Jusqu’au ciel ?

Baie de Squamish

> Riverside Resort (Whistler) – 110 km
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Lundi. La nuit se passe sans incident, mais je dors assez mal et je décide de me lever aux premières lueurs. Je suis donc debout à 4 h 45 et en route une heure plus tard. Je suis sur la 99, qui a été nommée « Sea to Sky ». On verra.

Toute la première partie du trajet, jusqu’à Squamish, est vraiment spectaculaire. Je longe une baie cernée de hautes montagnes mises en lumière par le soleil levant. Le ciel est à nouveau parfaitement dégagé. La route monte et descend, serpente, s’accroche comme elle peut. Elle est habituellement à quatre voies avec muret central et un bon accotement, mais tout ça varie parfois. À vélo, c‘est une conduite difficile car le trafic est abondant et rapide toute la journée.

En arrivant à Squamish, je m’arrête à un site touristique, un téléphérique, pour y prendre de l’eau. J’en aurai beaucoup besoin aujourd’hui car la chaleur s’en vient. Sherma, une employée, m’aide de son mieux et très chaleureusement. J’aurais le goût de monter en haut, mais il n’y a pas de stationnement pour mon vélo…

Après un petit détour causé par une jolie piste cyclable en cul-de-sac, je repars. Maintenant, comme prévu, ça monte et ça cuit. Il y a de jolis sommets enneigés, mais ici il fait plus de 30° et je n’ai jamais eu aussi chaud depuis le départ.

En gros, je remonte la rivière Cheakamus. De temps en temps, je m’arrête pour des points de vue spectaculaires, mais en général ce sont de longues routes plutôt droites et très rapides pour les voitures. C’est assez dur.

En après-midi, je passe tout droit devant un premier camping. J’aurais besoin d’une pause épicerie et je ne suis pas encore à Whistler. Finalement, j’y arrive. C’est une série de hameaux le long de la route 99. Il y a plein de cyclistes et de marcheurs, et près de la place olympique je trouve tout ce que j’ai besoin, et surtout le camping.

La douche est bienvenue après trois jours sans avoir pu me laver. J’avais aussi beaucoup monté dans la chaleur puisque le village est à 700 m d’altitude… après de bonnes descentes. Ce soir, je vis en français. Je rencontre Andreas et Michelle, de Suisse, et je partage le site de camping avec Dominick, Virginie, Samuel et Alexandra, de Québec, ainsi que de trop nombreux moustiques.

Je finis la soirée avec l’ordi, complétant le journal et chargeant les batteries pour une étape où l’électricité pourrait se faire rare. Je termine après minuit, il est grand temps de dormir au frais car la journée a été assez chaude…

km jour : 111,8
km total : 2161
départ / arrivée : 5 h 45 / 17 h 45
temps de trajet : 7 : 58
vitesse moyenne : 14,0
vitesse maximale : 57,8
camping : 21 $

Transports alternatifs

Vancouver, BC

> Bord de route (Horseshoe) – 65 km
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Dimanche. Malgré le bruit, j’ai bien dormi, l’endroit est vraiment très beau et il fait un temps magnifique, sans un nuage. Comme j’ignore l’horaire du bateau, je me prépare tranquillement et quitte vers 9 h 30. Je suis à la guérite environ un quart d’heure plus tard, car ce n’est qu’à 3,8 km. Comme le bateau est à chaque heure, j’aurais le temps de prendre celui de 10 h… mais je le manque car je mets trop de temps à trouver mon chemin. Pas grave, ça me permet d’écrire le journal d’hier.

Je pars donc à 11 h. C‘est assez impressionnant : ces énormes navires sillonnent les eaux de la province dans tous les sens et sont gérés comme le sont les trains, les autobus ou les avions, avec des gares et des horaires. Toute une logistique !

Mon vélo est en bas, avec les voitures. Je me tiens sur le pont avant pour ne rien manquer du trajet. Bientôt, Bill, un retraité en pleine forme, entame la conversation. Il est très gentil, c’est très agréable et même utile, car nous discutons des trajets possibles à travers Vancouver.

C‘est aussi l’occasion de voir manœuvrer ces immenses vaisseaux dans d’étroits chenaux au travers les îles. Nous admirons aussi au loin le Mont Baker, plus au sud, aux neiges éternelles resplendissantes sous le soleil. Le temps passe vite en bonne compagnie, et bientôt nous accostons au terminal de Tsawwassen.

Sur la digue, une route aux allures d’autoroute mène à la terre ferme. Je me dépêche de la quitter pour une route secondaire plus bucolique. J’arrive ainsi à Ladner, en banlieue sud de Vancouver. J’y trouve deux servies bien utiles : un guichet automatique et une épicerie. Bien équipé, je pars à la recherche d’une solution pour traverser le tunnel interdit aux vélos qui mène vers Vancouver.

