Gravier et grisaille

> Havre Boucher – 115 km
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Samedi. C’était prévisible : la nuit a été excellente. Quand je me lève, vers 7 h, le ciel est bien gris. Comme la tente n’est que légèrement humide, je me dépêche de la mettre dans l’abri cuisine, mais la pluie ne vient pas. Il est 8 h 30 quand je prends la route.

Je fais une dizaine de kilomètres sur la transcanadienne avant de bifurquer vers le sud. Le bitume est moins beau, mais le paysage s’annonce meilleur et les autos rarissimes. C’est bien le cas. Cette route compte de nombreuses côtes, mais pas trop abruptes.

À Orangedale, tout petit village, je rate une intersection et me ramasse sur une route en gravier. C’est vraiment joli, cohérent avec la carte, mais c’est un cul-de-sac.

Je reviens sur mes pas, reprends la bonne route et constate que le pavage n’y est pas bien meilleur que le gravier. Plus loin, je roule quelques kilomètres sur un gravier bien pire que celui de mon détour, avec de la planche à laver et des trous… Je comprends pourquoi il n’y a pas de circulation.

De retour sur le pavage – pour ce qu’il en reste –, je profite de belles baies. En revanche, je dois slalomer entre les trous et les bosses. Quelle mauvaise route ! En plus, il y a beaucoup de maisons abandonnées…

D’autres sont gardées férocement. Je dois tester sur un cabot « volontaire » un système de protection des mollets cyclistes : un jet d’eau sur le museau. Il semble que ça marche, mais je devrai travailler la précision du tir.

À Marble Mountain, je dîne sur un très joli belvédère ouvrant sur la baie et les îles. Les nuages dominent malgré quelques percées de soleil. Le vent d’est m’est utile en me faisant avancer plus facilement mais annonce la pluie. Celle-ci, trop faible pour déranger, commence vers 13 h 30, tout de suite après West Bay.

Je ne roule plus près de l’eau, mais en forêt. Je rejoins une route plus importante. Il y a moins de trous mais plus de voitures. Comme les conducteurs sont courtois, ce n’est pas difficile.

J’arrive à Port Hawkesbury. Depuis tôt ce matin, je n’avais vu aucun commerce : ils sont tous ici. Je fais une épicerie. Une dame âgée, acadienne, me parle en français, une langue qu’elle semble peu pratiquer mais qu’elle aime. À la station service où le fais le plein – d’eau –, la caissière est originaire de la banlieue de Montréal. Un homme s’intéresse beaucoup à mon vélo, posant plein de questions, prenant des notes.

La pluie est plus forte, mais toujours pas problématique. Je poursuis sur un large boulevard jusqu’à la digue qui relie l’Île du Cap-Breton à la terre ferme.

Bientôt, je prends une route secondaire, puisque l’autoroute n’est pas pour moi. C’est calme, et en prime la pluie cesse. Peu après Havre Boucher, un terrain de camping. Il n’est pas tard, mais avec un ciel douteux et déjà 115 km aujourd’hui, c’est ici que j’arrête.

J’ai le temps de monter ma tente, de manger et de faire la vaisselle avant qu’un petit crachin s’installe. Je passe à la douche et j’appelle mon frère. Rien de bien spécial à Montréal.

Je m’installe dans la buanderie pour écrire. C’est souvent là que c’est le plus simple de garder l’ordinateur en charge. En revanche, la connexion Internet est assez précaire : je ne peux même pas lire mes courriels. Pas grave. En revanche, mon ordinateur installe une mise à jour, ce qui lui prend du temps. Quand je rejoins ma tente, la pluie a cessé.


km jour : 113,6
km total : 2720
départ / arrivée : 8 h 30 / 17 h 10
temps déplacement : 6 : 18
vitesse moyenne : 14,7
vitesse maximale : 54,5
camping : 23$

Bras d’Or sous le soleil

> Whycocomagh – 110 km
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Vendredi. Sur le bateau, la nuit a été calme, mais pas très confortable pour dormir. Un fauteuil, c’est bien, mais un lit, c’est mieux.

