La piste magique

> Log Cabin Resort (Lake Crescent) – 80 km
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Vendredi. Ce matin, c’est bien sec et ma tente apprécie le bref rayon de soleil. Je me lève vers 7 h 30 et m’occupe du journal avant de me préparer. Le temps passe vite, il est passé 10 h 15 quand je quitte, ayant quand même laissé le commentaire prévu à propos du site de camping.

Je fais mes courses à Forks, seule épicerie du jour, puis reprends la 101 qui monte doucement dans la vallée de la rivière Sol Duc. Tout autour, les montagnes sont de plus en plus hautes sous un ciel bien gris mais sans apparence de pluie.

Juste avant Sappho, je prends un itinéraire vélo très calme, sur Mary Clark Road, comme suggéré hier par un cycliste. À part les inévitables coupes de bois, c’est vraiment beau et j’en ai pour 16 km, rejoignant la « Olympic National Forest ».

Au moment où je crois devoir reprendre la 101, je vois une piste cyclable toute neuve, sans aucune indication mais qui semble aller dans la bonne direction. Je prends le risque… et la piste.

C’est absolument superbe, en plein bois, facile et je n’y croise presque personne. Je continue donc dans un total ravissement sur une bonne dizaine de kilomètres. En chemin, je croise une famille – des parents et deux fillettes – qui me confirme que je rejoindrai la 101. Auparavant, la douce ligne droite devient une brève montée en lacets avant de rejoindre un chemin forestier bien pavé lui aussi. L’itinéraire pour la 101 n’est pas indiqué, mais un conducteur croisé au moment opportun m’indique la bonne direction, qui n’était pas évidente.

Je note attentivement les coordonnées – ça pourrait servir à quelqu’un – et retrouve la grande route pour deux kilomètres. À gauche, visiblement, la piste cyclable se poursuit. Je la prends.

Elle monte pas mal fort pour un ou deux kilomètres, puis descend en lacets. C’est de toute beauté dans la forêt pluviale, mais je dois être prudent car la piste est souvent couverte d’aiguilles de sapin. Une table à pique-nique m’attend pour un petit repas, puis une intersection m’indique enfin le nom de la piste : je suis sur la « Olympic Discovery Trail », dans le « Olympic National Park ».

Maintenant, la piste, toujours superbe, descend doucement pour des kilomètres. Je croise une famille à vélo – sans bagages – et nous échangeons des informations. Ils me confirment que je suis sur la rive nord du Lac Crescent, sur une piste dont une section serait difficilement praticable, réservée aux vélos de montagne. Je prends le risque : je peux toujours marcher au besoin…

Comme prévu, l’asphalte se termine soudain et je me retrouve sur une étroite piste en terre avec racines, plantes envahissantes, pierres, etc. Le sport, le vrai, commence. Le trajet reste majoritairement cyclable, technique, exigeant et vraiment de toute beauté. J’avance avec précautions, mais ça va à peu près. Je m’approche tranquillement du lac. Un bout de rail oublié confirme que je suis sur un ancien chemin de fer, mais abandonné depuis des décennies d’après la végétation et les nombreux éboulis.

Plus loin, près d’un ancien tunnel à demi effondré, il me faut mettre pied à terre et pousser le vélo pour contourner un cap sur un sentier pierreux et étroit. Difficile mais spectaculaire. Des gens en kayak qui y accostent au moment où j’arrive me donnent un coup de main.

Plusieurs autres passages exigent de marcher, trop étroits, trop pierreux, trop à pic. C’est tout un travail ! Finalement, j’émerge en retrouvant un stationnement. Inspection des fruits : il y a des dégâts compréhensibles. Je mange immédiatement deux prunes assez amochées, deux autres devront tenir jusqu’à ce soir. Il faudra aussi voir aux cerises : celles du dessous sont pas mal aplaties.

Deux cyclistes arrivent. Laith et Jennie sont de Vancouver. Ils me donnent plein d’indications pour là-bas, je leur confirme ce qui les attend et nous apprécions une belle rencontre cycliste. Ils partent sur le sentier, je leur souhaite bonne chance car il est déjà tard.

De mon côté, je vois du bleu envahir le ciel. Le dégagement ! Et comme il se fait tard, je vais voir s’il y a de la place au camping voisin, le « Log Cabin Resort ». Il reste un site pour roulotte, mais que je paie au tarif tente, assez élevé, de 25 $. Mais c’est sur le bord du lac, avec les sommets de plus de 1000 m tout autour, illuminés par le soleil malgré les lambeaux de brume qui s’attardent encore. Magique !