Un commis de dépanneur m’indique la solution : un autobus de ville. Ici, ils sont tous munis d’un support à vélos à l’avant. À la course car le chauffeur est pressé, je démonte les sacoches, installe le vélo et c’est parti sur l’autoroute et dans le tunnel et encore sur l’autoroute. Heureusement, j’avais eu la présence d’esprit de demander de la monnaie à l’épicerie, puisque le passage coûte 2,75 $. Bon investissement.

Le terminus de l’autobus est à une station de métro tout près de l’aéroport et surtout d’un pont menant à la ville. Liam, l’autre cycliste à bord de l’autobus, m’oriente gentiment. C’est parfait : le pont accueille le métro qui rentrera sous terre un peu plus loin, et une bien jolie piste cyclable.

Je suis donc sur la rue Cambie, qui mène directement par pistes cyclables vers le cœur de la ville et les ponts que je dois franchir. Au début, je traverse des quartiers résidentiels, mais je découvre tranquillement les tours et le stade. Tout un spectacle !

Une foule bigarrée quitte le stade après un match sportif, les touristes sont nombreux, la ville est très animée. Les parcs, plages, sentiers et pistes cyclables de l’île sont embouteillés en ce beau dimanche d’été. De toute évidence, les gens d’ici sont plus minces et sportifs que beaucoup de leurs voisins du sud.

Plus loin, je suis en forêt, et je rejoins le Lion Gate, petit frère du Golden Gate de San Francisco, pour passer à West Vancouver. Ici aussi, il y a beaucoup de monde, alors je roule tranquillement dans des quartiers très cossus. Plus j’avance, plus c’est accidenté et je travaille fort pour monter les nombreuses côtes.

J’arrive finalement à Horseshoe Bay, village de touristes et de traversiers, mais j’en sors avec difficulté car les indications sont floues. Il est 20 h et de toute évidence je n’attendrai pas de camping ce soir.

Je cherche un peu, mais il est trop tard pour être difficile : je suis tout à côté d’un chemin privé, partiellement dissimulé par un muret de béton mais avec une vue splendide sur la baie et les montagnes. J’ai d’ailleurs des visiteurs, une famille asiatique sympathique et un peu intriguée.

Je popote, je m’installe à la brunante et je me prépare à dormir mal, puisque l’autoroute passe à proximité. Les aléas du voyage…

km jour : 66,1
km total : 2050
départ / arrivée : 9 h 30 / 20 h 20
temps de trajet : 4 : 44
vitesse moyenne : 13,9
vitesse maximale : 68,2
camping : 0 $

Retour au pays

Victoria, BC

> McDonald Campground (Sidney) – 80 km
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Samedi. Je me lève tôt, vers 6 h 30, car je ne veux pas m’inquiéter du traversier. Il fait un temps splendide, mais c’est plus frais que d’habitude : j’ai eu besoin d’ajouter un petit polar cette nuit. Je suis en route peu après 8 h 30.

Au début, la route étroite longe le lac, puis je rejoins la 101. L’accotement est large et ça descend, alors c’est vraiment facile. En plus, le paysage de montagne est splendide. J’arrête au pont de la rivière Elwha : de là, on voit au loin le sommet enneigé du mont Olympus. Il est hors de portée de mon appareil photo, mais c’est bien beau.

Ensuite, ça monte bien pour un bon petit bout. Arrivé à l’intersection où je quitte définitivement la 101, je crois un groupe de huit cyclistes en route pour l’Oregon. Ensuite, une bonne descente me mène dans le ravin de la rivière Elwa. Il y a une piste cyclable, je la vois à droite du pont, mais pas à gauche. Je regarde : l’accès est sur l’autre rive, et la piste est suspendue sous le pont…

Je n’ai plus qu’à la suivre jusqu’au traversier. Je fais l’essentiel du trajet avec Drew, un sympathique jeune homme qui vit à vélo et qui rêve de voir le monde. Vers la fin, c’est de plus en plus urbain : quartiers chics, zone portuaire, centre ville. J’arrive vers 11 h 30 alors que le bateau est à 12 h 45. J’ai 38,3 km au compteur. Parfait.

Après les formalités, j’envoie un bref courriel aux amis. C’est ensuite le temps d’embarquer. Il y a des supports à vélo sur le pont avant, c’est là que je passe la traversée du détroit de Juan de Fuca. Le soleil est éclatant, j’admire la mer et les montagnes qui l’entourent. En cours de traversée, un jeune homme entame la conversation. Sam McKenzie, tout nouveau docteur en neuroscience, est originaire d’ici et habite New York, mais rêve d’enseigner à McGill, où il a étudié.