Je m’éveille pour de bon à 8 h. Pour compenser la mauvaise nuit, il fait très beau et il en est ainsi pour toute la journée. Je déjeune à mon siège, puis Luke et moi sortons sur les passerelles pour l’accostage à North Sydney, profitant du paysage et du beau temps. Nous touchons terre vers 9 h 15 et quittons le navire.

J’arrête au bureau d’information touristique pour me changer, faire le plein d’eau et surtout pour mettre à jour les courriels, dont un envoi aux amis. La jeune préposée est très gentille et jolie. Elle me propose un itinéraire à suivre.

Arrêt suivant : l’épicerie. Mes réserves sont basses, je les remets à niveau. Je dois revenir à l’information touristique, car j’y ai oublié mes bouteilles d’eau, qui m’attendent sagement là où je les avais laissées.

Donc, je pars tard : il est 11 h 45 quand je quitte pour de bon. Je rejoins St. Andrews Channel que je vais longer une bonne partie de l’après-midi. C’est l’une des nombreuses baies du lac Bras d’Or, qui occupe le cœur de l’Île du Cap Breton.

Selon la carte, il y a une série de petits villages, mais la plupart d’entre eux n’ont aucun noyau urbain : il y a des maisons de temps en temps, et c’est tout. Je retrouve avec plaisir les indications bilingues, en anglais et en breton. En général, la route est en bonne condition, avec de  belles vues et pratiquement aucune circulation. Malgré le vent de face, ça avance bien.

À la suite d’une erreur d’aiguillage – il n’y a aucune indication –, je passe quelques kilomètres dans les bois et les côtes sur une route parallèle.

Entre Grand Narrows et Iona, il y a deux ponts, un pour la route et l’autre pour le chemin de fer. Ce dernier est ouvert en permanence pour la navigation, tandis que la route a une section qui bascule au besoin. C’est un coin très joli.

Ici, à Iona, j’ai deux options. Je pourrais prendre la route principale, plus directe, ou passer par la pointe est de la presqu’île. Ça semble plus beau, c’est mon choix. C’est bon : il y beaucoup de belles vues et aucune circulation. Je note un petit parc qui met en valeur d’étranges falaises blanches, de belles anses, puis une grosse montée suivie d’une descente équivalente sur une très mauvaise chaussée, puis le retour le long de baies illuminées de soleil. Un beau détour.

Pour poursuivre ma route, il y a un petit traversier qui court le long d’un câble entre les deux rives. C’est très rapide, moins de trois minutes.

Ensuite, je roule sur la transcanadienne. Maintenant, il y a de la circulation, mais aussi un bon accotement. Je passe devant un camping, mais ça ne semble pas être celui que j’attends. Effectivement, quelques minutes plus tard, j’arrive dans un joli parc provincial. Il est temps, il est déjà passé 19 h.

Les formalités sont inattendues : je pourrais payer directement avec la somme exacte – que je n’ai pas –, par Internet ou par téléphone par une ligne dédiée. C’est l’option que je choisis. Après un essai infructueux, je parle à Marilyn, une québécoise adepte du cyclotourisme. Tout s’arrange facilement, malgré un tarif excessif.

Je plante ma tente à l’emplacement choisi, très bien à tous points de vue. Je mange puis m’installe sur une sécheuse pour écrire le journal tout en rechargeant mon ordinateur. Ensuite, c’est la douche et le dodo. Je pense que je vais très bien dormir…


km jour : 111,4
km total : 2606
départ / arrivée : 11 h 45 / 19 h 15
temps déplacement : 6 : 30
vitesse moyenne : 17,1
vitesse maximale : 65,0
camping : 27 $

Un navire dans le brouillard

> Argentia – 3,3 km > Sydney (traversier) – 425 km
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Jeudi. Finalement, il n’a pas plu sérieusement mais le brouillard est omniprésent. Je me lève à 9 h 45, un record de grasse matinée depuis que je suis en route. La tente est presque sèche, alors je m’empresse de la ranger. Je charge le vélo, je déjeune tranquillement et je suis au terminus maritime dès 11 h 35. Pas trop stressant.

