J’aime les petites routes

> Cape Lookout State Park (Netarts) – 105 km
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Vendredi. Un autre très beau matin. Chacun se prépare à son rythme. On m’avait parlé d’une possibilité de connexion Internet : c’est vrai, mais la dame m’indique que ce n’est que pour 15 minutes. Je m’installe pour écrire sans me connecter, mais j’avais mal compris : c’était 15 minutes au total. Un peu impatiente, elle me laisse terminer un envoi express mais un peu en désordre… Il est 10 h 15 quand je prends la route.

Il y a beaucoup de circulation, mais je prends rapidement une petite route. La montée et la descente par Otter Rock sont un enchantement : pas de trafic, et de très belles vues. Je redescends en même temps qu’un homme à pieds, et à peu près à la même vitesse puisque j’arrête beaucoup. Je crois un couple de cyclistes allemands, Friedrich et Silke. Aujourd’hui, il y a très peu de cyclistes.

De Depoe Bay à Otis, la 101 est à son pire. C’est pratiquement impossible de traverser tellement il y a de véhicules. La traversée de Lincoln City est un sommet en la matière… Je suis très heureux de bifurquer vers la Old Scenic 101.

C’est l’autre extrême. En 15 kilomètres, je croise trois voitures et une moto. La route monte tranquillement le long d’un ruisseau – je l’entends chanter avec les oiseaux – au milieu d’une belle forêt. Ensuite, quelques bons lacets et la descente : c’est parfait, je chante même à voix haute.

La 101 est maintenant beaucoup plus calme, mais je la quitte à nouveau pour aller vers Pacific City, petite ville touristique au bord des dunes. Je fais l’épicerie, puis la route qui monte doucement le long d’un estuaire est à nouveau déserte.

Après un virage à gauche, les choses sérieuses commencent. Cape Lookout est le point le plus élevé de la route en Oregon, alors ça monte sérieusement. J’ai déjà près de 100 kilomètres dans les jambes aujourd’hui, mais ça va. Un petit point de vue, une grande descente assez spectaculaire et je suis au camping.

Le site est absolument splendide, en bord de mer sous les grands arbres qui ne cachent pas le soleil couchant. Il y a du monde, mais je ne rencontre personne aujourd’hui. Je procède rapidement aux routines, car il est déjà tard. Il n’y a pas d’étoiles, et je m’endors bercé par le bruit incessant des vagues sur la plage.

km jour : 104,1
km total : 1254
départ / arrivée : 10 h 15 / 19 h 40
temps de trajet : 7 : 02
vitesse moyenne : 14,8
vitesse maximale : 47,9
camping : 6 $

Quelques belles vues

> Beverly Beach State Park (Newport) – 100 km
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Jeudi. Un matin de lumière, ciel bleu magnifique. Belle journée en perspective. Nous nous retrouvons entre québécois – je donne un coup de main mécanique à Marie – avant leur départ. Je rencontre des voisins américains, Annabelle et Chili, puis chacun prend la route.

Une bonne descente puis la traversée de Florence – une longue suite de commerces sur terrain plat – et un bout derrière les dunes avec vent de face, ça donne une couleur. Mais ensuite, ça commence à monter, dévoilant les magnifiques dunes.

La route étroite et tortueuse est très belle malgré un bon trafic et l’absence d’accotement. Les ouvertures vers la mer sont spectaculaires, il y a même un petit tunnel.

Je croise un trio de cyclistes : Marco, un américain, ainsi que Michel et Audrey, de Sherbrooke. Ceux-ci me prêtent leur carte de l’état de Washington, que je leur enverrai par la poste au retour. Un bon arrangement.

Après cette section, la route devient plus facile mais reste très belle jusqu’à Yachats. Ensuite ? Plus rien. De longues lignes droites derrière les dunes, des plages à perte de vue – mais que je ne vois que rarement – et, parfois, un petit cap pour montrer le potentiel de beauté. Quand même, la mer et ses grosses vagues sont assez spectaculaires. À chaque ville, un long pont, souvent étroit, des commerces, et ça recommence.