Après 90 minutes d’une traversée très facile, nous accostons. Les formalités douanières sont brèves et souriantes, puis je me retrouve avec une petite carte des pistes cyclables de la région et mon chemin à trouver. Le centre ville de Victoria est très animé et rempli sous le soleil. Touristes, musiciens, danseuses, magiciens, bouffe de rue : aujourd’hui, la ville est belle et vivante.

Je fais d’abord une bonne tournée du centre ville afin de dénicher une précieuse carte de mon futur trajet. Information touristique, location de vélo, MEC, boutique de vélo, et j’en oublie, c’est finalement une librairie qui a une carte routière de la région qui m’attend.

Je pars vers le nord, par la piste cyclable régionale « Lochside » qui va directement vers le traversier de Vancouver. Suivant souvent une ancienne emprise de chemin de fer, elle est au début bien urbaine, le long de cours d’eau ; ensuite, elle traverse discrètement des banlieues cossues et de jolis boisés et étangs pour s’enfoncer en zone agricole.

À mi-chemin, il y aurait un camping. En chemin pour voir de quoi il s’agit, je rencontre Dwane, un cycliste assez âgé, qui me convainc facilement de rebrousser chemin. Vers l’est, je crois deviner des sommets enneigés… et c’est bien vrai. J’ai hâte.

À Sidney, jolie ville, il y a un camping dans un petit parc provincial. Il y a beaucoup de places libres dans une belle forêt de cèdres. Il n’y a pas de préposé et je n’ai pas de monnaie : je paie avec ce que j’ai et je m’installe assez rapidement, puisqu’il est passé 19 h 30.

C’est malheureusement bruyant, car une route importante passe non loin. Il n’y a que peu de services : eau et toilettes sèches. De plus, mes réserves de bouffe sont assez basses, mais j’ai de quoi me bricoler un repas plus qu’acceptable. J’ai même cueilli des mûres pour avoir des fruits frais. Je suis couché tôt, avec mes bouchons d’oreilles.

km jour : 77,8
km total : 1983
départ / arrivée : 8 h 35 / 19 h 30
temps de trajet : 4 : 48
vitesse moyenne : 16,1
vitesse maximale : 54,0
camping : 11 $

La piste magique

> Log Cabin Resort (Lake Crescent) – 80 km
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Vendredi. Ce matin, c’est bien sec et ma tente apprécie le bref rayon de soleil. Je me lève vers 7 h 30 et m’occupe du journal avant de me préparer. Le temps passe vite, il est passé 10 h 15 quand je quitte, ayant quand même laissé le commentaire prévu à propos du site de camping.

Je fais mes courses à Forks, seule épicerie du jour, puis reprends la 101 qui monte doucement dans la vallée de la rivière Sol Duc. Tout autour, les montagnes sont de plus en plus hautes sous un ciel bien gris mais sans apparence de pluie.

Juste avant Sappho, je prends un itinéraire vélo très calme, sur Mary Clark Road, comme suggéré hier par un cycliste. À part les inévitables coupes de bois, c’est vraiment beau et j’en ai pour 16 km, rejoignant la « Olympic National Forest ».

Au moment où je crois devoir reprendre la 101, je vois une piste cyclable toute neuve, sans aucune indication mais qui semble aller dans la bonne direction. Je prends le risque… et la piste.

C’est absolument superbe, en plein bois, facile et je n’y croise presque personne. Je continue donc dans un total ravissement sur une bonne dizaine de kilomètres. En chemin, je croise une famille – des parents et deux fillettes – qui me confirme que je rejoindrai la 101. Auparavant, la douce ligne droite devient une brève montée en lacets avant de rejoindre un chemin forestier bien pavé lui aussi. L’itinéraire pour la 101 n’est pas indiqué, mais un conducteur croisé au moment opportun m’indique la bonne direction, qui n’était pas évidente.

Je note attentivement les coordonnées – ça pourrait servir à quelqu’un – et retrouve la grande route pour deux kilomètres. À gauche, visiblement, la piste cyclable se poursuit. Je la prends.

Elle monte pas mal fort pour un ou deux kilomètres, puis descend en lacets. C’est de toute beauté dans la forêt pluviale, mais je dois être prudent car la piste est souvent couverte d’aiguilles de sapin. Une table à pique-nique m’attend pour un petit repas, puis une intersection m’indique enfin le nom de la piste : je suis sur la « Olympic Discovery Trail », dans le « Olympic National Park ».