Je monte ma tente, bien sèche, je mange en vitesse, je prends ma douche, puis je fais un vrai lavage, à la machine, et un séchage de la même manière. Après presque trois semaines, ce n’est pas un luxe ! J’y rencontre un couple bien sympathique, Laura et Pat, avec qui nous jasons agréablement.

C’est aussi l’occasion de rédiger le journal bien confortablement et bien branché, ainsi que de trier les très nombreuses photos du jour. À 23 h 30, tout est terminé. Dodo !

km jour : 80,1
km total : 1906
départ / arrivée : 10 h 15 / 18 h 45
temps de trajet : 5 : 10
vitesse moyenne : 15,4
vitesse maximale : 44,2
camping : 25 $

Heureusement, des bouts de forêt

> Bogachiel State Park (Forks) – 105 km
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Jeudi. À nouveau, il a plu toute la nuit, et ça se poursuit au petit matin. Heureusement, le site est vraiment splendide, un des très beaux du voyage. Je me prépare tranquillement et la pluie a cessé quand je sors enfin d’une tente trempée dehors, sèche en dedans. Une des cordes a perdu sa tension cette nuit : elle semble avoir été coupée net ! Un animal ?

Il est 10 h quand je quitte le camping. J’arrête à un robinet pour le plein d’eau, puis à la bibliothèque d’Amanda Park pour les courriels. La connexion est vraiment précaire, mais je réussis, de coupure en reconnexion, à envoyer un courriel collectif et à mettre jour les photos. Certains apprécieront, je crois, car le trajet est souvent très beau.

Ça a pris beaucoup de temps : il est près de 12 h quand je prends réellement la route. Après un trop petit bout dans la magnifique forêt humide environnée de montagnes, je retrouve la routine : les longues lignes droites, les résineux, les coupes de bois. Il y a juste un peu plus de relief qu’hier, mais rien de bien compliqué.

Côté météo, c’est frais. Jusqu’en milieu d’après-midi, un petit crachin occasionnel inquiète un peu, et le ciel reste presque toujours bien gris.

Sur ces routes, les bâtiments sont rares, souvent délabrés sinon abandonnés. Parfois, je peux rouler des dizaines de kilomètres sans aucune construction.

Je croise Andrew, du Colorado. Il étudie à Spokane WA et espère se rendre à San Francisco en 10 jours. J’ai un doute : j’en ai mis 20 à raison de près de 100 km par jour…

À Queets, il y a un gros dépanneur, le premier et dernier point de ravitaillement possible depuis Quinault. Heureusement, j’ai déjà tout ce qu’il me faut. Je quitte la réserve Quinault pour entrer dans le Parc national Olympic. Il y a deux campings, une auberge, des plages sur le Pacifique, mais surtout la magnifique forêt humide avec ses arbres majestueux, ses mousses, ses fougères et les jolis ravins creusés par les nombreux cours d’eau.

J’y croise Jeremy et Derek, deux frères qui s’en vont chez eux aussi, à San Francisco, mais à partir d’Anchorage. Ils ne sont en route que depuis un mois, mais ils ont accompli ce miracle en longeant la Colombie-Britannique en bateau. Je croise aussi une jeune femme, mais nous n’arrêtons pas car nous sommes au creux d’un ravin et gardons l’élan pour remonter.

Un dernier regard sur le Pacifique, une bonne côte et je retrouve les routes de coupes de bois, le long de la rivière Hoh que je vois à peine. C’est en général facile tant que je longe la rivière, puis ça monte plus sérieusement. La journée se termine par de bonnes descentes jusqu’au camping Bogachiel, du nom de la rivière qui le longe. Il est 18 h 45, assez tôt en considérant la distance de plus de 100 km et mon heure de départ.

Ici, c’est l’auto enregistrement. Il y a deux sites pour les randonneurs. Le beau est apparemment pris, il reste le moche à côté du stationnement des toilettes. J’essaie, sans grand succès, de sécher ma tente, mais je réussis à la monter sans mouiller l’intérieur malgré un double toit bien trempé. Les aiguilles de sapin sont partout et collent à ce qui est humide…

Après le repas et la douche, je me couche. Peu après, un camion stationne à 2 m de ma tente en laissant tourner son moteur pendant 10 minutes. J’écrirai un commentaire au parc, quand même. Et je vais dormir de mon mieux malgré la route à proximité.

km jour : 103,1
km total : 1826
départ / arrivée : 11 h 45 / 18 h 45
temps de trajet : 5 : 56
vitesse moyenne : 17,3
vitesse maximale : 47,5
camping : 12 $

Pluie sur la « Rain Forest »

> Gatton Creek Campground (Quinault) – 80 km
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Mercredi. Au milieu de la nuit, crépitement de pluie sur la toile… jusqu’à mon lever. Bien sûr, ma tente est trempée au matin, mais l’intérieur est bien sec. Avant de sortir, tout mon matériel est rangé en mode « pluie » et je n’ai plus à retourner à l’intérieur ensuite.