Jolie exception : Newport, centre régional. Le pont de deux kilomètres est particulièrement pénible – un conducteur me crie : « Walk your bike ! » sans avoir la moindre idée de ce dont il parle. C’est une malheureuse exception, presque tous sont vraiment courtois. Il y a aussi un beau parc après le pont, et une mer spectaculaire.

Peu après, j’arrive enfin au camping. Il y a plusieurs cyclistes, dont deux québécoises – Marie-Josée, qui vit à Singapour, et Andrée, directrice d’école de La Prairie – et des anglophones d’un peu partout, dont un australien. Je me prépare rapidement, puisqu’il est tard, alors que certains se passent une pipe au contenu indéterminé.

Ensuite, douche et dodo.

km jour : 101,2
km total : 1150
départ / arrivée : 10 h 00 / 20 h 00
temps de trajet : 7 : 00
vitesse moyenne : 14,4
vitesse maximale : 45,5
camping : 6 $

Des arbres et des arbres

> Honeyman State Park (Florence) – 115 km
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Mercredi. Au lever, la tente est légèrement humide, mais sèche rapidement. Après avoir complété le journal, je rejoins Susan et Matt. Nous déjeunons ensemble – les céréales avec le lait, c’est quand même bon – et échangeons pendant une bonne heure. Très belle rencontre : nous espérons nous revoir, et je suis invité chez eux. Ça me tente, mais c’est un détour considérable.

De retour au campement, je ramasse rapidement mon matériel car j’ai l’intention de faire une bonne journée. Je croise une dame de 77 ans qui marche tranquillement le sentier côtier. Wow !

Ce sera gris et frais toute la journée, malgré de petites tentatives d’éclaircies. J’apprécie grandement le confort de mon nouveau coupe-vent : il est très bien adapté aux conditions et je le mets régulièrement. Quand il ne sert pas, il disparaît facilement car il est léger et minuscule. De plus il est très très voyant en jaune fluo, un avantage certain.

Après un petit bout sur la 101, le trajet suggéré – vive la carte ! – prend Seven Devils road. C’est super calme, à part les cyclistes que je croise nombreux, descendant la grosse côte que je monte. Il n’y en aura pas d’autres aujourd’hui.

C’est joli, en pleine forêt, tortueux. En haut de la côte, je traverse une zone de coupe de bois. C’est peut-être utile, mais ce n’est plus joli du tout. Une solide descente me mène à Charleston, joli port de pêche. On m’a dit que le camping est très bien, mais il est bien trop tôt.

Je suis ensuite à North Bend, où je fais les achats du jour, puis je retrouve la 101. Elle se surpasse : je dois traverser un long pont étroit où le trafic est bien dense. Au moins, je peux déclencher un signal signalant ma présence et diminuant la limite de vitesse.

Après une longue digue, la route retourne en forêt. Toujours, les véhicules y sont gros et nombreux, alors je quitte pour l’ancienne route quand je le peux.

À Whinchester Bay et Reedsport, même scénario : un camping que je laisse passer, trafic, pont étroit, cette fois-ci avec des travaux, et une seule voie. En revanche, les voitures se raréfient sérieusement pour le reste du trajet.

Au village suivant, un homme m’interpelle de son camion de travail : il m’offre de m’emmener plus loin, car il y a une grosse côte et encore un bon bout à faire. Je décline en le remerciant : c’est très gentil de sa part.

C’est bien vrai, ça monte longtemps mais ce n’est pas très à pic alors c’est assez facile. En haut, le paysage est à deux vitesses : d’un côté, forêt et lacs ; de l’autre, coupes à blanc. La descente mène à un parc fédéral qui préserve les fragiles dunes côtières et leur environnement. Je les entrevois à peine, mais plusieurs stationnements permettent d’y accéder. Il y a aussi quelques campings fédéraux, j’en ignore l’organisation et les services, alors je poursuis mon chemin.

J’ai maintenant plus de 100 km dans les jambes aujourd’hui… et ça va toujours bien. Maintenant, les végétaux ne sont plus très exotiques : on se croirait dans les Laurentides. Je passe Dunes City et j’arrive enfin au Honeyman Memorial SP, mon objectif d’aujourd’hui. Il est 20 h 15, c’est vraiment le temps d’arrêter.

