revanche, les éventuels habitants sont très discrets : je ne vois personne, sauf les automobilistes.

À quelques reprises, il y a des chantiers qui ferment une voie, obligeant à une circulation alternée. Parfois, ce sont des feux autonomes qui gèrent les véhicules : dans ces cas, il y a un bouton « bikes » qui permet de passer facilement.

À Gualala, le plus gros des villages d’aujourd’hui, je retire de l’argent US à la banque et profite de l’épicerie. C’est le rendez-vous des cyclistes : je rencontre d’abord Tom, un enseignant avec qui je mange, ensuite quatre autres arrivent également du nord. Parmi eux, André et Karla, deux brésiliens qui retournent à la maison après un tour du monde de deux ans facebook.com/bikesandspices. De belles rencontres.

Jusqu’à Point Arena, ce sont plus des landes que des forêts, avec parfois de belles falaises dans le brouillard. Le village est un peu étrange, avec sa rue principale en forte montée, ses édifices abandonnés, ses airs de western…

Après une bonne descente, je change de pays et de climat. Je suis un peu à l’intérieur des terres, il fait grand soleil, ciel bleu, chaud… pour 45 minutes. Et le brouillard reprend ses droits.

Je roule sur un plateau vallonné, à environ 50 m au dessus de la mer. De temps à autre, la route bifurque vers l’est, descend, vire en épingle et remonte : c’est un petit ravin à traverser. Un peu avant Elk, surprise, la route descend en lacets jusqu’à la mer – une affiche indique que c’est une zone à risque en cas de tsunami – et, évidemment, remonte abruptement au plateau.

Après le village, nouvelle surprise, la route monte d’un autre bon 50 m, se promène le long de falaises spectaculaires, redescend à une bonne rivière et remonte… Mes freins et mes mollets travaillent fort, surtout que j’ai déjà 100 km dans les jambes aujourd’hui.

Près d’une rivière, il y a un camping, un terrain plat, sans arbres et envahi de motorisés immenses. En plus, c’est sûrement cher. Selon ma carte, Van Damme State Park n’est pas trop loin. C’est le cas, heureusement, car il est maintenant 20 h. Yé ! J’arrive en même temps qu’une préposée. C’est utile, car elle a de la monnaie : le tarif vélo/rando est de 5 $. C’est vraiment raisonnable, même si la douche coûte 1 $.

Il y a un site vélo/rando, sous les grands arbres, près du ruisseau, enchanteur. J’y rejoins Joel, un jeune suédois parti de Colombie-Britannique et se dirigeant vers le Mexique. Il est très gentil – ça semble commun chez les cyclistes au long cours – et nous jasons agréablement en mangeant.

Bientôt, la nuit tombe. Nous montons les tentes, il disparaît dans la sienne alors que je passe à la douche. Ensuite, je profite de l’électricité de la salle de bains pour recharger batterie d’appareil photo et ordi, tout en écrivant le journal et en classant les photos. Il est passé minuit quand je peux enfin, après celles de mes appareils, recharger mes propres batteries.

km jour : 118,0
km total : 326,9
départ / arrivée : 9 h 15 / 20 h 00
temps de trajet : 7 : 11
vitesse moyenne : 16,4
vitesse maximale : 58,7
camping : 6 $

Sonoma

> Fort Ross – 95 km
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Lundi. Je me lève vers 7 h 15 après une nuit très confortable et reposante. En sortant de ma tente, je découvre que j’ai des voisins : une tente minuscule, sans moyen de transport visible à proximité. Bientôt, nous faisons connaissance. Mia et Sam sont du Vermont et sont au milieu d’un voyage de deux mois en randonnée pédestre, avec quelques bouts sur le pouce ou en bus. Ils sont très gentils et nous passons de bons moments à échanger.

Il faut bien partir, ce que je fais peu avant 9 h. Comme hier, il y a parfois des bancs de brume mais le soleil domine. Je rejoins rapidement la Baie de Tomales. La route est vallonnée, mais facile, il y a un léger vent de face – il faudra m’y habituer – et pratiquement aucune circulation. C’est bien joli. La baie abrite d’imposantes huîtrières et ses berges sont peuplées de restaurants et de petits ports de pêche.

La route quitte la baie et longe une rivière jusqu’à Tomales. J’y achète un sandwich dont je mange la moitié immédiatement, gardant le reste pour plus tard. Ensuite, les côtes se succèdent, longues à monter, rapides à descendre. Je croise six cyclotouristes, dont le dernier me parle en français : mexicain, il a appris la langue en Suisse.

La CA1 rejoint la route de Petaluma et il y a maintenant pas mal plus de trafic. Vigilance et coopération. J’achète un sac de cerises à une jeune fille qui a appris le français en France. À nouveau, ça monte et ça descend tout le temps. Après Bodega, une bonne descente termine cette séquence, mais le brouillard venu de la mer fait chuter la température à 15°. J’enfile mon polar.

À Bodega Bay, il y a énormément de voitures sur la route étroite, mais le soleil est de retour pour de bon. Le village est fier d’avoir servi de lieu de tournage pour le célébrissime « The Birds », de Hitchcock. Il est aussi utile pour une petite épicerie.

La suite de la route est très spectaculaire : ce sont les « Sonoma Coast State Beaches », une suite de plages au pied des falaises, constellées de gros blocs et où brisent les vagues du Pacifique. Ma moyenne est pas mal ralentie par la prise de photos. J’y croise plusieurs cyclotouristes allant vers le sud, et retrouve à quelques reprises Scott, une jeune de San Francisco en route vers le nord.

