Face au vent

> Aguanish – 130 km
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Dimanche. Il a plu toute la nuit, mais l’intérieur de ma tente est bien sec ce matin. Parfait : mon système semble avoir fonctionné.

À 4 h, la pluie a cessé. Éveillé par des jeunes enthousiastes revenant d’une nuit de fête, je me mets tout de suite au journal. Dès 5 h, je me prépare : la météo annonce une pause à la pluie d’ici demain midi, puis son retour. J’ai juste le temps de me rendre à Natashquan au sec.

Dehors, c’est encore mouillé, tout comme l’extérieur de ma tente. Je prends quelques précautions supplémentaires afin de garder sec ce qui l’est, alors je suis en route à 6 h 30.

C’est un tronçon récent et en bonne condition. Si la route depuis la rivière Moisie date de 1976, celle-ci a été ouverte en 1996. Auparavant, ces villages n’étaient pas reliés au réseau routier, comme le restent encore ceux à l’est de Kegaska.

Ce matin, le ciel est bien gris, c’est froid – 12° – et un fort vent souffle de l’est. Je l’ai donc contre moi pour la journée, une expérience pénible : c’est comme monter sans arrêt, sans jamais pouvoir redescendre.

En quittant la ville, les premiers kilomètres sont très agréables quand même : je suis sur une jolie piste cyclable qui longe la 138. Ça ne dure pas…

Pour des kilomètres, la route traverse des tourbières sans relief, sans vues de la mer. C’est très beau, carrément fascinant, mais j’avance péniblement, lentement, bousculé par la violence du nordet. Je roule presque continuellement sur le petit plateau. C’est exigeant physiquement, mais aussi mentalement. Va-t-il pleuvoir ? Jusqu’où vais-je pouvoir me rendre dans ces conditions ? Où vais-je pouvoir arrêter ?

Les réponses sont devant, alors je force et j’avance quand même. En approchant de Baie-Johan-Beetz, le relief apparaît tranquillement. Ça casse la monotonie et, un peu, le vent.

Le village, tout petit, est joli malgré la grisaille. Je dîne près du magasin général. Réjean et Claire, d’Aguanish, viennent se joindre à moi. Ils m’indiquent qu’il y a un camping à leur village. Pour aujourd’hui, c’est une destination plus raisonnable que Natashquan.

Au sortir du village, la route traverse une forêt brûlée. C’est récent, à peine deux ans, les chicots sont toujours debout, et le sous-bois est envahi de plantes pionnières, en particulier du kalmia qui étale ses innombrables corolles roses sur les collines. Un immense territoire a été touché : sur plus de 20 km, presque tout a été rasé, à perte de vue. C’est aussi un paysage magnifique qui aide à tenir le coup malgré le vent qui se déchaîne toujours.

Le relief est désormais plutôt vallonné. Plusieurs automobilistes – et pourtant, ils sont vraiment rares – manifestent leurs encouragements. À l’occasion, j’en reconnais. À partir de 15 h, le soleil commence à percer les nuages et un dégagement complet se dessine à l’horizon. Beau temps devant !

Les derniers kilomètres avant Aguanish longent la plage de sable fin bordée de petits chalets. Je traverse le village et rejoins le Camping des Cayes. Le bureau d’accueil est un café-bar apprécié des locaux et des touristes. C’est André qui s’occupe de tout avec bonhomie.

Le camping est peu occupé. Si la plupart des sites sont boisés, j’en choisis un en bord de mer. Il est très venteux, mais magnifique sous le ciel parfaitement bleu. Monter la tente et organiser le matériel implique quelques précautions afin que rien ne s’envole, mais tout se passe bien. Pour le souper, je dois utiliser mon vestibule pour couper le vent afin que mon réchaud puisse fonctionner.

Je passe enfin à la douche. Au retour, il est presque temps de dormir. La tente bouge constamment sous les fortes rafales, mais elle est solidement ancrée et bien lestée. Le sourd grondement des vagues berce mon sommeil… mérité : aujourd’hui, j’ai parcouru 130 km en 13,5 heures avec une moyenne sous les 15 km/h.


km jour : 129,5
km total : 1368
départ / arrivée : 6 h 30 / 18 h 00
temps déplacement : 8 : 39
vitesse moyenne : 14,9
vitesse maximale : 39,0
camping : 24 $