Il y a beaucoup de monde au camp des randonneurs, dont une tablée de québécois. Je me joins à eux et nous jasons tout en vaquant aux diverses tâches. Marie, de Sherbrooke, est enseignante au primaire et connaît ma collègue Caroline, une bonne amie. Mathieu et Mélanie, de Gaspé, en sont à leur premier long voyage et apprécient leur aventure. Mais la nuit tombe rapidement : Marie va dormir, Mathieu et Mélanie passent à la douche, je complète la vaisselle et l’installation alors qu’il fait de plus en plus noir.

Le camp est bien calme, à part le fort vent dans les branches. Je passe à la douche, puis je m’installe aux toilettes pour écrire : il y a de l’électricité pour l’ordi et un banc pour moi. En revanche, il est près de minuit quand je termine. La nuit fera grand bien.

km jour : 116,6
km total : 1049
départ / arrivée : 10 h 00 / 20 h 15
temps de trajet : 7 : 32
vitesse moyenne : 15,3
vitesse maximale : 54,9
camping : 5 $

Vent de rencontres

> Bullards Beach State Park (Bandon) – 65 km
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Mardi. Comme prévu, nuit calme à part quelques bruits de route. Levé vers 7 h 45, je fais un peu de lavage avant de rédiger le journal d’hier. Le ciel est d’un bleu sans partage et la température très confortable pour le moment. Je salue Anthony et je pars par l’ancienne 101 devenue sentier.

Ce trajet est un ravissement. La route étroite, assez détériorée mais facile à vélo, monte dans les bois avant d’ouvrir sur une série de très beaux points de vue.

De retour à la 101, je longe la mer jusqu’à Port Orford. Je fais l’essentiel de mon épicerie puis le combat commence. Le vent est de face, très fort, et j’avance souvent à moins de 10 km/h. En plus, je suis loin de la mer et je vais de bois en villages décrépits. Excitant…

Je croise quelques cyclistes. Je ne sais pourquoi, nous commençons à parler avec un jeune homme : anglophone, Colin vient de Montréal. Sa copine Prudence vient du Saguenay. Nous jasons un bon bout de temps au bord de la route. Ils complètent un voyage entamé l’été dernier.

Nous reprenons la route. Grâce aux arbres, ça avance un peu mieux. Plus loin, deux jeunes femmes sont arrêtées sur le gazon. Katia et Anne, deux enseignantes québécoises, en sont à leur premier long voyage à vélo. Nous jasons longuement, regardons des cartes, échangeons trucs et commentaires. Je leur donne un petit coup de main avec leur appareil photo, et nous finissons en photos de famille. Une autre belle rencontre.

Vaille que vaille, les kilomètres s’accumulent lentement, malgré le vent. En arrivant à Bandon, une affiche signale une route panoramique. Ça m’intéresse, bien sur. En arrivant aux points de vue sur la mer, je constate que le vent apporte de gros nuages. Pluie en vue ? En tout cas, c’est glacial.

En ville, je complète mon épicerie puis arrête à la boutique de vélo. J’y achète un coupe-vent jaune fluo – sécurité oblige – et une bonne carte vélo de la côte de l’Oregon. Une jeune ado me dit que sa mère parle français, et celle-ci, propriétaire de la boutique avec son mari, arrive sur les entrefaites. Originaire du Manitoba, Linda a vécu quatre ans à Montréal, s’y est impliquée dans le vélo, a même fait le Tour de l’Île. Elle retrouve son passé et le français avec ravissement.

Je suis presque à destination. Il suffit de traverser la large rivière Coquille, et ça y est. Il y a un peu d’attente pour entrer au camping, puisque un couple a des mélanges de réservation. Trois dames avec des chevaux dans une remorque viennent me parler, puis une autre dont le français est excellent. Originaire d’ici, elle a appris la langue à Paris et l’a enseigné aussi.

Le site pour randonneurs est tout neuf, avec des casiers pour la nourriture offrant aussi la recharge USB par panneau solaire. Il y a des tentes un peu partout, mais un seul jeune homme. Nick en est à son deuxième long voyage à vélo – vers le sud, évidemment – et me donne des cartes du nord de Washington. Il transporte avec lui une minuscule basse électrique aux cordes en caoutchouc. Il en joue très bien.