Cette section au relief énergique se termine par une bonne montée : je passe de 8 m à 182 m. L’ambiance est vraiment alpine, avec sa route en lacets, une bonne pente, une végétation de conifères dans une lande. Il n’y a ni cascades ni neige, mais la mer a proximité ajoute une touche magique au paysage, vraiment splendide. Ce n’est quand même pas très difficile, car c’est assez court.

Ensuite, la route s’accroche à flanc de montagne, serpentant, grimpant ou plongeant selon les moments, mais toujours splendide. Parfois, elle rentre vers l’intérieur dans de petits vals boisés. Que c’est beau !

Je commence à m’intéresser au lieu de camping. Je n’ai plus beaucoup d’eau, et le territoire est très sec. Je vois une indication pour un camping d’état, mais c’est cher et je n’ai plus assez d’argent US – il me faudra m’en procurer bientôt. En revanche, il y a un robinet ! Je fais le plein de mes bouteilles. Maintenant, je peux dormir n’importe où. Juste à côté de Fort Ross, un site historique, il y a un petit coin bien approprié. En revanche, je m’installe au poste d’accueil de Fort Ross pour cuisiner sur le béton, question de ne pas déclencher d’incendie avec la végétation jaunie par le manque d’eau.

J’installe ensuite ma tente, mais je dois débarrasser l’emplacement de jolies ronces qui pourraient abîmer mon matériel. Et c’est l’heure d’écrire un peu avant que la nuit ne tombe trop : en camping sauvage, il ne faut pas abuser de la frontale… À 21 h 30, il fait trop noir pour voir les touches de mon clavier, alors je me couche avec volupté malgré un sol un peu irrégulier.

km jour : 94,2
km total : 208,3
départ / arrivée : 8 h 50 / 18 h 50
temps de trajet : 8 : 50
vitesse moyenne : 14,4
vitesse maximale : 57,6
camping : 0 $

El Camino Real

Le chemin Réal !

> Olema Campground (Olema) – 95 km
Sommaire

Dimanche. Je me lève vers 8 h. La nuit a été paisible même si l’auberge est assez mal insonorisée. J’ai quand même pas mal de petites choses à faire – dont un courriel aux amis –, alors il est près de 11 h quand je prends finalement la route.

À l’auberge, on m’a conseillé de suivre « El Camino Real », une route ancienne qui mène plus facilement en ville. J’aime bien le nom du chemin ! Heureusement, c’est dimanche et il y a peu de circulation. En route, je fais quelques emplettes, soit un peu de nourriture et du carburant pour mon réchaud. La ville a un cachet européen avec ses édifices plutôt bas. Je suis assez impressionné par la végétation plus tropicale : en particulier, il y a régulièrement d’énormes arbres, de plusieurs mètres de diamètre, qui perdent leur écorce en grands lambeaux et semblent ne pas s’en porter plus mal, au contraire.

Je traverse une curieuse banlieue qui semble s’adresser plus aux morts qu’aux vivants : c’est une succession de cimetières, de salons funéraires, de fabricants de pierres tombales, etc. Bonjour l’ambiance !

La ville est vallonnée, mais le chemin que j’emprunte évite les plus importantes pentes. En approchant du centre, « El Camino Real » devient « Mission Road ». Avant de partir, j’avais repéré deux boutiques de vélo afin de m’y procurer une carte vélo du trajet. Malheureusement, celle qui existe couvre un petit 200 km vers le nord – je la prends quand même, car elle est bien faite – et je dois en acheter une autre, pour automobiles, dans une station service. On me conseille aussi un itinéraire cyclable vers le « Golden Gate ».

Le trajet en rues partagées est bien balisé, très fréquenté, festif comme le « Central Park » de New-York, et mène au « Golden Gate Park ». Encore un petit bout sur route et je rejoins le parc « Presidio », une crête spectaculaire le long du Pacifique.

C’est là que se trouve l’accès sud pour le « Golden Gate ». Il y a foule et embouteillage, car le lieu est couru des touristes. Je prends par réflexe le trottoir du côté de la baie, qui offre les plus beaux points de vue malgré le brouillard qui masque le haut du pont. Au début, il y a une telle cohue que j’avance avec peine, mais c’est bien beau. En cours de traversée, le brouillard se lève pour de bon et c’est vraiment féerique.

À la sortie, une bonne descente me mène à Sausalito, qui a, elle, des allures de Côte d’Azur avec ses villas accrochées en amphithéâtre sur les montagnes. Les bouchons vers San Francisco font plusieurs kilomètres et bloquent la ville.

Je roule un bout au bord de l’eau, jusqu’à Marin City, puis j’entre dans les terres pour rejoindre la CA1, la route du bord de l’eau qui me guidera pour tout mon périple californien.

Surprise : une fourgonnette garnie de vélos arbore une plaque du Québec. La famille Duval – www.golesjambes.com – achève un périple de plusieurs mois. Partie de Saint-Jérôme en mars, cette famille avec quatre enfants entre 11 et 4 ans a roulé jusqu’en Floride, laissé la voiture à Los Angeles, pris l’avion vers l’Australie et revient vers le Canada en longeant le Pacifique. À suivre.

Je m’attaque ensuite à une route en lacets qui monte à 180 m puis redescend vers l’océan. Le trajet vers Stinson Beach est un véritable enchantement : la route est accrochée en haut des falaises, entre les montagnes pelées et la mer lumineuse.

Ensuite, c’est plus calme. Je longe le lagon de Bolinas, puis remonte en forêt vers une route plus bucolique. Selon la carte, il y a un camping à Olema. Il est très cher – 44 $ ! – mais il est près de 21 h. je plante ma tente, mange et prends une bonne douche, puis dodo. Il est minuit…

km jour : 95,9
km total : 114,1
départ / arrivée : 11 h 00 / 20 h 50
temps de trajet : 6 : 42
vitesse moyenne : 14,3
vitesse maximale : 59,6
camping : 44 $