Du Rhône au Léman

> Gollion (Lausanne) – 125 km
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Jeudi. Même en altitude, la nuit a été chaude, avec une petite averse vite évaporée. Avant de me coucher, j’avais envoyé un courriel collectif avec photos.

Je me lève tôt afin de prendre le déjeuner avec Fabien et Sylvie, histoire de profiter de chaque instant. Nos conversations sont toujours très intéressantes. Après leur départ pour le travail – ce n’est qu’un au revoir –, je me prépare tranquillement et je pars vers 10 h, ayant pris le temps de réveiller et de saluer Rachel.

C’est chaud, humide et brumeux, mais pas de pluie à l’horizon. Je redescends bien rapidement ce que j’avais gravi si lentement lors de mon arrivée. La vallée est toujours splendide.

Lors d’une petite pause épicerie, je croise Virginia et Asier, deux cyclistes espagnols. Hier, ils ont passé et adoré le col du Grand Saint-Bernard et retourneront en Italie vers les Dolomites par Neufenenpass. Les amateurs de cols sont peu nombreux mais enthousiastes.

Je longe le Rhône pendant un bon bout de temps. Lorsque le fleuve vire à 90° vers le lac Léman, la route est si étroite que les voitures ne peuvent se croiser. Tout de suite après, deux alpinistes sont à l’œuvre sur une paroi. Elle grimpe, il assure, c’est bien beau.

Je tente de rester sur la rive est du Rhône, mais c’est ici un cul-de-sac. Je reviens sur la rive ouest et sur la route jusqu’à Saint-Maurice. Je perds la piste avant de la retrouver alors que la vallée redevient très étroite avant de s’élargir pour de bon. Le ciel laisse tomber quelques gouttes sans conséquences. Je passe tout à côté du siège social de l’Union Cycliste Internationale avant de rejoindre le lac Léman.

Là, dans un parc au milieu de nulle part, mon pneu arrière – encore lui – se dégonfle. Ne réussissant pas à repérer la fuite, j’installe une nouvelle chambre à air, alors que deux renards passent tout près en se couraillant.

Alors que j’achève ma réparation, deux cyclistes – un portugais et un iranien –me proposent leur aide. Ils deviennent mes guides jusqu’à Montreux, tout en appréciant visiblement les jolies femmes croisées en route.

La ville, en particulier son château médiéval, est magnifique, un genre de Côte-d’Azur suisse, mais les boutiques de vélo sont déjà fermées. Malgré tout, merci, Georges et Hojat, pour votre aide empressée et pour votre gentillesse. Ici, la piste cyclable, partagée avec de nombreux piétons, reste sur la berge. Il fait chaud, beaucoup se baignent dans le lac, en plein centre-ville.

Le ciel s’ennuage sérieusement : il est temps de rouler. Par la route – pas le choix, et c’est rapide –, j’arrive à Lausanne, siège du Comité Internationale Olympique, vers 20 h 15, puis je rejoins l’intersection de la véloroute 5… que je perds aussitôt. Je m’informe, et c’est Amadou, cycliste originaire du Sénégal, qui m’accompagne dans la bonne direction.

J’ai beau rouler rapidement, la nuit tombe inexorablement. J’allume l’éclairage sur ces petites routes de campagne. À 22 h, je n’ai pas rejoint le camping, qui est encore à 7 ou 8 km, mais un verger m’offre son abri. Je m’y installe discrètement, monte la tente, mange rapidement et me couche. À 23 h 30, les averses commencent. Pas de problème : la tente est bien tendue et bien placée pour rester sèche à l’intérieur.


km jour : 127,5
km total : 1325
départ / arrivée : 9 h 40 / 17 h 50
temps déplacement : 7 : 47
vitesse moyenne : 16,3
vitesse maximale : 49,1

Raclette et abricots en Valais

> Erde (Conthey)
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Mercredi. Après ces journées exigeantes, dormir dans un lit et faire la grasse matinée sont des plaisirs intenses.

Aujourd’hui, je ne pédale pas. Fabien est absent pour l’avant-midi, Sylvie rentrera en après-midi et Rachel se lève tard. J’ai donc du temps pour trier et préparer photos et textes. Mais je préfère être avec mes amis quand ils sont disponibles.