À 9 h, je quitte le camping vers le sud, puisque c’est par là qu’il y a une épicerie digne de ce nom. C’est donc vers 10 h que je prends vraiment la route.

Après un petit bout le long des plages – que je ne vois pas –, je rentre à l’intérieur des terres. Scénario route connu : des conifères, des coupes de bois, des villages rares et ravagés. Jusqu’à la 101, il n’y a pratiquement aucune circulation ; ensuite, elle est restreinte mais rapide, donc à surveiller. Faute de mieux, je mange debout, sur l’accotement. Il y a de jolies collines à l’est, laissant espérer de jolis paysages, et ça monte tranquillement. Je ne croise qu’un seul cyclotouriste.

J’entre enfin dans la Olympic National Forest. En arrivant près de Quinault, changement radical d’ambiance : je suis dans la « Rain Forest », peuplée de sapin géants, de fougères et de mousses. Magnifique !

J’avais de toute façon décidé de coucher à Quinault, puisque les campings y sont plus accessibles. Il y a une raison de plus : c’est très beau. Je bifurque donc vers le village. Une longue descente – à remonter demain, probablement – et je vois deux cyclotouristes connus : Maxime et Erin. Ils se sont retrouvés et ont suivi un itinéraire assez semblable au mien, sauf qu’ils ont roulé à la pluie ce matin. Ils continuent leur périple, mais nous échangeons nos coordonnées et des photos.

Au village, on m’indique que les campings sont payables sur place, en choisissant un site libre. Le Gatton Creek Campground est moins cher – c’est quand même 20 $ sans eau ni rien – et les sites ne sont accessibles qu’à pied, mais c’est franchement superbe. Il y a que cinq sites, et du mien je suis presque sur la plage de galets, avec une vue fantastique sur les montagnes en face. Pour un peu, on se croirait dans les Alpes.

Puisque le soleil est de retour, je fais bien sécher la tente près du lac, puis j’installe le campement avant de partir marcher. Je dois pédaler un peu – sans bagages, c’est étrange – puis stationner mon vélo avant de mettre mes sandales.

Je parcours une boucle d’environ 2,5 km, très agréable au milieu des arbres géants et des cascades, malgré quelques averses. Je rentre au camping, très heureux de mes choix, mais je me réfugie dans la tente puisque la pluie est de retour. Pas grave : j’écris le journal en musique.

Il est 20 h et la pluie continue : je me mets au souper dans le vestibule de ma tente, assez vaste pour servir de – minuscule – cuisine à l’abri des intempéries. Il pleut toujours quand je me couche, vers 22 h, mais j’ai des voisins arrivés in extremis : une famille d’australiens vivant en Suède. Le monde voyage…

km jour : 79,4
km total : 1722
départ / arrivée : 9 h 00 / 15 h 45
temps de trajet : 4 : 43
vitesse moyenne : 16,8
vitesse maximale : 51,7
camping : 20 $

La route est courte

> Ocean City State Park (Ocean City) – 65 km
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Mardi. Cette nuit, j’ai eu un peu froid. Au lever, comme il fait encore beau, je fais un peu de lavage avant de revenir à ma tente et au journal. Il est plus de 9 h 30 quand je sors enfin dehors. Je suis donc en route vers 10 h 45, pas mal plus tard que d’habitude.

Comme hier, le ciel est plutôt nuageux puis se dégage en début d’après-midi. C’est donc parfait pour rouler, ce que je fais bien évidemment.

De la route, il y a peu à dire. Jusqu’à Aberdeen, seule ville d’importance aujourd’hui, de longues lignes droites, peu de relief et peu de vues. En ville, une traversée de pont délicate, comme souvent, de la circulation… et je ne trouve pas d’épicerie digne de ce nom. Je prends un strict minimum dans un dépanneur.