Pour le moment, Internet ne fonctionne pas, alors il est impossible de compléter les formalités pour l’accès à bord. Je me replonge enfin dans un texte signé Roger, sa thèse de maîtrise, que je goûte : beau travail, bien intéressant.

Le brouillard est dense : on voit à peine l’énorme bateau amarré juste devant. Plus tard, le brouillard lève un peu à la faveur de la pluie, puis revient pour rester. La pluie finit par arrêter, mais nous restons tranquillement à l’intérieur.

Je suis avec Luke. Parfois, nous discutons, parfois nous nous occupons chacun de notre côté. Je travaille un peu sur le carnet de chants, un projet que j’ai hâte de terminer mais qui prend du temps.

Internet ne redémarre pas. Les employées doivent faire tout le travail à la main, ce qui prend beaucoup plus de temps que normalement. Je reçois enfin une carte d’embarquement normale, mais il est plus de 17 h 30 quand je monte à bord. Je fixe mon vélo sur un côté du bateau avec ma propre corde, puis je monte afin de trouver un siège, puisque je n’ai pas de cabine. Ce n’est pas simple, mais Luke m’a gardé une place dans un des petits salons où il est possible de passer la nuit dans de bons fauteuils. Merci !

Il est 18 h 40 quand nous appareillons. Le brouillard reste dense, même si le soleil fait une fugitive apparition à 18 h 49. Ensuite, c’est à peine si on devine la mer sur laquelle nous voguons.

La nuit tombe tranquillement, la navigation est calme, tout comme le salon où nous sommes installés. À bord, les prises de courant sont au format européen, donc je ne peux brancher mon ordinateur, mais la batterie est pleine. J’avance donc bien dans la mise en page du carnet de chants, jusqu’à ce que la batterie soit presque vide. C’est maintenant l’heure de dormir, il est 22 h 30. Bonne nuit.


km jour : 3,3
km total : 2494
temps déplacement : 0 : 10
vitesse moyenne : 19,8
vitesse maximale : 37,8
traversier : 148 $

Vers le traversier

> Argentia – 85 km
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Mercredi. Il y a exactement un mois qui je suis sur la route. Mon site de camping a plutôt bien fait dans les circonstances, même si ce n’était pas très plat… 

Après une nuit très humide mais calme, je me lève tôt car la météo annonce le retour de la pluie en fin de journée. En attendant, c’est bien gris.

Je démarre rapidement car les moustiques sont désagréables. Le plan est simple : rallier Argentia et prendre  le traversier à 17 h.

Je parcours environ 10 km avant de déjeuner au bord de l’eau à New Harbour. À partir d’ici, j’ai un bon vent de face pour la journée.

Après un bref passage le long de Trinity Bay, je longe Dildo Pond avant de rejoindre la T. C. H., toujours aussi passante et stressante, mais pour deux kilomètres seulement. Ensuite, c’est la route 100 qui traverse des landes, puis des landes et encore des landes. Heureusement, l’accotement pavé est large et assez propre, et il n’y a que très peu de circulation.

Une bonne descente me mène le long de la North East River. À partir de Dunville, le paysage change : ce n’est plus le plateau, mais une vallée assez encaissée. Il y a de jolies baies et plus de relief : c’est vraiment beau malgré le temps douteux.

Une bonne montée, une bonne descente, et j’arrive à la gare maritime. Il y a de la place, comme prévu, mais je suis pas mal d’avance : il sera à 17 h… demain ! Surprise, mais avantage : il y a un camping tout près et j’ai pas mal de choses à faire.

Un grand brouillard envahit le paysage. Je pars à la recherche du camping, mais les indications sont imprécises. Je le trouve en haut de la colline. En principe, il offre une vue panoramique sur la mer, mais pour l’instant c’est bien bouché.

Il n’y a personne au bureau, mais d’autres campeurs me disent de m’installer et d’appeler, ce que je fais. Il tombe un petit crachin et il vente assez fort. La préposée arrive après ma douche, très appréciée après ces trajets. Le tarif est très raisonnable, pour une fois.