Je déjeune avec Rachel et dîne avec elle et Fabien. En après-midi, je retrouve Sylvie, de retour d’une garde de 24 h au travail, auprès de personnes atteintes de maladie mentale. C’est un travail en droite ligne avec ses valeurs et ses engagements.

Je donne un coup de main à Fabien pour recouvrir partiellement ses panneaux solaires, puis je l’accompagne pour quelques courses dans la vallée surchauffée : il fait au moins 35° sous un soleil implacable. Ouf !

Au retour, Roger et Béatrice se joignent à nous pour une bonne raclette suivie d’une tarte aux abricots. C’est vraiment le Valais suisse, et c’est délicieux. La soirée ne se prolonge pas : mes hôtes ont une journée chargée demain, et je reprends la route alors que la pluie risque d’être au rendez-vous. Je profiterai auparavant d’une autre nuit confortable.

Descendre et monter

> Erde (Conthey) – 80 km
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Mardi. La nuit a été sèche et calme, bercée par le grondement du Rhône tout près. Il fait à nouveau un temps splendide, mais rapidement c’est très chaud. Après avoir salué mes collègues de camping, je prends la route peu après 9 h 30.

J’anticipe une journée plus facile que celle d’hier. Évidemment. Mais elle n’est pas si facile. Bien sûr, les paysages restent splendides et je profite de bonnes descentes en début de journée. Mais il y a beaucoup de terrain plat, un vent de face et, surtout, environ 35° sous un ciel bien bleu et un soleil cuisant. Je fais régulièrement le plein d’eau, et mes gourdes se vident rapidement.

Je prends une pause repas à Raron, très joli village ancien dominé par une église sur un cap de roche. Une autre église, souterraine, semble en construction sous le cap de roche. Spectaculaire.

Je croise peu de cyclotouristes. À noter : un couple de néerlandais, et deux jeunes américains combinant vélo et escalade.

À partir de Sierre, l’allemand cède la place au français. Pratique pour moi. Jusqu’à Sion, je délaisse l’itinéraire prévu pour les cyclistes afin de rester dans la vallée. C’est assez dur à cause de la chaleur, mais j’aurai l’occasion de bien grimper plus tard.

En traversant Sion, je reçois un appel de Fabien. Lui viendra plus tard ce soir, et Sylvie ne rentrera que demain matin, mais il est possible que Rachel soit sur place à mon arrivée. Nous avons vraiment hâte de nous revoir.

Plus loin, j’achète une nouvelle dose d’abricots – le Valais en produit d’excellents. La dame qui me sert est une québécoise immigrée ici il y a 40 ans. Belle rencontre.

Quelques mètres plus loin, je quitte la route principale pour me diriger vers les montagnes. Je grimpe abruptement au milieu des vignes surchauffées, une ascension de 325 m sur 6 km. J’arrête très régulièrement pour boire et respirer. Long, dur… surtout avec la chaleur suffocante, mais aussi après la journée d’hier.

Deux minutes avant la maison, Béatrice passe en voiture et s’arrête. Nous nous verrons plus longuement demain, mais j’apprécie l’accueil. À la maison, Rachel est là. Nous ne nous étions pas vus depuis six ans, c’est maintenant une jeune femme de 20 ans. Nous profitons des quelques minutes avant son départ pour la soirée pour nous mettre à jour : elle étudie en carrosserie, un métier d’avenir en Suisse.

Avant la douche, je dois solutionner un petit problème : les prises électriques suisses n’acceptent pas mon fil. Solution temporaire : démonter une plaque murale. Ça marche. En attendant l’arrivée de Fabien, j’écris un peu, distrait par le soleil qui se couche sur les montagnes au-dessus de l’autre versant de la vallée. Nous passons une belle soirée ensemble, à échanger comme les amis de longue date que nous sommes. Que c’est bon de se retrouver !


km jour : 82,4
km total : 1198
départ / arrivée : 9 h 40 / 17 h 50
temps déplacement : 5 : 29
vitesse moyenne : 15,0
vitesse maximale : 39,7

La splendeur des hauteurs

> Grengiols – 80 km
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Lundi. Ce matin, ma tente est trempée de rosée. Je me prépare tranquillement, lui laissant le temps de sécher et saluant mes voisins. Ce sera une grosse journée, sous un soleil sans partage et cuisant, mais surtout avec l’ascension de Grimselpass, col majeur. Un panneau donne l’heure juste : ascension de 1650 m sur 30 km.