La suite du trajet est semblable à ce matin, avec du soleil en plus et un 3 km de bonnes côtes pour casser la monotonie. Je croise deux cyclistes seulement – Britt et Andrew, de l’Arkansas – avec qui nous échangeons quelques informations.

Un peu plus loin, j’ai à choisir mon chemin : vers l’intérieur ou vers la côte ? Je choisis la côte pour plusieurs raisons : c’est plus sur, plus facile après la journée d’hier, j’ai plus de chances de trouver électricité et nourriture, et j’apprécierais une journée de « congé ». Je suis donc dès 16 h à Ocean City SP, près de la ville du même nom.

Une fois le campement monté, je vais voir la mer. C’est toujours beau, mais moins qu’hier : la plage est très plane, la mer loin et il y a des voitures qui circulent. Alors que j’ai les pieds à l’eau – il fallait quand même y toucher, à cet océan ! –, mon téléphone sonne. J’avais laissé des messages à mes frères, et c’est Gaétan qui rappelle. J’ai ainsi quelques nouvelles de la famille. Tous vont bien, ils ont amené ma mère au chalet, et le bateau est abîmé après son naufrage mais semble fonctionner encore.

Je rentre souper à ma tente, puis je vais à la salle de bains pour écrire et recharger l’ordi. J’en profite pour appeler ma sœur Monique avant de me diriger à nouveau vers la plage pour le coucher du soleil. Ce n’est pas très impressionnant : les nuages ont envahi le ciel…

km jour : 66,4
km total : 1642
départ / arrivée : 10 h 45 / 16 h 00
temps de trajet : 3 : 48
vitesse moyenne : 17,7
vitesse maximale : 47,0
camping : 12 $

C’est encore loin ?

> Twin Harbors State Park (Westport) – 135 km
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Lundi. Ce matin, le soleil est fort sur les tentes, alors tout est bien sec. Anne est déjà partie, alors je déjeune avec Max et Erin.

Parti peu après 9 h 30, j’arrête au village de Ilwaco pour des achats minimaux – la prochaine épicerie peut être loin – et j’y retrouve Max. Nous roulons de concert jusqu’à l’entrée de Long Beach. Il y a un kiosque d’information touristique qui nous fournit quelques infos et une carte routière bien utile.

Comme Erin reste introuvable, Max part vers Long Beach afin de la chercher. Il ne semble pas pressé. Je soupçonne une grosse journée, alors je file sur la 101.

Le premier bout, plat avec vent de dos, est facile et rapide. Une montée, des coupes de bois assez sauvages, une descente et je me promène sans trafic dans de belles forêts très relaxantes, puis le long d’une baie qui est aussi réserve faunique.

Je traverse la grosse rivière Naselle, puis je la longe jusqu’à l’intersection de la route 4. Il y a un peu plus de trafic, mais rien de problématique. En plus l’accotement est assez confortable. Je salue deux cyclistes allant vers le sud. Bénédicte et Mathilde, deux sœurs, sont québécoises et très enjouées. Nous passons de bons moments à discuter.

Ensuite, forêts, forêts, baies, coupes de bois, forêts. Un nom de village ? Cinq maisons dispersées, quelques chemins de part et d’autre… Bref, c’est beau, mais assez reculé.

Vers la mi-journée, le soleil hésitant de l’avant-midi prend toute la place. Après 75 kilomètres, je traverse Raymond, la seule ville de la journée. Je fais mes courses. Je repars et rejoins Bill, un cycliste de la place. Nous roulons ensemble sur la piste cyclable jusqu’à la sortie de la ville. Retraité en forme, il roule et marche avec enthousiasme.

Je repars le long de la baie de Willapa. C’est très plat, avec de longues lignes droites et un vent de face parfois gênant. C’est souvent beau, mais sans le côté spectaculaire des dernières semaines. Fatigué, je progresse lentement vers le camping.

À 125 km précisément, j’arrive enfin à Grayland Beach SP. Problème : il n’y a plus de place, même pour les randonneurs. Solution : le prochain camping, 7 km plus loin. Devant mon air déconfit, le préposé fait toutes les démarches pour s’assurer que tout ira bien. Il me donne même une série de jetons pour les douches.

Je monte la tente et soupe en vitesse, puis je marche jusqu’à la plage : c’est peut-être mon dernier soir près du Pacifique, et il fait beau. Le soleil est déjà couché, mais je reste longtemps au bord de l’eau à regarder et écouter les vagues briser sur le sable.