Il ne pleut plus, alors je m’installe dehors pour écrire alors que ma serviette et mes vêtements de vélo sèchent au vent. Vers 17 h, le brouillard se lève et un horizon de mer se dévoile, avec de petits trous bleus dans le gris. La pluie viendra bien assez vite.

Luke, jeune motocycliste ontarien, monte sa tente près de la mienne. Nous mangeons ensemble dans la cuisinette mise à notre disposition. Bob, un retraité, vient nous faire un bout de causette bien agréable. Comme prévu, la pluie arrive sous forme d’un bon crachin vers 19 h, mais elle ne dure pas et nous avons droit à un ciel coloré de toute beauté.

Bien installé dans le coin cuisine, je termine la mise à jour du journal et le tri des récentes photos, un travail agréable mais qui prend du temps. Il n’y a pas de connexion Internet, alors tout partira un jour…

Comme rien ne presse pour demain, je termine ma soirée avec le film « La famille Bélier », une histoire de musique et de famille que j’ai sur mon ordinateur depuis mon arrêt à St.John’s. Merci, Luc !


km jour : 86,2
km total : 2491
départ / arrivée : 7 h 45 / 14 h 30
temps déplacement : 7 : 30
vitesse moyenne : 16,6
vitesse maximale : 61,5
camping : 15 $

                    86,2           2491,0            7 h 45   > 14 h 30
                    16,6                61,5              7 : 30      15,00 $

Baccalieu Trail

> New Harbour – 120 km
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Mardi. Passage obligé des arrêts chez des amis : le départ. La rencontre a été très agréable, mais il est temps de reprendre la route.

Après une bonne nuit, la routine du matin entraîne son tourbillon. Après le déjeuner, Luc quitte avec Madeleine. Mon matériel est pas mal prêt, mais j’ai quand même besoin de quelques minutes. Il en est de même pour Clotilde et Jacqueline, qui vont à la piscine. Nous nous quittons à regret.

Il fait un temps splendide. Avant de prendre la route pour de bon, je fais un détour de quelques kilomètres pour l’épicerie. Il est déjà tard quand je pars pour vrai.

Laissant l’aéroport derrière moi, je longe le lac Windsor, source d’eau potable pour St. John’s et donc protégé.

Après le plateau, une descente sinueuse me mène à Portugal Cove, un joli village d’où part le traversier vers Bell Island, juste au large. De côte en côte, j’arrive à Topsail avec sa plage très fréquentée. C’est le début de Conception Bay South, une zone urbanisée et très commerciale. Il y a du monde et beaucoup de voitures, un mauvais moment à passer.

À partir de Holyrood, j’emprunte Baccalieu Trail, une route côtière [1]. C’est une succession de petits villages au fond de baies, entrecoupés de passages plus montagneux. C’est agréable, surtout qu’il fait toujours très beau. En revanche, la route n’est pas en très bonne condition, alors je dois être vigilant. Étonnamment, il y a de petites erreurs sur ma carte, des villages mal situés ou intervertis.

Après South River, c’est plus urbanisé et il y plus de circulation. J’avais imaginé y trouver un joli camping sauvage en bord de mer…

En fin de journée, il me faut planter ma tente, mais à ma connaissance il n’y a pas de camping par ici. Le ciel se couvre – hum… – et je ne trouve toujours rien. Un chemin vers la gauche est un dépotoir sauvage ; un sentier vers la droite est plein de gros cailloux ; les lacs à gauche, réserve d’eau potable, sont interdits d’accès. Il est déjà tard quand un sentier à droite s’avère être un choix potable. Il est grand temps, la nuit tombe.

En quelques minutes, je monte la tente, organise mon matériel et mange avant de disparaître pour la nuit. Il fait déjà presque noir…


[1] L’île Baccalieu est une petite île inhabitée à l’extrémité nord de la baie Conception. Cette réserve écologique abrite une importante colonie d’oiseaux. Le nom baccalieu viendrait du portugais baccalhau (morue).


km jour : 119,9
km total : 2405
départ / arrivée : 10 h 15 / 20 h 10
temps déplacement : 7 : 30
vitesse moyenne : 15,9
vitesse maximale : 53,3

Piscine, table et colline

St. John’s (Signal Hill)
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Lundi. Encore aujourd’hui, il fait très beau. Nous nous levons au retour de Clotilde, un peu zombie après deux jours sans vraiment dormir.