Au début, je roule dans la plaine, mais ça ne dure pas. Les premières montées sont faciles, mais mon vélo continue à louvoyer, ce qui est assez inquiétant avec les descentes à venir. J’ai une idée que je vérifie et qui s’avère juste : mon pneu arrière est mal positionné sur la jante. Je croise rapidement un atelier qui me laisse utiliser leur compresseur, alors je dégonfle mon pneu, le replace le mieux possible et le regonfle. Ça semble mieux, le vrai test se fera en descendant Grimselpass.

En attendant, il faut le monter. C’est une entreprise de longue haleine, entrecoupée de très nombreuses pauses repos et photos. Chaque tour de roue révèle de nouvelles merveilles.

Au début, je traverse une campagne pentue, puis les arbres diminuent, remplacés par des prairies constellées de fleurs multicolores, puis des roches avec des plaques de neige et, près du col, plusieurs barrages qui fournissent une partie de l’électricité du pays. Côté route, c’est parfois acrobatique, avec des lacets accrochés à des parois abruptes, des tunnels, des virages et de bonnes pentes. Chapeau aux constructeurs !

J’avance à pas de tortue. Les installations de transport d’électricité envahissent le paysage. Et il faut être très vigilant : la circulation est dense, constituée pour moitié de grosses motos rugissantes. Et c’est le défilé des voitures de grand luxe. Quand les voitures s’absentent, je goûte les chants des cascades et des oiseaux.

Il est plus de 16 h quand j’atteins enfin le sommet, à 2164 m. C’est splendide partout. J’ai monté très lentement, en 7 heures pour 35 km et une moyenne au compteur de 8,5 km/h. Je prends une bonne pause, un autre repas et encore des photos

Ensuite, je me lance dans cette descente plus que spectaculaire où la route s’accroche à même une paroi presque verticale. Quelles vues ! En particulier, on voit la montée vers Furkapass et Andermatt, ainsi que ce qui reste du Rhonegletscher, le glacier à la source du Rhône mis à mal par les changements climatiques.

Joie ! Mon vélo roule droit, enfin, ma réparation de ce matin a fait effet. Je peux profiter, avec prudence, de cette descente fabuleuse jusqu’à Gletch, puis vers la vallée en suivant le Rhône, ici torrent impétueux. Il fait beau, le vent est bon, je poursuis de village en village, avec parfois des descentes abruptes, et au passage une pause sur un pont suspendu, jusqu’à Grengiols où je retrouve un camping modeste et calme. J’y rencontre deux randonneurs descendus des montagnes et des glaciers, ainsi qu’une famille dont le père est québécois. Je plante ma tente à quelques mètres du Rhône, dont les rapides couvrent le bruit de la route, pour profiter d’une bonne nuit.


km jour : 80,0
km total : 1115
départ / arrivée : 9 h 00 / 20 h 30
temps déplacement : 6 : 35
vitesse moyenne : 12,1
vitesse maximale : 55,8
camping : 6 chf

Au cœur des montagnes

> Meringen – 100 km
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Dimanche. Nuit très calme, bon choix de site pour le camping sauvage, journée parfaite et bientôt chaude. Je suis en route dès 8 h en terrain plat jusqu’à Sursee, puis avec des vallons le long du lac Sempacher – magnifique – jusqu’à Luzern. C’est une très jolie ville, mais en plus de l’admirer je dois trouver de quoi manger : comme c’est dimanche, les épiceries sont fermées. Sauf celle de la gare, ou je réussis à faire mes courses malgré la complexité de la chose.

Le long du lac Vierwald-stätter See, c’est encore bien plus beau, avec les montagnes qui enserrent le paysage. La route proposée est tranquille et facile, sur les berges. Ensuite, je passe Hergiswil, une zone d’embouteillages monstres pour les voitures, alors que piste cyclable, route, autoroute et train se partagent le pied d’une falaise.