Maintenant, la piste, toujours superbe, descend doucement pour des kilomètres. Je croise une famille à vélo – sans bagages – et nous échangeons des informations. Ils me confirment que je suis sur la rive nord du Lac Crescent, sur une piste dont une section serait difficilement praticable, réservée aux vélos de montagne. Je prends le risque : je peux toujours marcher au besoin…

Comme prévu, l’asphalte se termine soudain et je me retrouve sur une étroite piste en terre avec racines, plantes envahissantes, pierres, etc. Le sport, le vrai, commence. Le trajet reste majoritairement cyclable, technique, exigeant et vraiment de toute beauté. J’avance avec précautions, mais ça va à peu près. Je m’approche tranquillement du lac. Un bout de rail oublié confirme que je suis sur un ancien chemin de fer, mais abandonné depuis des décennies d’après la végétation et les nombreux éboulis.

Plus loin, près d’un ancien tunnel à demi effondré, il me faut mettre pied à terre et pousser le vélo pour contourner un cap sur un sentier pierreux et étroit. Difficile mais spectaculaire. Des gens en kayak qui y accostent au moment où j’arrive me donnent un coup de main.

Plusieurs autres passages exigent de marcher, trop étroits, trop pierreux, trop à pic. C’est tout un travail ! Finalement, j’émerge en retrouvant un stationnement. Inspection des fruits : il y a des dégâts compréhensibles. Je mange immédiatement deux prunes assez amochées, deux autres devront tenir jusqu’à ce soir. Il faudra aussi voir aux cerises : celles du dessous sont pas mal aplaties.

Deux cyclistes arrivent. Laith et Jennie sont de Vancouver. Ils me donnent plein d’indications pour là-bas, je leur confirme ce qui les attend et nous apprécions une belle rencontre cycliste. Ils partent sur le sentier, je leur souhaite bonne chance car il est déjà tard.

De mon côté, je vois du bleu envahir le ciel. Le dégagement ! Et comme il se fait tard, je vais voir s’il y a de la place au camping voisin, le « Log Cabin Resort ». Il reste un site pour roulotte, mais que je paie au tarif tente, assez élevé, de 25 $. Mais c’est sur le bord du lac, avec les sommets de plus de 1000 m tout autour, illuminés par le soleil malgré les lambeaux de brume qui s’attardent encore. Magique !

Je monte ma tente, bien sèche, je mange en vitesse, je prends ma douche, puis je fais un vrai lavage, à la machine, et un séchage de la même manière. Après presque trois semaines, ce n’est pas un luxe ! J’y rencontre un couple bien sympathique, Laura et Pat, avec qui nous jasons agréablement.

C’est aussi l’occasion de rédiger le journal bien confortablement et bien branché, ainsi que de trier les très nombreuses photos du jour. À 23 h 30, tout est terminé. Dodo !

km jour : 80,1
km total : 1906
départ / arrivée : 10 h 15 / 18 h 45
temps de trajet : 5 : 10
vitesse moyenne : 15,4
vitesse maximale : 44,2
camping : 25 $

Heureusement, des bouts de forêt

> Bogachiel State Park (Forks) – 105 km
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Jeudi. À nouveau, il a plu toute la nuit, et ça se poursuit au petit matin. Heureusement, le site est vraiment splendide, un des très beaux du voyage. Je me prépare tranquillement et la pluie a cessé quand je sors enfin d’une tente trempée dehors, sèche en dedans. Une des cordes a perdu sa tension cette nuit : elle semble avoir été coupée net ! Un animal ?

Il est 10 h quand je quitte le camping. J’arrête à un robinet pour le plein d’eau, puis à la bibliothèque d’Amanda Park pour les courriels. La connexion est vraiment précaire, mais je réussis, de coupure en reconnexion, à envoyer un courriel collectif et à mettre jour les photos. Certains apprécieront, je crois, car le trajet est souvent très beau.

Ça a pris beaucoup de temps : il est près de 12 h quand je prends réellement la route. Après un trop petit bout dans la magnifique forêt humide environnée de montagnes, je retrouve la routine : les longues lignes droites, les résineux, les coupes de bois. Il y a juste un peu plus de relief qu’hier, mais rien de bien compliqué.

Côté météo, c’est frais. Jusqu’en milieu d’après-midi, un petit crachin occasionnel inquiète un peu, et le ciel reste presque toujours bien gris.

Sur ces routes, les bâtiments sont rares, souvent délabrés sinon abandonnés. Parfois, je peux rouler des dizaines de kilomètres sans aucune construction.

Je croise Andrew, du Colorado. Il étudie à Spokane WA et espère se rendre à San Francisco en 10 jours. J’ai un doute : j’en ai mis 20 à raison de près de 100 km par jour…

À Queets, il y a un gros dépanneur, le premier et dernier point de ravitaillement possible depuis Quinault. Heureusement, j’ai déjà tout ce qu’il me faut. Je quitte la réserve Quinault pour entrer dans le Parc national Olympic. Il y a deux campings, une auberge, des plages sur le Pacifique, mais surtout la magnifique forêt humide avec ses arbres majestueux, ses mousses, ses fougères et les jolis ravins creusés par les nombreux cours d’eau.