Luc donne un cours à l’université, Madeleine est chez une gardienne et Clotilde a besoin de repos, alors je pars avec Jacqueline pour une bonne baignade à la piscine municipale. Nous marchons le trajet et nous nous amusons bien dans l’eau.

Après le repas, Clotilde retourne dormir, Jacqueline lit, et je fais de petits travaux. Au matin, j’avais arrangé une poignée de porte défectueuse – la salle de bains ne fermait pas bien – et je m’attaque à une première couche de peinture sur une table à pique-nique toute neuve tout en supervisant le séchage de la lessive du jour. Tout est bien calme.

Au retour de Luc et de la voiture – cette dernière était en réparation –, nous nous préparons pour une randonnée et un pique-nique à Signal Hill, le cap faisant face à Fort Amherst à l’entrée de la baie.

Le début du sentier est étonnant : nous traversons entre les maisons par des passages et des escaliers, car elles sont construites sur une pente abrupte sans routes pour voitures. Magnifique !

Ensuite, le sentier s’accroche – confortablement, car il y a de nombreux escaliers et passerelles – à une paroi souvent vertigineuse. Les vues  sont constantes et spectaculaires. Nous ne sommes pas seuls : c’est le rendez-vous des coureurs et marcheurs de la ville.

Plus loin, un bout du sentier est un peu abrité du vent qui s’époumone. En prime, nous bénéficions de la vue sur une baie de toute beauté.

Un long escalier nous mène au sommet de Signal Hill. Ici, il y a du monde puisqu’il est possible de s’y rendre par la route, en bravant les embouteillages. Nous arrivons juste à temps pour profiter du coucher du soleil.

Luc redescend rapidement chercher la voiture alors que nous allons le rejoindre tranquillement tout près d’ici. La descente dans la nuit qui tombe rapidement aurait été difficile pour les filles.

Nous finissons la journée avec une visite de la vieille ville, puisque Clotilde, qui ne manque pas de talents, est également guide touristique. Mes amis n’étirent pas leur soirée, car la fatigue est là. De mon côté, je prépare un courriel collectif. Demain, je reprends la route.


Autour de St. John’s

St. John’s (Cape Spear) – 60 km
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Dimanche. Quelle bonne nuit ! En plus, c’est l’été aujourd’hui, magnifique, chaud et ensoleillé.

Nous déjeunons en famille, mais nous ne passerons pas la journée ensemble. Après les routines du matin, mes amis partent à la pêche en mer, une première pour les filles. Cette activité avait été planifiée de longue date.

De mon côté, je ne suis pas mal pris : je pars à vélo, mais sans bagages. Yé ! Je suis bien préparé : Clotilde m’a fourni itinéraire et carte.

Première étape : Fort Amherst, à l’entrée de la baie. Auparavant, il faut traverser la ville. En approchant du port, les côtes sont abruptes, mais descendent. De l’autre côté de la baie, un itinéraire vélo assez achalandé serpente entre quais et falaise, offrant de très belles vues sur la ville et la mer. Et le vieux fort, assez décrépit, occupe un site magnifique. Le phare, lui, est en bon état.

Deuxième étape : Cape Spear, lieu historique national et point le plus à l’est de l’Amérique. Pour s’y rendre, de grosses côtes que je n’aurais pas monté avec les bagages. Sur place, des phares et des anciennes fortifications, et surtout des paysages magnifiques de mer et de landes.

Le site est très fréquenté et je prends le temps d’en profiter. C’est aussi très venteux, sans arbres. J’apprécie mon petit polar. Il y a de nombreux sentiers, dont celui qui suit le littoral. Un jour, peut-être…

En arrivant, j’avais vu passer la voiture de Paul. Au retour, je croise Connor et Cole, qui en sont à quelques kilomètres de terminer leur traversée du Canada. Vélocitations !