Il fait maintenant près de 30° sous le soleil alors que je passe le cap des 1000 km depuis le départ. D’autres lacs et d’autres féeries me mènent à Sarnen, puis Giswil. Là, ça se corse. Une monté abrupte sur une piste étroite, pendant laquelle je dois prendre des pauses à tous les 50 m pour reprendre ma respiration, me mène sur les berges du splendide Lungerersee, un lac émeraude entre les montagnes.

Après le village de Lungern, nouvelle montée abrupte, cette fois-ci avec un dure section en gravier. Je retrouve avec soulagement la route, plus facile malgré le trafic dense. Je suis à Brunigpass, 1008 m. Une descente échevelée me mène à Meringen, au pied de Grimselpass, cerclée de montagnes spectaculaires. Au camping, j’ai pour voisins un randonneur anglais et un cycliste suisse. La lune presque pleine rend le paysage encore plus magique. Je profite de chaque instant.


km jour : 100,9
km total : 1035
départ / arrivée : 8 h 00 / 19 h 00
temps déplacement : 7 : 02
vitesse moyenne : 14,3
vitesse maximale : 54,4
camping : 22,50 chf

Un train, pas de camping

> Bâle > Mooseerau – train + 80 km
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Samedi. Après une nuit froide, la journée est magnifique. Je m’étais couché tard, je me lève tard. Hier, j’ai fait quelques calculs et vérifications : pour arriver à temps sans courir, il est préférable de prendre le train jusqu’à Basel (Bâle). Tant qu’à ne pas pédaler une section, je préfère que ce soit du terrain plat.

Il y a un départ à chaque heure. Je prends celui de 10 h 51 et je débarque 90 minutes plus tard.

J’ai décidé de suivre la route 3, un trajet vélo qui va du nord au sud et me mène vers le col que j’ai choisi. Dans les villes, il me faut être très vigilant pour toujours suivre le bon itinéraire. Je dois parfois revenir sur mes pas pour m’assurer de la direction à suivre.

Bientôt, je me retrouve à la campagne, dans des paysages vallonnés, splendides. Je commence enfin à jouer dans les côtes.

En fin d’après-midi, après une nouvelle crevaison à la suite de celle d’hier – je réussis enfin à retirer du pneu un petit bout de métal qui s’y cachait –, je franchis un premier col. Ça monte doucement, puis abruptement, en lacets, mais ça grimpe bien. J’apprécie mes 30 vitesses : elles sont essentielles ici. Au sommet, je découvre un immense paysage marqué par de blanches montagnes à l’horizon sud. Que c’est beau et attirant !

La descente vers Aarau est impressionnante, avec une pointe de vitesse à plus de 60 km/h sur une route étroite. Je comptais y camper, mais il n’y a pas de camping. Je continue donc vers le sud jusqu’à 21 h 30 et je plante ma tente entre la piste et le ruisseau. Premier camping sauvage, à peine troublé par le clapotis de l’eau, le meuglement des vaches et les clochers qui marquent les heures.


km jour : 80,1
km total : 934
départ / arrivée : 9 h 00 / 21 h 15
temps déplacement : 5 : 51
vitesse moyenne : 13,7
vitesse maximale : 61,2

Grosse journée vers Strasbourg

> Strasbourg – 135 km
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Vendredi. La nuit a été fraîche et sèche, confortable. Ce matin, il fait grand beau temps. Je me prépare rapidement car je souhaite aller loin. Je suis en route dès 9 h.

À nouveau, les cartes de mes amis sont très précieuses. Le paysage ressemble à celui d’hier, je ne croise pratiquement aucun autre cycliste avant Karlsruhe. Ça se comprend : à Fußhein, une bonne section est en travaux, une petite partie est inondée puis que le Rhin reste très haut. Et je cherche souvent la piste, dont le gravier est souvent irrégulier.

Après Leopoldhafen, je la perds pour de bon et je navigue à l’estime. En arrivant à Karlsruhe, je m’informe à un jeune francophone afin de savoir où je suis. Par chance je suis pratiquement à l’endroit souhaité. Même si je suis dans une grande ville industrielle, ça ne se voit pas du tout de là où je passe. Ensuite, je suis la piste sans problème. Je traverse de beaux endroits, mais c’est plutôt monotone.

