> Birchy Lake – 65 km
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Mercredi. Il a plu toute la nuit, et ma tente est parfaitement sèche. C’est carrément génial ! Au réveil, j’écris le journal, mais je n’ai aucune envie de sortir : la pluie reste intermittente, et de voraces moustiques m’attendent. Je profite de l’occasion pour enfin entamer la lecture de la thèse de maîtrise de mon ami Roger. De toute façon, j’envisage une journée légère : ce n’est pas un temps pour pédaler, et j’ai quelques tâches en vue.
J’ai besoin d’un alignement de ma roue avant. J’ai vérifié hier avec Gaétan : il y a une boutique de vélo à Corner Brook, 60 km à l’ouest. Il pleut et mon trajet va vers l’est. Plan « A » : louer une voiture. Impossible : rien n’est disponible aujourd’hui. Plan « B » : l’autobus. Ne marche pas non plus. Plan « C » : pédaler. Mauvaise idée avec la pluie, la distance et l’heure déjà tardive. Plan « D » : le pouce. Avec vélo, sous la pluie ? Plan « E » : essayer de réaliser un alignement moi-même.
J’ai l’outil. Je place le vélo à l’envers entre deux tables, sous mon providentiel abri et j’improvise un gabarit à partir de mon trépied de caméra fixé au porte-bagages. Ça prend du temps et de la minutie, mais le résultat semble plutôt bon. Je verrai sur la route, plus tard.
Un homme vient sous l’abri voir si j’ai besoin d’aide. Tout est fini, mais j’avais besoin d’une rondelle pour bien fixer mon appareil photo. Gérard, un francophone acadien, se fait un plaisir de fouiller dans son bric-à-brac pour dénicher en plein ce qu’il me faut. Il collectionne les anciennes motos anglaises, de belles machines.
Il pleut régulièrement, je m’installe à la buanderie pour recharger les batteries, écrire et lire en musique.
Quand je sors pour le dîner, la pluie a cessé. Décision rapide : je pars. Mon dîner est minimal, comme ma réserve de nourriture, mais suffisant. Je range tout et je remonte en selle : je préfère le pédalier au clavier.
À Deer Lake, il y a une épicerie digne de ce nom, ma première depuis mon arrivée à Terre-Neuve. Je fais le plein, car la prochaine risque d’être loin. J’achète également une nouvelle bonbonne pour le réchaud, car je ne veux pas tomber en panne.
Mon vélo est bien lourd quand je prends la T.C.H. – Trans Canada Highway, l’autoroute qui devient bientôt grande route normale. Il n’y a aucune autre option. Au début, il y a des bandes rugueuses sur l’accotement, ce qui le rend difficile à utiliser, mais elles n’y sont que pour quelques kilomètres. Je suis heureux de retrouver un accotement digne de ce nom.
Le ciel reste bien gris, mais il ne tombe plus rien de significatif. Surtout, j’ai un bon vent de dos qui me fait avancer rapidement. En revanche, la route est absolument sans intérêt : des arbres sans fin, peu de relief, pas de point de vue, rien à voir en fait. St. John’s est à 625 km, de quoi penser à l’autobus. J’ai le temps, le prochain hameau est à plus de 100 km.
Après 50 km, il y a une station service et une intersection vers Hampden. La route change de direction et j’ai maintenant le vent de face. Il est temps de penser à arrêter, mais il n’y a rien, même pas de chemin forestier. Quand j’en croise enfin un, il mène à un chantier. Pas bon. À l’intersection, une camionnette est arrêtée, un des pneus de sa roulotte s’étant désintégré. Je peux leur préciser les distances jusqu’à la station service et Deer Lake.
Quelques centaines de mètres plus loin, un pont, un estuaire, quelques roulottes et un emplacement utilisable. Je vois enfin le lac, mais je ne peux camper près de l’eau : je suis plutôt sur l’ancienne route, environné de trop de déchets. Tant pis, c’est ici que je dormirai.
S’il n’y a pas d’humains en vue, les moustiques sont nombreux. C’est un cas de pantalons, polar, casquette, filet et bas de néoprène. Je m’organise rapidement : arrivé à 19 h, j’entre pour de bon dans la tente 45 minutes plus tard. J’ai le temps de terminer le journal avant que la nuit ne tombe complètement. À 21 h 15, dodo !
km jour : 65,9
km total : 1855
départ / arrivée : 14 h 15 / 19 h 00
temps déplacement : 3 : 16
vitesse moyenne : 20,2
vitesse maximale : 40,9