Je reprends la route, les jambes un peu molles, et il est 20 h quand j’arrive pour de bon, à Twin Harbors SP. Tout est parfait : l’accueil, le site avec du bois pour le feu – que je n’utiliserai pas –, les services… Il n’y a pas d’autre randonneur et le camping est loin d’être plein. Je ne socialiserai pas ce soir.

Ensuite, évidemment, douche et dodo. Demain, j’espère que ce sera plus facile, quand même.

km jour : 133,9
km total : 1576
départ / arrivée : 9 h 45 / 20 h 00
temps de trajet : 7 : 35
vitesse moyenne : 17,6
vitesse maximale : 52,9
camping : 12 $

La traversée vers Washington

> Cape Disappointment State Park (Long Beach) – 105 km
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Dimanche. Pendant la nuit, la bruine a cessé et la tente a séché. Moi, j’ai dormi. Je me lève tôt, vers 7 h, discute un peu avec Mathieu à propos de l’itinéraire et je suis sur la route à 9 h.

Le ciel est gris, le soleil tente de timides percées mais reste discret aujourd’hui. En revanche, ce n’est pas froid.

En partant, je traverse Manzanita, village touristique de plage. Dès que je quitte la mer, ça monte très sérieusement, et ça se poursuit sur la 101, heureusement assez calme ici. Beaux points de vue à partir de Oswald West SP, bonne descente, puis la route entre dans les terres pour contourner Arch Cape. C’est du sérieux, mais c’est beau, avec un vrai paysage de montagne. En arrivant en haut, je vérifie ma moyenne – 13,4 km/h – et après la descente et le tunnel, elle est rendue à 15,2 km/h.

Jusqu’à Cannon Beach, ça monte et descend un peu, puis je traverse le village. De retour sur la 101, par une entrée style autoroute, je me retrouve dans le gros trafic jusqu’à Seaside. Assez infernal.

Contraste : Seaside se traverse par une piste cyclable qui longe la mer. À part l’agglutinement de touristes près de la plage, c’est très calme. Je dîne sur un banc avec vue sur l’océan.

Je ne retourne pas sur la 101. Une calme route en montagne, puis dans une vallée agricole, me mène directement à Astoria. Je traverse la ville par une petite rue qui vire le long de la colline, regardant le long pont de la 101 auquel j’ai échappé.

Bientôt, je découvre celui auquel je n’échapperai pas. Ayoye ! Il est haut, long, étroit, venteux, encombré de voitures… mais spectaculaire au dessus de l’estuaire de la rivière Columbia. J’enfile ma veste jaune fluo et je me lance.

D’abord, une longue montée en courbe permet de rejoindre une superstructure au-dessus de la voie navigable. Il y a des travaux et la circulation alternée. Je pars avec les voitures. La descente est infernale avec le vent qui me fait vaciller et les voitures qui me suivent ou me frôlent. Plus loin, j’arrête quand les voitures arrivent et repars quand c’est plus tranquille. Au total, la traversée fait 6,5 km ! Pas trop souvent, SVP. En tout cas, je suis dans l’état de Washington et encore vivant.

Ensuite, je reprends la 101, qui longe la mer un bon bout de temps. Malgré le vent de face, ça va assez bien, car le trafic est assez léger. Dans un village, il y a une petite épicerie sans fruits : j’y achète le minimum requis. Ensuite, il suffit de pédaler tranquillement jusqu’au Cape Disappointment SP.

Le camping est plein, comme souvent, mais il y a toujours de la place sur les sites Hike & Bike. Deux tentes sont déjà montées et deux vélos sont sagement rangés non loin. De la première émerge Max (Maxime), de Québec. Il est sur la route depuis 11 mois, ayant vu à vélo les Grands Lacs, le Mississipi, la Floride, Haïti, puis la côte ouest. Tout un périple. La deuxième héberge Erin, une californienne avec qui il voyage depuis quelques semaines. Un dernier vélo arrive avec Anne, une étudiante ontarienne. Vive les rencontres cyclistes !

Après la douche, je m’installe dans une salle de toilette individuelle – le luxe – avec mon ordi afin d’écrire, de recharger la batterie, qui en a bien besoin, et de faire un bon ménage des photos. Je fais le tout en musique, quand même. Ça prend du temps, je me couche à près de 1 h, mais j’attendais l’occasion depuis longtemps. La nuit sera bonne.

km jour : 107,5
km total : 1442
départ / arrivée : 9 h 00 / 18 h 15
temps de trajet : 6 : 55
vitesse moyenne : 15,5
vitesse maximale : 50,6
camping : 12 $

Contourner les baies

> Nehalem Bay State Park (Manzanita) – 80 km
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Samedi. Ce matin, il y a du brouillard. Ça ne m’a pas empêché de très bien dormir. Déjà, l’Oregon achève…

Je prends plus d’une heure pour le journal et quelques détails informatiques, puis je me prépare tranquillement alors que le soleil brille maintenant de tous ses feux. La journée s’annonce à nouveau splendide.