À Plittersdorf, je prends le traversier vers Seltz. C’est un bac qui utilise la force du courant pour avancer le long d’un câble tendu d’une rive à l’autre du Rhin. Il n’a aucun moteur : il fonctionne à force de bras et complète avec des panneaux solaires.

Je repars le long du Rhin que je quitte rapidement. Après une très jolie mais brève piste cyclable, je roule de village en village sur des routes à l’intérieur des terres. J’avance bien et les kilomètres s’accumulent. Soudain, la conduite de mon vélo se détériore, comme si je glissais sur la glace. Ce ne sont ni les roues ni les porte-bagages, mais une crevaison, à nouveau à l’arrière. Comme la chambre à air est usée autour de la fuite réparée à Paris, je la change. J’utilise un abri tout près. Bientôt, les lieux s’animent : c’est le rendez-vous des amateurs de pétanque. Après une pause de 45 minutes, je reprends la route.

Un peu plus loin, un garage est encore ouvert et je peux regonfler mon pneu à une pression normale. Tout à côté, une épicerie pour faire le plein de bouffe.

J’arrive à Strasbourg vers 20 h 30, toujours en pleine forme malgré plus de 135 km, mais il me faut encore repérer le camping. Grâce à diverses cartes affichées et à quelques passants, j’y arrive vers 21 h 15. À l’accueil, on me dit qu’il est complet, que j’aurais du réserver, mais il est impossible pour moi d’aller plus loin. La préposée accepte que je reste, et il y a plus de place que nécessaire. Le site est très luxueux, réaménagé tout récemment par une chaîne qui rachète et transforme des campings municipaux en doublant les prix. Je stationne mon vélo à 21 h 30. Je me prépare très rapidement, puisqu’il est tard ; à 22 h, tout est en place et je mange. Ce soir, j’ai une connexion Internet. Comme il est tard, nous ne sommes plus que deux encore installés aux tables. Mireille, une québécoise, fait un grand tour de France seule à vélo depuis le début de mai. Nous passons de bons moments à discuter vélo et trajets. Je me couche tard, car j’en profite pour envoyer un courriel collectif. Il fait froid et très humide : je goûte mon sac de couchage chaud et douillet.


km jour : 137,1
km total : 850
départ / arrivée : 9 h 00 / 21 h 15
temps déplacement : 8 : 05
vitesse moyenne : 16,9
vitesse maximale : 29,4
camping : 26 €

Mannheim et la campagne

> Philippsburg – 80 km
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Jeudi. La nuit a été calme et sèche, malgré trois gouttes à l’aurore. C’est un matin lumineux. Je déjeune sur une table au bord de l’eau avec Michèle et Patrick, mes voisins français qui soulignent ici leur fête nationale. Nous conversons assez longuement avec grand plaisir. Ils me remettent des cartes plus précises, recueillies aux kiosques d’information sur la route, un cadeau précieux. Ainsi, je pars tard, mais le vent m’est toujours favorable et je sais bien mieux où je vais.

Grâce aux ajustements d’hier, mon vélo va mieux, mais ce n’est pas encore parfait. Il faudra retoucher l’alignement. Le nouveau miroir dépanne, mais est bien moins pratique que l’ancien. En plus, il est assez accrochant et se détache deux fois, heureusement sans se briser.

Jusqu’à Mannheim, je roule sur des chemins champêtres ou sur la digue. C’est joli, calme, campagnard. Étonnamment, le Rhin est bien au-dessus de son niveau normal pour la saison : des arbres ont les pieds à l’eau et des boisés sont inondés.

Peu avant Mannheim, le trajet me mène devant un cours d’eau. Il n’y a pas de pont, mais un bac se halant d’une rive à l’autre sur une chaîne… depuis 115 ans ! C’est l’occasion d’une pause imprévue : il vient de quitter la rive où je suis et se déplace très lentement. À son âge…

À Mannheim, l’industrie pétrochimique est omniprésente. Des complexes industriels s’étendent sur des kilomètres, spectaculaires mais vaguement inquiétants. Je me rends sans encombre au centre-ville, mais le balisage est plus précaire. Après moult hésitations et de nombreuses pauses cartographie, je finis par retrouver mon chemin.