Nous nous séparons car il commence à y avoir un léger crachin. J’écris tant que la lumière est suffisante, puis passe à la douche. J’arrête au site de Matt et Susan, l’enseignante de français, qui m’avaient invité. C’est presque dodo, alors nous prenons rendez-vous pour demain matin. Il est près de 23 h, alors dodo au lointain son des vagues.

km jour : 64,7
km total : 932
départ / arrivée : 10 h 15 / 18 h 40
temps de trajet : 4 : 29
vitesse moyenne : 14,4
vitesse maximale : 49,5
camping : 5 $


64,7 932,0 10 : 15 > 18 : 40
14,4 49,5 4 : 29 5,00 $

À perte de vue

> Humbug Mountain State Park (Port Orford) – 85 km
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Lundi. Malgré quelques bruits industriels, j’ai très bien dormi. En revanche, mes collègues cyclistes sont peu loquaces ici. Levé vers 7 h 30, je me prépare et je prends la route vers 9 h 30 dans le brouillard.

Je passe à côté d’une solide collision entre deux voitures. Il ne devrait pas y avoir de blessés, au moins. Rapidement, il n’y a plus aucune construction et dès 10 h le brouillard s’effiloche et disparaît, dévoilant les paysages magnifiques. En Oregon, toute la côte est considérée comme parc et aménagée en conséquence. Il y a donc de nombreux belvédères et plages publics. Je ne quitte pas la route pour les points de vue : c’est déjà un bon travail d’être continuellement dans les côtes et j’ai déjà de quoi me remplir les yeux.

Après une section dans les hauteurs, je redescends vers Pistol River avant de remonter vers Cape Sebastian. Ici, pas de points de vue, que de la forêt, jusqu’à la longue plage de Gold Beach. Ici, il vente à tempête : j’avance à peine, j’ai des difficultés à garder mon équilibre et je me fais saler par les embruns. Arrivé au village, je dîne, lave mon pantalon puisqu’il devrait bien sécher, fais mon épicerie et cherche une bonne carte, sans succès sur ce point. C’est le seul village de la journée.

Ensuite, je n’ai plus de problème avec le vent : il fait tout simplement très chaud. Les points de vue sont de retour, surtout à partir de la plage d’Ophir. Pour un bout de temps, il n’y a plus d’arbres et je vois que je m’approche tranquillement de Humbug Mountain, ma destination du jour. Je retourne en forêt, et même dans l’étroite vallée d’un petit ruisseau. C’est très joli, et c’est le camping.

C’est très bien, les sites sont très beaux et c’est calme, à part le bruit de la route. Je fais mes routines. Il n’y a qu’un seul cycliste, un peu vagabond, qui se prépare à partir car il dit aimer rouler de nuit… Alors qu’il quitte, un autre arrive. Anthony est assez fatigué après une grosse étape, mais très gentil. Nous jasons un peu avant de disparaître pour la nuit. À 22 h, je suis couché.

km jour : 84,3
km total : 867,0
départ / arrivée : 9 h 30 / 18 h 30
temps de trajet : 5 : 56
vitesse moyenne : 14,2
vitesse maximale : 58,0
camping : 5 $

Les extrêmes

> Harris Beach State Park (Brookings) – 105 km
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Dimanche. Levé vers 7 h 15, j’apprécie mon site sous les pins : il y a du brouillard et tout est humide autour. Comme prévu, je rédige mon journal avant de ranger et de sortir. Mes voisins John et Mary sont presque prêts et partent les premiers, Jenny est prête quelques minutes avant moi. Tous, nous nous saluons avec émotion, heureux de cette belle rencontre.

Sur la route, les séquoias et le brouillard sont maîtres du paysage pour 15 kilomètres magiques. En ce dimanche matin, j’ai l’impression d’être dans une cathédrale. Après une bonne descente, c’est le retour à la 101. Heureusement, l’accotement est bon, mais ça continue à descendre rapidement et ce n’est vraiment pas chaud.

La route traverse puis longe la rivière Klamath avant de remonter longtemps. Un temps, le soleil semble percer, mais alors que je retrouve la forêt de séquoias, c’est le brouillard qui revient en force.