J’y croise Jeremy et Derek, deux frères qui s’en vont chez eux aussi, à San Francisco, mais à partir d’Anchorage. Ils ne sont en route que depuis un mois, mais ils ont accompli ce miracle en longeant la Colombie-Britannique en bateau. Je croise aussi une jeune femme, mais nous n’arrêtons pas car nous sommes au creux d’un ravin et gardons l’élan pour remonter.

Un dernier regard sur le Pacifique, une bonne côte et je retrouve les routes de coupes de bois, le long de la rivière Hoh que je vois à peine. C’est en général facile tant que je longe la rivière, puis ça monte plus sérieusement. La journée se termine par de bonnes descentes jusqu’au camping Bogachiel, du nom de la rivière qui le longe. Il est 18 h 45, assez tôt en considérant la distance de plus de 100 km et mon heure de départ.

Ici, c’est l’auto enregistrement. Il y a deux sites pour les randonneurs. Le beau est apparemment pris, il reste le moche à côté du stationnement des toilettes. J’essaie, sans grand succès, de sécher ma tente, mais je réussis à la monter sans mouiller l’intérieur malgré un double toit bien trempé. Les aiguilles de sapin sont partout et collent à ce qui est humide…

Après le repas et la douche, je me couche. Peu après, un camion stationne à 2 m de ma tente en laissant tourner son moteur pendant 10 minutes. J’écrirai un commentaire au parc, quand même. Et je vais dormir de mon mieux malgré la route à proximité.

km jour : 103,1
km total : 1826
départ / arrivée : 11 h 45 / 18 h 45
temps de trajet : 5 : 56
vitesse moyenne : 17,3
vitesse maximale : 47,5
camping : 12 $

Pluie sur la « Rain Forest »

> Gatton Creek Campground (Quinault) – 80 km
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Mercredi. Au milieu de la nuit, crépitement de pluie sur la toile… jusqu’à mon lever. Bien sûr, ma tente est trempée au matin, mais l’intérieur est bien sec. Avant de sortir, tout mon matériel est rangé en mode « pluie » et je n’ai plus à retourner à l’intérieur ensuite.

À 9 h, je quitte le camping vers le sud, puisque c’est par là qu’il y a une épicerie digne de ce nom. C’est donc vers 10 h que je prends vraiment la route.

Après un petit bout le long des plages – que je ne vois pas –, je rentre à l’intérieur des terres. Scénario route connu : des conifères, des coupes de bois, des villages rares et ravagés. Jusqu’à la 101, il n’y a pratiquement aucune circulation ; ensuite, elle est restreinte mais rapide, donc à surveiller. Faute de mieux, je mange debout, sur l’accotement. Il y a de jolies collines à l’est, laissant espérer de jolis paysages, et ça monte tranquillement. Je ne croise qu’un seul cyclotouriste.

J’entre enfin dans la Olympic National Forest. En arrivant près de Quinault, changement radical d’ambiance : je suis dans la « Rain Forest », peuplée de sapin géants, de fougères et de mousses. Magnifique !

J’avais de toute façon décidé de coucher à Quinault, puisque les campings y sont plus accessibles. Il y a une raison de plus : c’est très beau. Je bifurque donc vers le village. Une longue descente – à remonter demain, probablement – et je vois deux cyclotouristes connus : Maxime et Erin. Ils se sont retrouvés et ont suivi un itinéraire assez semblable au mien, sauf qu’ils ont roulé à la pluie ce matin. Ils continuent leur périple, mais nous échangeons nos coordonnées et des photos.

Au village, on m’indique que les campings sont payables sur place, en choisissant un site libre. Le Gatton Creek Campground est moins cher – c’est quand même 20 $ sans eau ni rien – et les sites ne sont accessibles qu’à pied, mais c’est franchement superbe. Il y a que cinq sites, et du mien je suis presque sur la plage de galets, avec une vue fantastique sur les montagnes en face. Pour un peu, on se croirait dans les Alpes.

Puisque le soleil est de retour, je fais bien sécher la tente près du lac, puis j’installe le campement avant de partir marcher. Je dois pédaler un peu – sans bagages, c’est étrange – puis stationner mon vélo avant de mettre mes sandales.

Je parcours une boucle d’environ 2,5 km, très agréable au milieu des arbres géants et des cascades, malgré quelques averses. Je rentre au camping, très heureux de mes choix, mais je me réfugie dans la tente puisque la pluie est de retour. Pas grave : j’écris le journal en musique.