Comme d’habitude, je suis en route vers 10 h 15. Jusqu’à Netarts, la route longe la baie du même nom et c’est très facile. Ensuite, ça devient très accidenté, de fortes montées et descentes se succédant, avec des vues en conséquence.

Après Oceanside, ça monte jusqu’à l’entrée du Cape Meares SP. Ensuite, la route est barrée, avec une barrière et un cadenas. Il y a une petite place pour contourner à pied avec mon vélo. J’y vais, évidemment. De fait, certaines sections sont impraticables pour les voitures – elles sont plus ou moins effondrées – mais en vélo ça va très bien en étant prudent, car ce n’est qu’une longue descente. En prime, il n’y a pas de problème avec la circulation.

Plus bas, la route est à nouveau ouverte, mais il n’y a personne. Juste avant l’intersection du bord de l’eau, un troupeau d’élans – à l’œil, une vingtaine – broute allègrement à côté de la route. Nous nous voyons en même temps, ils disparaissent à toute vitesse dans le bois…

La route suit le bord de l’eau, bien horizontale, et je file allègrement. Je prends une petite pause quand je rencontre Everett et Carmen, des cyclotouristes albertains en tandem et parlant français. Un peu plus loin, je croise deux néo-zélandais. Dans chaque cas, je les informe de la situation devant eux.

À Tillamook, j’arrête à l’épicerie. Mon vélo est dans une zone Wi-Fi, alors j’en profite pour lire une partie de mes nombreux courriels. Le premier est d’une voisine du chalet qui nous avertit que le bateau est au fond de l’eau. Il fallait s’y attendre, mais je relaie l’information à mes frères et j’en appelle un, qui était au courant. À suivre…

Après cette bonne pause, je poursuis sur la 101. Il y a plein de voitures et de commerces, alors je passe le plus vite possible. J’arrête à Bay City pour manger un peu. Dans le petit parc, des familles arrivent pour l’anniversaire d’une fillette d’environ 9 ans. C’est bien joyeux.

À Garibaldi, joli village de pêcheurs, il y a de vieux trains, dont une locomotive à vapeur qui se promène. Plus loin, c’est Rockaway Beach, un long piège à touristes qui semble bien fonctionner. À l’intérieur des terres, les montagnes sont plus hautes maintenant, mais le brouillard de la mer envahit tranquillement le paysage.

Je contourne une autre baie alors que le brouillard devient petit crachin, même si le ciel est bleu vers l’est. J’arrive au camping avant 18 h, très content de terminer tôt avec cette météo. Il y a plusieurs cyclotouristes, dont Mathieu, un gars de l’Outaouais qui en est à son premier voyage à vélo. Il devait partir de Seattle, mais un retard d’avion lui a fait manquer une correspondance. Il a donc commencé à Vancouver, en suivant la 101 le long de la mer… qu’il n’a pas vue souvent. Le crachin plus intense nous retourne chacun de notre côté.

J’ai le temps de terminer le journal d’aujourd’hui avant qu’il ne fasse trop noir. Alors que je sors pour aller prendre ma douche, une jeune femme arrive. Il était temps pour elle ! J’utilise pour la première fois mon mini parapluie de voyage, et j’apprécie une fois de plus une tente grande et étanche. Avant de dormir, je regarde ce que j’ai comme cartes et… je poserai des questions demain car rien n’est clair sur le chemin à prendre après Astoria. Évidemment, ça ne trouble pas du tout mon sommeil.

km jour : 79,9
km total : 1334
départ / arrivée : 10 h 15 / 18 h 00
temps de trajet : 4 : 49
vitesse moyenne : 16,0
vitesse maximale : 46,9
camping : 6 $

J’aime les petites routes

> Cape Lookout State Park (Netarts) – 105 km
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Vendredi. Un autre très beau matin. Chacun se prépare à son rythme. On m’avait parlé d’une possibilité de connexion Internet : c’est vrai, mais la dame m’indique que ce n’est que pour 15 minutes. Je m’installe pour écrire sans me connecter, mais j’avais mal compris : c’était 15 minutes au total. Un peu impatiente, elle me laisse terminer un envoi express mais un peu en désordre… Il est 10 h 15 quand je prends la route.