Quand la vraie descente commence, une petite pluie glaciale s’ajoute au portrait. Le brouillard est si dense que l’on ne voit qu’à quelques mètres, mais je roule assez vite car je suis au milieu de la route et à peine visible. C’est à la fois pénible et assez inquiétant. Heureusement, aucune voiture ne me rattrape et je survis jusqu’à un belvédère. Je devrais voir la ville et la baie de Crescent City, mais je ne vois que le brouillard. Je prends quand même un bon repas, j’ai faim.

La pluie cesse. En ville, je fais halte à l’épicerie, un rituel. Ensuite, des panneaux me guident sur des routes de campagne dans la plaine. C’est assez morne mais facile. Une jolie invention : en approchant d’un pont étroit, un détecteur de vélos avertit les automobilistes de ma présence. Alors que je rejoins à nouveau la 101, un jeune joggeur me suit et me dépasse même, à 20 km/h. Il est rapide !

Désormais, ce sera la grand route. Peu après 17 h, je quitte la Californie pour l’Oregon. Si le moderne et écolo centre d’information touristique est déjà fermé, j’y trouve un dépliant indiquant les campings d’état le long de la côte. C’est déjà ça. Il y en a un tout de suite après Brookings : je m’y dirige alors que le soleil sort.

La traversée de la ville est plutôt facile, même si un commerce n’attend pas l’autre. Il fait très beau et c’est très splendide côté mer. Un petit bout de piste cyclable me mène au camping.

Il est complet, mais je l’ai appris : il y a toujours de la place pour les cyclistes et randonneurs – sites « hike and bike ». C’est bien le cas. Je m’installe et je mange rapidement, car des sentiers vont vers la mer et j’ai le goût d’en profiter.

À quelques minutes de marche, un belvédère avec vue sur les plages, les gros blocs dispersés, les îles, les falaises, le soleil couchant. Magnifique ! Les vagues s’infiltrent par une ouverture dans un gros bloc – un genre de Rocher Percé – et s’étalent en éventail en arrière.

Je descends jusqu’à la plage, puis je remonte pour attendre le coucher du soleil. Il n’est pas spectaculaire, mais le site l’est.

De retour au camping, un abri offre bancs, lumière et prise électrique. Je m’y installe pour écrire le journal, devisant avec un cycliste plutôt réservé. À 23 h, douche, puis dodo… mais après une rencontre avec deux jeunes élans en revenant à ma tente !

km jour : 104,7
km total : 783,0
départ / arrivée : 9 h 30 / 18 h 30
temps de trajet : 6 : 39
vitesse moyenne : 15,7
vitesse maximale : 56,3
camping : 5 $

Petits détours

> Elk Prairies Campground – 85 km
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Samedi. Deux premières cette nuit. Tout d’abord, j’ai assassiné la demi-douzaine de moustiques infiltrés dans ma tente ; ensuite, j’ai dormi avec mes bouchons d’oreilles à cause du bruit de la route.

Levé un peu après 8 h, je suis en route vers 10 h. Ici, route veut dire 101 et autoroute. Quelques sorties plus loin, à Arcota, je peux prendre une route parallèle. Pour un petit bout, je suis en ville sur des bandes cyclables, puis en rase campagne. Je longe la « Mad River », célèbre pour ses fabricants de canots. Une petite erreur d’aiguillage me mène à une plage, mais en revenant sur mes pas je peux prendre un ancien pont de chemin de fer converti en piste cyclable.

La « Hammond Coastal Trail » est facile, agréable et jolie. Elle mène à de belles vues sur la plage, un bon endroit pour dîner. Une route longe la « Little River SB » pour revenir… à la 101.

Une sortie plus loin, je quitte pour la route « Scenic », très bien nommée. Très étroite – parfois, les voitures ne peuvent se croiser –, elle serpente le long de la montagne et offre de magnifiques vues sur la côte de « Trinidad SB ». Après la pause épicerie, une route plus normale passe près du Camping de « Patrick’s Point », qui annonce complet. Ce n’est pas grave, il est trop tôt pour arrêter, quoique…

Je retrouve la 101 – toujours aussi accueillante pour les voitures –, et je croise sur une heure une dizaine de cyclistes, en ordre dispersé, les seuls de la journée. Un camping potentiel n’en est pas un et la 101 perd son statut d’autoroute pour devenir une grand route étroite, tortueuse et très fréquentée. Danger !