Ensuite, je roule en campagne ou en forêt, mais le ciel s’est couvert et de petites averses passent à l’occasion, sans trop déranger et suivies d’éclaircies généreuses.

Lors d’une averse, je me réfugie dans un abribus. Deux cyclotouristes m’y rejoignent. Partis de Bâle, en Suisse, Manuel et Ida se dirigent vers l’embouchure du Rhin. Ils sont très gentils et chaleureux, nous discutons agréablement. Après la pluie, nous reprenons nos chemins.

En entrant à Philippsburg, il y a une épicerie. Guisieppe, parti à vélo de l’Italie, s’y est mis à l’abri, puisque qu’il pleut à nouveau. C’est encore une belle rencontre, que nous aurions volontiers prolongée. Au sortir de l’épicerie, je croise un camping, une rareté par ici. Je n’en avais pas vu encore depuis ce matin, et le ciel reste menaçant. Je termine donc mon trajet tôt, vers 18 h après une petite journée.

Je monte rapidement ma tente alors que le ciel se dégage pour de bon. Le camping est très bien organisé, avec une jolie plage et une vue imprenable sur une centrale nucléaire. J’ai une voisine, Gudrun, un peu timide au début mais finalement très agréable. Elle a profité de quelques jours de congé pour pédaler dans les environs, mais elle rentrera demain chez elle, à Stuttgart.

Comme je termine tôt mes routines et que je peux brancher l’ordinateur, j’ai enfin du temps pour écrire. Je réussis à compléter cinq jours de journal avant de prendre mes quartiers de nuit.


km jour : 78,4
km total : 713
départ / arrivée : 10 h 00 / 18 h 00
temps déplacement : 4 : 41
vitesse moyenne : 16,7
vitesse maximale : 29,5
camping : 12 €

C’est où, la digue ?

> Wattenheim – 85 km
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Mercredi. Je m’étais couché tard, je me lève tôt pour passer un peu de temps avec les petites avant leur départ pour l’école ou la garderie, puis avec Julia avant qu’elle aille au travail. Ce sont d’excellents moments, que nous espérons renouveler dans un contexte plus facile. En partant, Julia me dépose à l’épicerie. Nous nous y saluons : c’était vraiment précieux de se revoir.

Je reviens à pieds à la maison, puisque j’avais une clef, puis je me prépare tranquillement et j’écris à mes amis Jean-Pierre et Jean-Luc, dont c’est l’anniversaire. Avant de partir, je repère sur le Web une boutique vélo. Je m’y rends assez facilement pour remplacer le boulon du porte-bagages et le miroir. Malheureusement, ils n’ont pas le temps de vérifier mes roues. Elles ont besoin d’un alignement, les pavés font leur effet… J’installe facilement le nouveau boulon, mais je ne réussis pas à trouver comment orienter le rétroviseur. La réponse est simple : il n’est pas adapté à mon guidon. Le technicien m’installe le bon modèle, qui coûte 5 € de moins. Il est près de 13 h quand je prends la piste pour de bon.

Je rejoint le Rhin pour le remonter par la rive est. Ma carte n’est pas très précise et les indications sont parfois obscures – surtout avec mon niveau d’allemand. Je réussis chaque fois à retrouver un chemin, mais je fais quelques détours. Contrairement à hier, le paysage est très plat, souvent boisé. C’est pas mal moins spectaculaire…

J’avais pensé me rendre à Worms, puisque ma carte y indique un camping, mais j’en croise un à la sortie de Wattenheim. J’y arrive vers 19 h. L’aménagement est de qualité, étonnant avec son côté de jardin japonais. La tente voisine accueille des cyclotouristes français très agréables. Michèle et Patrick habitent près de Grenoble. Partis de Mulhouse – ils ont constaté que le TGV est assez pénible avec des vélos –, il se dirigent vers Amsterdam et reviendront par un chemin plus à l’est, une boucle d’environ 2000 km. Afin de suivre Patrick, Michèle utilise un vélo à assistance électrique, un système courant ici.