Il est 20 h et la pluie continue : je me mets au souper dans le vestibule de ma tente, assez vaste pour servir de – minuscule – cuisine à l’abri des intempéries. Il pleut toujours quand je me couche, vers 22 h, mais j’ai des voisins arrivés in extremis : une famille d’australiens vivant en Suède. Le monde voyage…

km jour : 79,4
km total : 1722
départ / arrivée : 9 h 00 / 15 h 45
temps de trajet : 4 : 43
vitesse moyenne : 16,8
vitesse maximale : 51,7
camping : 20 $

La route est courte

> Ocean City State Park (Ocean City) – 65 km
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Mardi. Cette nuit, j’ai eu un peu froid. Au lever, comme il fait encore beau, je fais un peu de lavage avant de revenir à ma tente et au journal. Il est plus de 9 h 30 quand je sors enfin dehors. Je suis donc en route vers 10 h 45, pas mal plus tard que d’habitude.

Comme hier, le ciel est plutôt nuageux puis se dégage en début d’après-midi. C’est donc parfait pour rouler, ce que je fais bien évidemment.

De la route, il y a peu à dire. Jusqu’à Aberdeen, seule ville d’importance aujourd’hui, de longues lignes droites, peu de relief et peu de vues. En ville, une traversée de pont délicate, comme souvent, de la circulation… et je ne trouve pas d’épicerie digne de ce nom. Je prends un strict minimum dans un dépanneur.

La suite du trajet est semblable à ce matin, avec du soleil en plus et un 3 km de bonnes côtes pour casser la monotonie. Je croise deux cyclistes seulement – Britt et Andrew, de l’Arkansas – avec qui nous échangeons quelques informations.

Un peu plus loin, j’ai à choisir mon chemin : vers l’intérieur ou vers la côte ? Je choisis la côte pour plusieurs raisons : c’est plus sur, plus facile après la journée d’hier, j’ai plus de chances de trouver électricité et nourriture, et j’apprécierais une journée de « congé ». Je suis donc dès 16 h à Ocean City SP, près de la ville du même nom.

Une fois le campement monté, je vais voir la mer. C’est toujours beau, mais moins qu’hier : la plage est très plane, la mer loin et il y a des voitures qui circulent. Alors que j’ai les pieds à l’eau – il fallait quand même y toucher, à cet océan ! –, mon téléphone sonne. J’avais laissé des messages à mes frères, et c’est Gaétan qui rappelle. J’ai ainsi quelques nouvelles de la famille. Tous vont bien, ils ont amené ma mère au chalet, et le bateau est abîmé après son naufrage mais semble fonctionner encore.

Je rentre souper à ma tente, puis je vais à la salle de bains pour écrire et recharger l’ordi. J’en profite pour appeler ma sœur Monique avant de me diriger à nouveau vers la plage pour le coucher du soleil. Ce n’est pas très impressionnant : les nuages ont envahi le ciel…

km jour : 66,4
km total : 1642
départ / arrivée : 10 h 45 / 16 h 00
temps de trajet : 3 : 48
vitesse moyenne : 17,7
vitesse maximale : 47,0
camping : 12 $

C’est encore loin ?

> Twin Harbors State Park (Westport) – 135 km
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Lundi. Ce matin, le soleil est fort sur les tentes, alors tout est bien sec. Anne est déjà partie, alors je déjeune avec Max et Erin.

Parti peu après 9 h 30, j’arrête au village de Ilwaco pour des achats minimaux – la prochaine épicerie peut être loin – et j’y retrouve Max. Nous roulons de concert jusqu’à l’entrée de Long Beach. Il y a un kiosque d’information touristique qui nous fournit quelques infos et une carte routière bien utile.

Comme Erin reste introuvable, Max part vers Long Beach afin de la chercher. Il ne semble pas pressé. Je soupçonne une grosse journée, alors je file sur la 101.

Le premier bout, plat avec vent de dos, est facile et rapide. Une montée, des coupes de bois assez sauvages, une descente et je me promène sans trafic dans de belles forêts très relaxantes, puis le long d’une baie qui est aussi réserve faunique.

Je traverse la grosse rivière Naselle, puis je la longe jusqu’à l’intersection de la route 4. Il y a un peu plus de trafic, mais rien de problématique. En plus l’accotement est assez confortable. Je salue deux cyclistes allant vers le sud. Bénédicte et Mathilde, deux sœurs, sont québécoises et très enjouées. Nous passons de bons moments à discuter.

Ensuite, forêts, forêts, baies, coupes de bois, forêts. Un nom de village ? Cinq maisons dispersées, quelques chemins de part et d’autre… Bref, c’est beau, mais assez reculé.

Vers la mi-journée, le soleil hésitant de l’avant-midi prend toute la place. Après 75 kilomètres, je traverse Raymond, la seule ville de la journée. Je fais mes courses. Je repars et rejoins Bill, un cycliste de la place. Nous roulons ensemble sur la piste cyclable jusqu’à la sortie de la ville. Retraité en forme, il roule et marche avec enthousiasme.