Un kiosque d’information me confirme qu’il y a un camping pas trop loin. Je prends une autre route parallèle – Old State Hwy – qui s’avère être un véritable délice. Bon, elle est tortueuse, étroite et défoncée, mais il n’y a aucun trafic – une seule voiture –, les charmes d’une petite route sous les arbres et de magnifiques points de vue.

Retour à la 101 à Orick, petit village à moitié abandonné, puis suite sur la 101, un peu plus calme et remontant « Redwoods Creek ». Une intersection pour la route du parc, et j’y suis. Une affiche demande d’être prudents avec les « wilds elks » : qu’est-ce que c’est ? La réponse vient sur des panneaux : ce sont des élans aux bois spectaculaires. Juste avant le camping, quelques-uns broutent allègrement tout près de la route, impassibles sous les lentilles des nombreuses caméras.

À 18 h 30, je suis au site de camping, discutant avec mes charmants voisins John et Mary. Partis de Victoria, ce père qui voyage avec sa fille de 16 ans va à San Francisco. Je m’installe, range tout ce qui ressemble à de la nourriture dans une armoire en métal contre les ours, prépare mon repas. Jenny, de Seattle, vient nous rejoindre. C’est très agréable.

Jenny a un problème de réglage sur ses vitesses. Je répare de mon mieux, ce qu’elle apprécie grandement, et plusieurs profitent de mon manomètre pour gonfler les pneus à la bonne pression.

Il est tard. Je passe à la douche, puis je me couche. Le journal attendra à demain matin, à la lumière.

km jour : 82,6
km total : 678,0
départ / arrivée : 10 h 00 / 18 h 20
temps de trajet : 5 : 34
vitesse moyenne : 14,8
vitesse maximale : 54,1
camping : 5 $

Séquoias et vaches 101

> KOA Campground (Eureka) – 105 km
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Vendredi. Une autre excellente nuit. C’était frais sans être froid, sec, confortable. Décidément, l’ombre des séquoias me fait du bien. Je m’étais couché tard, je me lève vers 9 h. J’anticipe une journée facile…

Après les routines, je m’offre un grand plaisir : une marche en forêt, au milieu des fabuleux séquoias. Ces arbres anciens et solennels ont un côté apaisant qui rend leur fréquentation presque mystique.

Il est donc 11 h 40 quand je prends la route. Pendant plus de 30 km, je roule au milieu des séquoias sous un soleil rayonnant qui perce à peine le dôme des arbres. Je mange avant de quitter la forêt.

Ensuite, le décor change : je me retrouve à nouveau sur l’autoroute. Que c’est pénible ! Heureusement, trois jeunes hommes à vélo ont une carte et me confirment que c’est le bon chemin.

Je les rejoins plus loin, à l’épicerie, et nous faisons plus ample connaissance : Nicolas, d’origine française, Jeff et Ron se sont connus à Hong-Kong et prennent de petites vacances à vélo. Ils voyagent léger : sac de couchage et hamac… C’est bon pour ici, mais mon chemin ira plus loin.

Je prends leur carte en photo, afin de mieux me retrouver sur l’itinéraire assez complexe qui mène à Eureka. Nous nous suivons un temps dans les côtes, puis ils me devancent dans la plaine alors que je lutte pour la première fois contre un vrai vent de face.

C’est plat et agricole, avec une dominante vache : leurs rassemblements font penser aux foules du métro.

Je consulte régulièrement mon appareil photo afin de retrouver ma route, mais je n’y échappe pas : c’est sur l’autoroute 101 que j’entre dans Eureka.

J’avais un mauvais pressentiment, qui se vérifie : le camping annoncé n’existe pas. C’est un site historique à visiter le jour. Il est tard, j’ai près de 100 km dans les jambes et je ne sais pas où dormir.

Le centre d’information touristique est fermé, mais un dépliant m’indique un camping à la sortie de la ville. Go ! En prime, un itinéraire cyclable m’éloigne du gros trafic pour un temps.