Ce soir, en plus des routines habituelles, j’essaie de refaire l’alignement des roues du vélo, un travail délicat. J’espère que ça ira : réponse demain. Pour le reste, vélo et cycliste vont très bien. Heureusement : je me dirige vers les Alpes, un bon défi. Autre défi : je ne trouve pas le temps pour le journal, qui prend du retard. Ce sont des vacances intenses.


km jour : 85,7
km total : 635
départ / arrivée : 11 h 00 / 19 h 00
temps déplacement : 5 : 15
vitesse moyenne : 16,3
vitesse maximale : 51,8
camping : 15 €

La vallée des châteaux

> Wiesbaden – 120 km
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Mardi. Je me lève tôt pour écrire une page du journal. Les occupants de la tente voisine achèvent une aventure étonnante : ils ont descendu à pieds le cours de la Moselle. « Ils », ce sont une maman avec sa fille de 5 ans et son fils de 3 ans. Ils respirent le bonheur.

En revanche, mon miroir de casque est brisé. Il me faudra le remplacer, et ça risque de devoir être un miroir de guidon, bien moins efficace et pratique.

Je pars sous un soleil qui se voile tranquillement, mais toujours avec un vent favorable. Le trajet est spectaculaire, un paysage de conte de fée – ou de BD. Ici, le Rhin est encaissé et sinueux, mais surtout constellé de châteaux de diverses époques parfois en ruines, parfois soigneusement restaurés, mais toujours impressionnants.

Parmi eux, le très célèbre Loreley. Je prends une grande quantité de photos, et pourtant je me limite. C’est trop beau.

La qualité du sol est, disons, variable. À la fin d’une raboteuse section de pavés qui secoue violemment cycliste et vélo, ce dernier devient très instable. Petite vérification : les roues sont intactes, c’est plutôt un boulon du porte-bagages arrière qui est manquant. Problème. Je réfléchis un peu. Sur la fourche, j’ai deux boulons inutilisés et compatibles. La réparation est donc rapide et efficace, mais je devrai me trouver un nouveau boulon bien adapté à cette tâche essentielle.

Les cyclistes sont nombreux, beaucoup transportent leurs bagages. Habituellement, nous nous saluons discrètement, mais je roule un moment avec deux jeunes francophones, un de France et l’autre de Belgique. Nous prenons une bonne pause ensemble.

Le cours du fleuve s’assagit après Bingen. Comme il n’y a aucun pont entre Bonn et Wiesbaden – l’armée allemande a détruit le seul existant pour essayer sans succès de ralentir les Alliés –, je prends l’un des nombreux traversiers, celui-ci entre Ingelheim et Winkel.

À partir de l’entrée de Wiesbaden, je me fie à un trajet Google Maps imprimé pour me rendre chez Julia, qui habite un village en périphérie. Les indications et les changements de direction sont nombreux et parfois imprécis, je finis par me retrouver dans un autre village. Je m’informe une première fois auprès d’un homme qui ne parle que l’allemand et ne retrouve pas ses lunettes. Une deuxième approche est plus fructueuse. Roland parle un excellent anglais – il travaille dans cette langue – et me fournit des indication précises que je photographie sur sa tablette.

Après une grosse montée qui me fait apprécier ma nouvelle transmission, le trajet est facile et très joli. J’arrive finalement chez Julia vers 20 h.

Ses filles Marlena et Marit sont couchées et dorment… presque. Quand je frappe, elles descendent en courant pour m’accueillir. Mais c’est l’heure du dodo. Quelques notes de guitare les préparent au sommeil.

Julia et moi passons ensemble une trop brève soirée, nous retrouvant comme si nous nous étions vus hier. Ces derniers temps, la vie bouscule la famille : à la suite d’un cancer diagnostiqué tout récemment, Rolf a été opéré et subit cette semaine une chimiothérapie. Heureusement, le pronostic est bon, mais c’est vraiment pénible. En revanche, nos retrouvailles sont une joie mutuelle, et, je l’espère, un baume. Nous avons évidemment de nombreux sujets de conversation, mais il faut se coucher, déjà. Que le temps passe vite !


km jour : 120,9
km total : 549
départ / arrivée : 9 h 00 / 20 h 10
temps déplacement : 4 : 41
vitesse moyenne : 15,9
vitesse maximale : 42,0