Je repars le long de la baie de Willapa. C’est très plat, avec de longues lignes droites et un vent de face parfois gênant. C’est souvent beau, mais sans le côté spectaculaire des dernières semaines. Fatigué, je progresse lentement vers le camping.

À 125 km précisément, j’arrive enfin à Grayland Beach SP. Problème : il n’y a plus de place, même pour les randonneurs. Solution : le prochain camping, 7 km plus loin. Devant mon air déconfit, le préposé fait toutes les démarches pour s’assurer que tout ira bien. Il me donne même une série de jetons pour les douches.

Je monte la tente et soupe en vitesse, puis je marche jusqu’à la plage : c’est peut-être mon dernier soir près du Pacifique, et il fait beau. Le soleil est déjà couché, mais je reste longtemps au bord de l’eau à regarder et écouter les vagues briser sur le sable.

Je reprends la route, les jambes un peu molles, et il est 20 h quand j’arrive pour de bon, à Twin Harbors SP. Tout est parfait : l’accueil, le site avec du bois pour le feu – que je n’utiliserai pas –, les services… Il n’y a pas d’autre randonneur et le camping est loin d’être plein. Je ne socialiserai pas ce soir.

Ensuite, évidemment, douche et dodo. Demain, j’espère que ce sera plus facile, quand même.

km jour : 133,9
km total : 1576
départ / arrivée : 9 h 45 / 20 h 00
temps de trajet : 7 : 35
vitesse moyenne : 17,6
vitesse maximale : 52,9
camping : 12 $

La traversée vers Washington

> Cape Disappointment State Park (Long Beach) – 105 km
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Dimanche. Pendant la nuit, la bruine a cessé et la tente a séché. Moi, j’ai dormi. Je me lève tôt, vers 7 h, discute un peu avec Mathieu à propos de l’itinéraire et je suis sur la route à 9 h.

Le ciel est gris, le soleil tente de timides percées mais reste discret aujourd’hui. En revanche, ce n’est pas froid.

En partant, je traverse Manzanita, village touristique de plage. Dès que je quitte la mer, ça monte très sérieusement, et ça se poursuit sur la 101, heureusement assez calme ici. Beaux points de vue à partir de Oswald West SP, bonne descente, puis la route entre dans les terres pour contourner Arch Cape. C’est du sérieux, mais c’est beau, avec un vrai paysage de montagne. En arrivant en haut, je vérifie ma moyenne – 13,4 km/h – et après la descente et le tunnel, elle est rendue à 15,2 km/h.

Jusqu’à Cannon Beach, ça monte et descend un peu, puis je traverse le village. De retour sur la 101, par une entrée style autoroute, je me retrouve dans le gros trafic jusqu’à Seaside. Assez infernal.

Contraste : Seaside se traverse par une piste cyclable qui longe la mer. À part l’agglutinement de touristes près de la plage, c’est très calme. Je dîne sur un banc avec vue sur l’océan.

Je ne retourne pas sur la 101. Une calme route en montagne, puis dans une vallée agricole, me mène directement à Astoria. Je traverse la ville par une petite rue qui vire le long de la colline, regardant le long pont de la 101 auquel j’ai échappé.

Bientôt, je découvre celui auquel je n’échapperai pas. Ayoye ! Il est haut, long, étroit, venteux, encombré de voitures… mais spectaculaire au dessus de l’estuaire de la rivière Columbia. J’enfile ma veste jaune fluo et je me lance.

D’abord, une longue montée en courbe permet de rejoindre une superstructure au-dessus de la voie navigable. Il y a des travaux et la circulation alternée. Je pars avec les voitures. La descente est infernale avec le vent qui me fait vaciller et les voitures qui me suivent ou me frôlent. Plus loin, j’arrête quand les voitures arrivent et repars quand c’est plus tranquille. Au total, la traversée fait 6,5 km ! Pas trop souvent, SVP. En tout cas, je suis dans l’état de Washington et encore vivant.

Ensuite, je reprends la 101, qui longe la mer un bon bout de temps. Malgré le vent de face, ça va assez bien, car le trafic est assez léger. Dans un village, il y a une petite épicerie sans fruits : j’y achète le minimum requis. Ensuite, il suffit de pédaler tranquillement jusqu’au Cape Disappointment SP.

Le camping est plein, comme souvent, mais il y a toujours de la place sur les sites Hike & Bike. Deux tentes sont déjà montées et deux vélos sont sagement rangés non loin. De la première émerge Max (Maxime), de Québec. Il est sur la route depuis 11 mois, ayant vu à vélo les Grands Lacs, le Mississipi, la Floride, Haïti, puis la côte ouest. Tout un périple. La deuxième héberge Erin, une californienne avec qui il voyage depuis quelques semaines. Un dernier vélo arrive avec Anne, une étudiante ontarienne. Vive les rencontres cyclistes !