Je retrouve donc la route 101, mais le camping se fait attendre. Finalement, il est un peu plus loin que je l’imaginais. À 20 h 30, j’arrive sur mon site. J’expédie les routines puis je me branche sur Internet. Les messages sont nombreux, et je prépare un courriel collectif avant d’écrire rapidement le journal. Il est 1 h 30, urgence dodo !

km jour : 103,2
km total : 596,0
départ / arrivée : 11 h 40 / 20 h 20
temps de trajet : 6 : 35
vitesse moyenne : 15,6
vitesse maximale : 51,4
camping : 13 $

La vallée des arbres géants

> Humbolt Redwoods State Park (Weott) – 115 km
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Jeudi. La nuit a été parfaite, bercée par le chant des vagues. Ce matin, la tente est légèrement humide, c’est frais, comme d’habitude, mais il y a des coins de ciel bleu et de soleil. Nous nous levons vers 8 h. En plus des préparatifs ordinaires, j’ajuste quelques éléments du chargement de Scott afin que tout soit efficace et sécuritaire. Il en est très satisfait.

Nous prenons la route vers 9 h 30, chacun son tour. Ici, il n’a presque pas de circulation. Tant mieux ; la journée s’annonce exigeante, car il y aura au moins deux bonnes montées. La première est à quelques kilomètres seulement.

La route quitte la berge pour entrer dans les montagnes et grimpe sérieusement jusqu’à 220 m. Une affaire d’une demi-heure à monter, de moins de 10 minutes à descendre. Bonne nouvelle : les ajustements sur mon vélo fonctionnent parfaitement. Pour ce genre de journée, j’apprécie que toutes mes vitesses passent bien.

En bas, je croise un groupe de cyclistes : ils sont 14, des jeunes avec quelques encadreurs. Après une demi-heure plus facile, les choses sérieuses commencent. La première partie demande 45 minutes en première vitesse. Ensuite, plateaux et montées s’enchaînent et le sommet, à 580 m, demande deux bonnes heures de travail assez intense.

La route monte essentiellement en forêt. Au début, elle longe un ruisseau serti dans les fougères, et tout se passe en forêt. C’est frais, donc assez agréable. En chemin, je croise quatre cyclistes du Maine qui me fournissent de précieuses indications. Je prends aussi mon repas – ensuite, je n’ai plus de réserves… – et je profite de délicieuses mûres bien juteuses. Vers le sommet, le soleil sort pour de bon, faisant grimper sérieusement la température. Ce n’est pas grave, je vais descendre maintenant.

Je rejoins rapidement la vallée de la rivière Eel, que je suivrai le reste de la journée. De ce côté, il y a des panoramas ouverts, ce qui est bien joli. Au premier pont de la Eel, un homme est assis, son vélo est un peu plus loin. John va voir son fils à Seattle. Il s’est mis au vélo à la retraite, il a maintenant 70 ans. Pour s’aider un peu, il a converti son vélo pour avoir une assistance électrique, mais son système est en panne : bien des kilos peu utiles… En tout cas, sa jasette, elle, fonctionne très bien.

Je vois une affiche étrange : il y a, juste ici, un arbre à travers lequel on peut passer en voiture. Je suis au pays des séquoias, ces géants millénaires et splendides. Je ne fais pas le détour pour celui-ci, il y en aura d’autres en chemin.

Je rejoins la route 101. Ça, c’est moins drôle : il y a beaucoup de circulation. Je retrouve brièvement Scott, très satisfait de nos travaux sur son vélo. Après un passage plus étroit, la route devient une autoroute. Ouache ! C’est le seul chemin, pour trois kilomètres. Je peux prendre pour un petit bout la route 271, plus adaptée. J’y croise Gary, de Calgary. Nous nous confirmons mutuellement nos chemins, avant de prendre chacun le notre.

Plus loin, retour à l’autoroute pour un bon bout. J’essaie une route parallèle : c’est un cul-de-sac. Je sors à Garberville – il y a une épicerie pour refaire mes réserves – et peu après Redway je reviens encore sur l’autoroute. C’est la dernière fois, heureusement.