Troisième étape : Petty Harbour, joli village de pêche. En chemin, je réajuste ma roue avant afin que le frein ne touche plus à l’étrier, un réglage qui se doit d’être parfait. En arrivant au village, un homme nettoie son camion. Son compresseur me permet de remettre mon pneu arrière à sa pression normale. Maintenant, le vélo va bien.

Le village est vraiment magnifique, disposé en gradins autour d’une baie étroite. En remontant la rivière, une costaude conduite forcée mène l’eau d’un réservoir vers une petite centrale hydroélectrique. Près du barrage, la conduite n’est plus en acier mais en bois et devient plutôt une fontaine étrange couverte de végétation.

Le retour est facile avec le vent de dos et un relief assez confortable. Il est déjà tard, mais j’arrive avant mes amis. Ceux-ci sont très satisfaits, qualifiant leur pêche de miraculeuse. Et grâce au vent de terre et au grand soleil, c’était très confortable.

Après le souper, assez tardif, il est temps de coucher les enfants. Les adultes passent au cinéma avec « Aïcha », une émission de télé française dépeignant les tribulations de familles immigrantes dans les banlieues parisiennes. Un portrait intéressant. Nous allons tous au dodo, sauf Clotilde qui travaille à nouveau cette nuit. Elle risque d’être assez fatiguée demain…


km jour : 59,3
km total : 2285
départ / arrivée : 11 h 00 / 18 h 15
temps déplacement : 3 : 38
vitesse moyenne : 16,3
vitesse maximale : 61,3

Terra Nova et bus

> Port Blanford – 85 km > St. John’s – 220 km
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Samedi. La pluie n’a pas été forte et je n’ai presque rien entendu : j’avais mes bouchons, à cause de la proximité de la route. Je me lève un peu avant 9 h et je me prépare tranquillement, puisque les possibilités d’averses restent élevées ce matin.

Je prends la route peu après 11 h. Côté météo, c’est froid, gris, sans aucun rayon de soleil de toute la journée, mais sans plus de pluie.

La route est de plus en plus montagneuse, il y a de la circulation mais c’est plus varié et joli malgré la grisaille. Je passe au-dessus du village de Gambo et de son vaste estuaire, puis j’entre dans le Parc Terra Nova. Je me contente de le traverser sans le visiter, car il est plus tard que prévu.

Je vais continuellement de montée en descente. Il y a plusieurs lacs et cours d’eau, mais peu de vues sur la mer. La circulation est assez présente mais se gère bien grâce au large accotement.

Alors que je découvre enfin un paysage ouvert sur un bras de mer bien gris, je dois prendre une pause imprévue pour une crevaison : un tout petit bout de fil de fer bien rigide a fini par passer au travers de ma chambre à air arrière. Ça se répare facilement, mais ça prend du temps. Heureusement, j’avais bien calculé mon temps de parcours. En revanche, ma petite pompe ne me permet pas de remettre mon pneu à sa pression normale, mais je peux compléter les derniers kilomètres.

Un kilomètre avant la fin, je trouve un bout de tuyau de silicone. C’est parfait, j’en avais besoin pour pouvoir stabiliser ma fourche quand j’enlève la roue avant.

J’arrive à l’arrêt 45 minutes avant l’autobus. Comme je suis prêt rapidement, j’ai le temps de manger avant d’embarquer, ce qui est très simple. Le conducteur a une assistante qui accueille les passagers. Ce n’est pas très cher : 43 $.

Bien installé dans le confortable véhicule – choc culturel après tant de vélo –, j’ai un petit regret : cette portion de l’itinéraire offre enfin de très beaux paysages montagneux et spectaculaires. Alors que le jour baisse – en gris, bien sûr –, la route 1, qui avait été sans grand intérêt pour un bon bout, est maintenant bien belle.