Après la douche, je m’installe dans une salle de toilette individuelle – le luxe – avec mon ordi afin d’écrire, de recharger la batterie, qui en a bien besoin, et de faire un bon ménage des photos. Je fais le tout en musique, quand même. Ça prend du temps, je me couche à près de 1 h, mais j’attendais l’occasion depuis longtemps. La nuit sera bonne.

km jour : 107,5
km total : 1442
départ / arrivée : 9 h 00 / 18 h 15
temps de trajet : 6 : 55
vitesse moyenne : 15,5
vitesse maximale : 50,6
camping : 12 $

Contourner les baies

> Nehalem Bay State Park (Manzanita) – 80 km
Sommaire

Samedi. Ce matin, il y a du brouillard. Ça ne m’a pas empêché de très bien dormir. Déjà, l’Oregon achève…

Je prends plus d’une heure pour le journal et quelques détails informatiques, puis je me prépare tranquillement alors que le soleil brille maintenant de tous ses feux. La journée s’annonce à nouveau splendide.

Comme d’habitude, je suis en route vers 10 h 15. Jusqu’à Netarts, la route longe la baie du même nom et c’est très facile. Ensuite, ça devient très accidenté, de fortes montées et descentes se succédant, avec des vues en conséquence.

Après Oceanside, ça monte jusqu’à l’entrée du Cape Meares SP. Ensuite, la route est barrée, avec une barrière et un cadenas. Il y a une petite place pour contourner à pied avec mon vélo. J’y vais, évidemment. De fait, certaines sections sont impraticables pour les voitures – elles sont plus ou moins effondrées – mais en vélo ça va très bien en étant prudent, car ce n’est qu’une longue descente. En prime, il n’y a pas de problème avec la circulation.

Plus bas, la route est à nouveau ouverte, mais il n’y a personne. Juste avant l’intersection du bord de l’eau, un troupeau d’élans – à l’œil, une vingtaine – broute allègrement à côté de la route. Nous nous voyons en même temps, ils disparaissent à toute vitesse dans le bois…

La route suit le bord de l’eau, bien horizontale, et je file allègrement. Je prends une petite pause quand je rencontre Everett et Carmen, des cyclotouristes albertains en tandem et parlant français. Un peu plus loin, je croise deux néo-zélandais. Dans chaque cas, je les informe de la situation devant eux.

À Tillamook, j’arrête à l’épicerie. Mon vélo est dans une zone Wi-Fi, alors j’en profite pour lire une partie de mes nombreux courriels. Le premier est d’une voisine du chalet qui nous avertit que le bateau est au fond de l’eau. Il fallait s’y attendre, mais je relaie l’information à mes frères et j’en appelle un, qui était au courant. À suivre…

Après cette bonne pause, je poursuis sur la 101. Il y a plein de voitures et de commerces, alors je passe le plus vite possible. J’arrête à Bay City pour manger un peu. Dans le petit parc, des familles arrivent pour l’anniversaire d’une fillette d’environ 9 ans. C’est bien joyeux.

À Garibaldi, joli village de pêcheurs, il y a de vieux trains, dont une locomotive à vapeur qui se promène. Plus loin, c’est Rockaway Beach, un long piège à touristes qui semble bien fonctionner. À l’intérieur des terres, les montagnes sont plus hautes maintenant, mais le brouillard de la mer envahit tranquillement le paysage.

Je contourne une autre baie alors que le brouillard devient petit crachin, même si le ciel est bleu vers l’est. J’arrive au camping avant 18 h, très content de terminer tôt avec cette météo. Il y a plusieurs cyclotouristes, dont Mathieu, un gars de l’Outaouais qui en est à son premier voyage à vélo. Il devait partir de Seattle, mais un retard d’avion lui a fait manquer une correspondance. Il a donc commencé à Vancouver, en suivant la 101 le long de la mer… qu’il n’a pas vue souvent. Le crachin plus intense nous retourne chacun de notre côté.

J’ai le temps de terminer le journal d’aujourd’hui avant qu’il ne fasse trop noir. Alors que je sors pour aller prendre ma douche, une jeune femme arrive. Il était temps pour elle ! J’utilise pour la première fois mon mini parapluie de voyage, et j’apprécie une fois de plus une tente grande et étanche. Avant de dormir, je regarde ce que j’ai comme cartes et… je poserai des questions demain car rien n’est clair sur le chemin à prendre après Astoria. Évidemment, ça ne trouble pas du tout mon sommeil.

km jour : 79,9
km total : 1334
départ / arrivée : 10 h 15 / 18 h 00
temps de trajet : 4 : 49
vitesse moyenne : 16,0
vitesse maximale : 46,9
camping : 6 $