Il y a beaucoup de circulation, mais je prends rapidement une petite route. La montée et la descente par Otter Rock sont un enchantement : pas de trafic, et de très belles vues. Je redescends en même temps qu’un homme à pieds, et à peu près à la même vitesse puisque j’arrête beaucoup. Je crois un couple de cyclistes allemands, Friedrich et Silke. Aujourd’hui, il y a très peu de cyclistes.

De Depoe Bay à Otis, la 101 est à son pire. C’est pratiquement impossible de traverser tellement il y a de véhicules. La traversée de Lincoln City est un sommet en la matière… Je suis très heureux de bifurquer vers la Old Scenic 101.

C’est l’autre extrême. En 15 kilomètres, je croise trois voitures et une moto. La route monte tranquillement le long d’un ruisseau – je l’entends chanter avec les oiseaux – au milieu d’une belle forêt. Ensuite, quelques bons lacets et la descente : c’est parfait, je chante même à voix haute.

La 101 est maintenant beaucoup plus calme, mais je la quitte à nouveau pour aller vers Pacific City, petite ville touristique au bord des dunes. Je fais l’épicerie, puis la route qui monte doucement le long d’un estuaire est à nouveau déserte.

Après un virage à gauche, les choses sérieuses commencent. Cape Lookout est le point le plus élevé de la route en Oregon, alors ça monte sérieusement. J’ai déjà près de 100 kilomètres dans les jambes aujourd’hui, mais ça va. Un petit point de vue, une grande descente assez spectaculaire et je suis au camping.

Le site est absolument splendide, en bord de mer sous les grands arbres qui ne cachent pas le soleil couchant. Il y a du monde, mais je ne rencontre personne aujourd’hui. Je procède rapidement aux routines, car il est déjà tard. Il n’y a pas d’étoiles, et je m’endors bercé par le bruit incessant des vagues sur la plage.

km jour : 104,1
km total : 1254
départ / arrivée : 10 h 15 / 19 h 40
temps de trajet : 7 : 02
vitesse moyenne : 14,8
vitesse maximale : 47,9
camping : 6 $

Quelques belles vues

> Beverly Beach State Park (Newport) – 100 km
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Jeudi. Un matin de lumière, ciel bleu magnifique. Belle journée en perspective. Nous nous retrouvons entre québécois – je donne un coup de main mécanique à Marie – avant leur départ. Je rencontre des voisins américains, Annabelle et Chili, puis chacun prend la route.

Une bonne descente puis la traversée de Florence – une longue suite de commerces sur terrain plat – et un bout derrière les dunes avec vent de face, ça donne une couleur. Mais ensuite, ça commence à monter, dévoilant les magnifiques dunes.

La route étroite et tortueuse est très belle malgré un bon trafic et l’absence d’accotement. Les ouvertures vers la mer sont spectaculaires, il y a même un petit tunnel.

Je croise un trio de cyclistes : Marco, un américain, ainsi que Michel et Audrey, de Sherbrooke. Ceux-ci me prêtent leur carte de l’état de Washington, que je leur enverrai par la poste au retour. Un bon arrangement.

Après cette section, la route devient plus facile mais reste très belle jusqu’à Yachats. Ensuite ? Plus rien. De longues lignes droites derrière les dunes, des plages à perte de vue – mais que je ne vois que rarement – et, parfois, un petit cap pour montrer le potentiel de beauté. Quand même, la mer et ses grosses vagues sont assez spectaculaires. À chaque ville, un long pont, souvent étroit, des commerces, et ça recommence.

Jolie exception : Newport, centre régional. Le pont de deux kilomètres est particulièrement pénible – un conducteur me crie : « Walk your bike ! » sans avoir la moindre idée de ce dont il parle. C’est une malheureuse exception, presque tous sont vraiment courtois. Il y a aussi un beau parc après le pont, et une mer spectaculaire.

Peu après, j’arrive enfin au camping. Il y a plusieurs cyclistes, dont deux québécoises – Marie-Josée, qui vit à Singapour, et Andrée, directrice d’école de La Prairie – et des anglophones d’un peu partout, dont un australien. Je me prépare rapidement, puisqu’il est tard, alors que certains se passent une pipe au contenu indéterminé.