Sur la fin de son trajet, l’autobus devance son horaire et nous descendons au terminus de l’université 20 minutes plus tôt que prévu. J’appelle Luc qui arrive rapidement puisqu’il habite tout près. C’est un grand plaisir de se retrouver.

Après vérification, je lui confie mes bagages et je pédale derrière sa voiture. C’est bien plus simple que d’y entrer le vélo.

Clotilde et les filles – Jacqueline et Madeleine, 8 et presque 3 ans –, me font un excellent accueil. À la maison, c’est la soirée cinéma en famille. Au programme, les Schtroumpfs en version très américanisée.

Il est quand même tard, alors nous prenons nos quartiers de nuit. Je dors même dans une chambre !  Clotilde n’a pas cette chance : elle travaille cette nuit. Elle veille une dame atteinte d’un cancer avancé afin de donner un répit à sa famille. Malgré tout, elle fera sa journée demain…


km jour : 84,2
km total : 2226
départ / arrivée : 11 h 15 / 17 h 45
temps déplacement : 4 : 50
vitesse moyenne : 17,4
vitesse maximale : 50,2

TCH – Trans Canada Highway

> Gambo – 135 km
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Vendredi. Demain, août et le terme du voyage qui approchent trop rapidement.

Ce matin, j’ai été accueilli par un joli lièvre un peu timide devant la caméra. Il n’a pas fait froid, ça n’a pas été très humide, seul mon double toit et mon chandail lavé hier sont mouillés. En revanche, le ciel est gris malgré de discrets rayons de soleil.

Je salue mes voisins cyclistes, qui partent en même temps que moi. Je traverse le village afin de trouver de l’eau potable – celle du camping ne l’était pas – et une épicerie. Je ne trouve que l’eau, mais c’est l’essentiel pour maintenant.

Je reprends l’autoroute où le trafic est assez dense. Connor et Cole passent devant moi, je ne les reverrai plus aujourd’hui. Le gris du ciel se transforme en petit crachin. Un peu après Bishop’s Falls, je rattrape un petit groupe de jeunes marcheurs que j’avais dépassé hier en fin de journée. Partis à pieds de Victoria, BC, le 1er mars, ils achèvent la traversée du pays. Toute une épopée !

Le crachin cesse peu à peu, mais le soleil reste rare. Jusqu’à la jonction Notre-Dame, il y a de bonnes côtes. Je dîne au kiosque d’information touristique puis j’avance entre conifères, tourbières et marais, un paysage sans grand relief.

À Gander, une grosse épicerie me permet de faire mes courses, puis je longe en le voyant à peine l’immense lac Gander. C’est ensuite une montée de quelques kilomètres, puis une rapide descente vers le lac Square Pond, un peu avant Gambo. Il y a un grand camping. J’hésite un peu car il est cher – 30 $ – pour un coin de gravier à côté de la route sans même une table. En revanche, il y a douches et Internet. Et le ciel reste bien indécis…

Je monte la tente – j’ai développé de bonnes techniques pour l’installer sur presque n’importe quoi –, je mange sur une table inutilisée puis j’appelle Luc. Demain soir, je terminerai le trajet vers St. John’s en autobus : j’en ai assez de la T. C. H. avec trop de véhicules et sans grand intérêt, si ce ne sont les trop nombreuses croix en mémoire des victimes de la route…

Je m’installe dans ma tente pour écrire en musique jusqu’à la nuit tombée. Ensuite, je m’occupe des courriels et de la météo – pluie jusqu’à demain 11 h – et dodo.


km jour : 135,5
km total : 2142
départ / arrivée : 7 h 45 / 18 h 05
temps déplacement : 7 : 18
vitesse moyenne : 18,5
vitesse maximale : 54,7
camping : 30 $

Machine ?

> Grand Falls-Windsor – 150 km
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Jeudi. La nuit a été très humide. Mon double toit est bien trempé quand je me lève peu après 6 h. Je range et charge, puis je vais près du lac, sur la route, pour manger avec une belle vue, pas de moustiques et de l’eau pour la vaisselle.