Je sors pour prendre l’Avenue des Géants. C’est une route calme qui longe la rivière et souvent serpente au milieu des séquoias. C’est une magie pure que de côtoyer ces arbres. De l’un d’eux, il est écrit qu’il mesure 75 m, pour un diamètre de 7 m et une circonférence de 17 m. Il serait âgé de 1800 ans. Respectable.

En plus de la magie, il y a aussi un parc et des campings. Le premier, Hiddeen Spring campground, sera le bon. J’arrive sur mon site à 20 h 15. La routine est à point ; je monte la tente et mange à la brunante, puis je fais un petit lavage, prends une douche rapide et m’occupe de charger mes appareils tout en écrivant le journal, debout dans les toilettes puisque c’est là qu’il y a de l’électricité. À minuit et demi, j’ai enfin terminé et je me couche avec joie : c’était une bonne journée.

km jour : 115,9
km total : 492,0
départ / arrivée : 9 h 30 / 20 h 00
temps de trajet : 7 : 40
vitesse moyenne : 15,1
vitesse maximale : 53,1
camping : 5 $

Les dunes et le compteur

> Westport State Beach (Wesport) – 50 km
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Mercredi. Ce matin, il a plu un peu. Je me lève donc plus tard, vers 9 h 30, et je me prépare tranquillement. Il est près de 11 h quand je prends enfin la route.

Ce n’est pas une surprise : mon cyclomètre ne fonctionne plus. Il redémarre après quelques kilomètres, mais sa carrière achève.

La route et la météo ressemblent à hier : des vallons, du gris. En revanche, il y a beaucoup de circulation, de plus en plus en approchant de Port Bragg, la première ville d’importance depuis San Francisco. Il y a une bonne boutique de vélo : j’y fais ajuster mon jeu de direction, légèrement desserré, et j’y achète un nouveau cyclomètre – sans fil – que j’installe tranquillement.

Le temps a passé vite : il n’est plus question de monter jusqu’à Legett aujourd’hui. Je prends donc mon temps.

En sortant de Port Bragg, une affiche propose un itinéraire panoramique. C’est une ancienne route, promue piste cyclable, piétonnière et équine, qui suit de magnifiques dunes. Un vrai régal ! Après quelques kilomètres, il faut bien revenir à la CA1, mais elle est ici plus étroite et beaucoup moins fréquentée. En revanche, il n’y a plus d’épicerie ou autres services et ma bouffe diminue. On verra bien.

Après une section vallonnée, la route commence à avoir de plus sérieux reliefs. Ça grimpe fort, puis ça descend sérieusement à plusieurs reprises. C’est évidemment magnifique.

En chemin, je retrouve Scott, et nous nous suivons plus ou moins pour le reste du trajet. Au village de Westport, il y a un minuscule dépanneur. J’y trouve à fort prix de quoi compléter mon repas, Scott peut s’acheter deux bières et une petite dose de pot, chacun a ce qui lui convient.

Le camping, que nous prenons ensemble, est magnifique : c’est une lande en haut d’une falaise, séparée du précipice par une ancienne route en partie effondrée, on entend les vagues briser sur la côte. Pour 3 $ par personne, il y a un robinet, des toilettes sèches, une table à pique-nique… et le paysage. Pas d’électricité, mais un horizon fantastique. C’est parfait.

Après le repas, je fais quelques ajustements au vélo de Scott : ses porte-bagages avant avaient été montés à l’envers et les sacoches tenaient de peur. Petit bricolage facile, mais apprécié. Sur mon vélo, certaines vitesses changeaient mal. Je verrai demain si tout est OK. Je l’espère, car une sérieuse montée nous attend.

Nous prenons aussi te temps d’échanger. Scott a perdu conjointe et emploi, et son voyage est aussi une quête de sens. Mais la nuit tombe bientôt et chacun rentre chez soi, dans ce petit lieu de stabilité qu’est la tente pour le voyageur. À 21 h 45, le journal est écrit et je me couche, bercé par le doux et puissant souffle de la mer.

km jour : 16,9 + 33,9
km total : 376,0
départ / arrivée : 11 h 00 / 17 h 30
temps de trajet : 2 : 15 ?
vitesse moyenne : 15,0
vitesse maximale : 49,1
camping : 3 $