Ensuite, douche et dodo.

km jour : 101,2
km total : 1150
départ / arrivée : 10 h 00 / 20 h 00
temps de trajet : 7 : 00
vitesse moyenne : 14,4
vitesse maximale : 45,5
camping : 6 $

Des arbres et des arbres

> Honeyman State Park (Florence) – 115 km
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Mercredi. Au lever, la tente est légèrement humide, mais sèche rapidement. Après avoir complété le journal, je rejoins Susan et Matt. Nous déjeunons ensemble – les céréales avec le lait, c’est quand même bon – et échangeons pendant une bonne heure. Très belle rencontre : nous espérons nous revoir, et je suis invité chez eux. Ça me tente, mais c’est un détour considérable.

De retour au campement, je ramasse rapidement mon matériel car j’ai l’intention de faire une bonne journée. Je croise une dame de 77 ans qui marche tranquillement le sentier côtier. Wow !

Ce sera gris et frais toute la journée, malgré de petites tentatives d’éclaircies. J’apprécie grandement le confort de mon nouveau coupe-vent : il est très bien adapté aux conditions et je le mets régulièrement. Quand il ne sert pas, il disparaît facilement car il est léger et minuscule. De plus il est très très voyant en jaune fluo, un avantage certain.

Après un petit bout sur la 101, le trajet suggéré – vive la carte ! – prend Seven Devils road. C’est super calme, à part les cyclistes que je croise nombreux, descendant la grosse côte que je monte. Il n’y en aura pas d’autres aujourd’hui.

C’est joli, en pleine forêt, tortueux. En haut de la côte, je traverse une zone de coupe de bois. C’est peut-être utile, mais ce n’est plus joli du tout. Une solide descente me mène à Charleston, joli port de pêche. On m’a dit que le camping est très bien, mais il est bien trop tôt.

Je suis ensuite à North Bend, où je fais les achats du jour, puis je retrouve la 101. Elle se surpasse : je dois traverser un long pont étroit où le trafic est bien dense. Au moins, je peux déclencher un signal signalant ma présence et diminuant la limite de vitesse.

Après une longue digue, la route retourne en forêt. Toujours, les véhicules y sont gros et nombreux, alors je quitte pour l’ancienne route quand je le peux.

À Whinchester Bay et Reedsport, même scénario : un camping que je laisse passer, trafic, pont étroit, cette fois-ci avec des travaux, et une seule voie. En revanche, les voitures se raréfient sérieusement pour le reste du trajet.

Au village suivant, un homme m’interpelle de son camion de travail : il m’offre de m’emmener plus loin, car il y a une grosse côte et encore un bon bout à faire. Je décline en le remerciant : c’est très gentil de sa part.

C’est bien vrai, ça monte longtemps mais ce n’est pas très à pic alors c’est assez facile. En haut, le paysage est à deux vitesses : d’un côté, forêt et lacs ; de l’autre, coupes à blanc. La descente mène à un parc fédéral qui préserve les fragiles dunes côtières et leur environnement. Je les entrevois à peine, mais plusieurs stationnements permettent d’y accéder. Il y a aussi quelques campings fédéraux, j’en ignore l’organisation et les services, alors je poursuis mon chemin.

J’ai maintenant plus de 100 km dans les jambes aujourd’hui… et ça va toujours bien. Maintenant, les végétaux ne sont plus très exotiques : on se croirait dans les Laurentides. Je passe Dunes City et j’arrive enfin au Honeyman Memorial SP, mon objectif d’aujourd’hui. Il est 20 h 15, c’est vraiment le temps d’arrêter.

Il y a beaucoup de monde au camp des randonneurs, dont une tablée de québécois. Je me joins à eux et nous jasons tout en vaquant aux diverses tâches. Marie, de Sherbrooke, est enseignante au primaire et connaît ma collègue Caroline, une bonne amie. Mathieu et Mélanie, de Gaspé, en sont à leur premier long voyage et apprécient leur aventure. Mais la nuit tombe rapidement : Marie va dormir, Mathieu et Mélanie passent à la douche, je complète la vaisselle et l’installation alors qu’il fait de plus en plus noir.

Le camp est bien calme, à part le fort vent dans les branches. Je passe à la douche, puis je m’installe aux toilettes pour écrire : il y a de l’électricité pour l’ordi et un banc pour moi. En revanche, il est près de minuit quand je termine. La nuit fera grand bien.

km jour : 116,6
km total : 1049
départ / arrivée : 10 h 00 / 20 h 15
temps de trajet : 7 : 32
vitesse moyenne : 15,3
vitesse maximale : 54,9
camping : 5 $