À 300 m vers le nord, des automobilistes arrêtent régulièrement pour examiner une masse sombre sur l’accotement. C’est un orignal tué par un camion cette nuit : j’ai été réveillé par un grand coup de klaxon. Je ne m’approche pas : j’aime mieux les orignaux vivants.

Il fait un temps radieux. Les quelques nuages qui s’accrochaient encore se dissipent rapidement et le ciel se dégage complètement. Il fera relativement chaud.

Au départ, je longe le lac. Surprise, il y a un genre de camping à deux kilomètres de l’endroit où j’ai dormi. Aucun regret.

Le lac Birchy offre de belles vues dont je profite longtemps, puisqu’il s’étend rectiligne sur plus de 20 km entre deux rangées de petites montagnes.

La route n’est pas difficile : les montées comme les descentes sont douces et l’accotement est habituellement accueillant.

Il n’y a pratiquement rien d’origine humaine en dehors des chemins et de quelques chalets. Aux rares intersections, on trouve une station service avec dépanneur, et c’est tout. Une de ces intersections mène vers des lieux aux noms francophones, dont Fleur de Lys, Baie Verte, La Scie, Pacquet, témoins d’un passé révolu…

J’ai un très léger vent de face jusqu’à l’intersection vers King’s Point. J’aurais le goût d’y aller, ça semble bien beau, mais je me retiens. J’explorerai plus loin.

J’arrête pour manger et je vois arriver deux jeunes cyclistes sans bagages qui rejoignent une voiture. Nous nous présentons. Paul accompagne ses fils Connor et Cole, 19 et 17 ans, qui traversent le Canada cet été tout en en recueillant des fonds pour la protection de l’eau www.thewatercycleproject.com. Ils sont vraiment enthousiastes.

Je reprends ma route sous un  ciel qui s’ennuage tranquillement. Un orignal bien vivant m’attend sur le bord de la forêt, mais au moment où la caméra est prête lui ne l’est plus et il entre dans le bois. Je garde une photo dans ma tête.

J’ai un bref aperçu de la baie Halls et je croise South Brook, le premier hameau depuis Deer Lake, plus de 120 km à l’ouest. La route vire franc sud et j’avance rapidement, poussé par un bon vent du nord-est. Je traverse un paysage vallonné, marqué par le travail de castors hyperactifs.

Lors d’une pause à l’écart de la route, je vois passer Connor et Cole. Je les rejoins plus loin, alors qu’ils prennent une pause à leur tour. Nous jasons encore, heureux de nous retrouver. Je repars, et ils me dépassent au moment où je rejoins le camping que je visais depuis ce matin.

Il est 15 h 30, je n’ai parcouru que 110 km est je suis en pleine forme. De plus, le camping est immense et rempli de VR énormes. Je décide de continuer ma route.

À partir de Badger, le village suivant, la route repart vers l’est et j’ai un fort vent de face jusqu’à la fin du trajet. Ça devient plus dur, mais je ne suis pas inquiet car il y a quelques campings à Grand Falls-Windsor, une ville plus importante.

Le premier sera le bon. Il est bien plus simple que le précédent. Le ciel est maintenant bien gris, alors je m’installe en fonction de la pluie, m’assurant que ma tente est bien sèche à l’intérieur. Je vois arriver un véhicule connu : Paul, Connor et Cole sont bien étonnés de me voir rendu ici : « You are a machine ! » Il s’installent non loin puis vont manger en ville.

De mon côté, je ne bougerai pas ce soir. Alors que j’achève mon repas, un léger crachin commence à mouiller le campement. J’installe le chandail que je viens de laver sur une corde dans mon vestibule : il ne sèchera pas beaucoup, mais ne se mouillera pas plus qu’il ne l’est.

Après la douche, je m’installe dans la buanderie pour écrire au sec tout en rechargeant l’ordinateur. Dehors, la pluie s’intensifie avant de cesser. Je termine le journal, puis dodo. Il est quand même près de 23 h.


km jour : 151,1
km total : 2006
départ / arrivée : 7 h 45 / 17 h 45
temps déplacement : 7 : 47
vitesse moyenne : 19,3
vitesse maximale : 50,8
camping : 25 $